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Qu’y a-t-il entre les étoiles ? Et pourquoi l’Univers « grandit-il » de plus en plus vite ?

A ces questions, la physique apporte actuellement une même réponse probable : l’énergie noire. Cette entité hypothétique, qui représenterait les deux tiers de toute l’énergie présente dans l’Univers, serait responsable de son expansion accélérée. Pourtant, on ne sait pas vraiment ce qu’elle est.

Définir cette énergie et en calculer la valeur précise pourrait aider à réunir deux grandes écoles de pensée physique : la théorie quantique des champs (QFT) et la théorie générale de la relativité développée par Albert Einstein. Seul problème : jusqu'à présent, les calculs effectués en QFT sont loin de concorder avec les observations faites par nos télescopes. Cette divergence hante la physique depuis plus d’un siècle.

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La théorie quantique des champs (QFT)

En théorie quantique des champs (Quantum Field Theory, ou QFT), toutes les particules élémentaires sont décrites non pas comme des corpuscules (des petites billes) mais comme des oscillations (des nœuds vibratoires) dans des champs fondamentaux qui existent en tout point de l'espace et du temps.

Un champ quantique ne se laisse pas facilement visualiser. C’est avant tout un objet mathématique abstrait, dont le but est de décrire des probabilités. On pourrait néanmoins le décrire ainsi : une toile tendue à travers l’espace, dont chaque point a une valeur bien précise.

Dans ce contexte, une « particule » n’existe pas réellement. Elle est notre représentation d’une perturbation qui se propage au sein de la toile. Voilà pourquoi on l’appelle aussi « paquet d’onde » en physique quantique.

La QFT décrit une multitude de champs dans l’Univers : électrique, magnétique, gravitationnel…

En physique, la QFT est la théorie la plus précise de toutes, mais elle présente quelques problèmes majeurs. Difficilement applicable au monde macroscopique, elle ne sait pas décrire la gravitation. De plus, les calculs mathématiques en QFT sont extraordinairement complexes, ce qui fait qu’on ne sait pas encore tout calculer.

Ceci pourrait bien changer à l’avenir, grâce au travail de l’équipe du Prof. Tkatchenko, du Département de Physique et des Matériaux de l’Université du Luxembourg. Dans une publication pionnière, parue en janvier 2023 dans le prestigieux journal Physical Review Letters, ils énoncent une toute nouvelle définition de cette mystérieuse énergie noire.

Afin de mieux en comprendre la portée, nous nous sommes entretenus avec lui.

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Biographie: Alexandre Tkatchenko

Alexandre Tkatchenko est Professeur au Département de physique et de science des matériaux (et chef de ce département depuis janvier 2020) à l'Université du Luxembourg, où il est titulaire d'une chaire en physique chimique théorique. Il est également Professeur invité à l'Université technique de Berlin.

Son groupe développe des modèles de calcul précis et efficaces pour étudier un large éventail de matériaux complexes, dans le but de comprendre qualitativement et de prédire quantitativement leurs propriétés structurelles, cohésives, électroniques et optiques à l'échelle atomique et au-delà.

Prof. Tkatchenko a donné plus de 300 conférences invitées, séminaires et colloques dans le monde entier, publié ~200 articles dans des revues prestigieuses. Il a reçu un certain nombre de récompenses, dont l'APS Fellow de l'American Physical Society, le Gerhard Ertl Young Investigator Award de la German Physical Society, la médaille Dirac de la World Association of Theoretical and Computational Chemists (WATOC), le prix van der Waals de la conférence internationale sur les interactions non covalentes (ICNI) et cinq subventions phares du Conseil européen de la recherche : une Starting Grant en 2011, une Consolidator Grant en 2017, une Advanced Grant en 2022, et des Proof-of-Concept Grants en 2020 et en 2023.

Qu’est-ce que l’énergie noire, et quel problème pose-t-elle ?  

L'énergie noire est supposée être omniprésente, mais la majeure partie se trouverait entre les étoiles. Elle pourrait représenter jusqu'à 70% de l'énergie de notre Univers.

« L’énergie noire détermine l'évolution dynamique de l’Univers tout entier. On ne peut pas comprendre l'Univers sans l'expliquer », dit Tkatchenko.

Mais si elle est omniprésente, pourquoi en savons-nous si peu sur elle ?

« Dans notre vie quotidienne, nous ne ressentons pas son influence. Elle est présente dans nos tables et dans le reste de la matière, mais nous n'avons aucun moyen de la "sentir" avec les instruments dont nous disposons - tous les autres effets sur Terre sont beaucoup plus forts. Pour nous, elle paraît donc à première vue d’un intérêt limité. Mais pour l'Univers, c'est le phénomène le plus important : elle est la force qui s’oppose à la gravitation » (cette force attractive qui agit entre les objets massifs, tels que les galaxies).

On pourrait s’imaginer cela comme deux mains qui tirent sur la fabrique de l’Univers : l’une – la gravitation – pour la rouler en boule, la deuxième – l’énergie noire – pour l’étirer. Cette dernière semble gagner la bataille, empêchant ainsi l’Univers de s'effondrer, et accélérant même son expansion.

Le problème : en calculant sa valeur – via la constante cosmologique – avec la théorie quantique des champs, on trouvait jusqu’à présent un résultat supérieur de 60 à 120 ordres de grandeur à celui mesuré par nos télescopes ! Ceci rendait impossible toute représentation de ce qu’elle est, bloquant notre compréhension de l’Univers.

Or grâce à la nouvelle approche développée par l'équipe de Tkatchenko, cette divergence pourrait être résolue, permettant enfin le calcul d’une constante cosmologique identique en physique quantique et en astrophysique.

Qu’est-ce que cela signifie ? Pour le comprendre, tâchons de définir d’abord ce qu’est la constante cosmologique, et son lien avec l’énergie noire.

Qu’est-ce que la constante cosmologique, et quel est son lien avec l’énergie noire ?

Prof. Tkatchenko nous éclaire : « Nos télescopes (Hubble, Planck et Webb) effectuent des mesures dans l’Univers, et plus précisément dans le vide. Ces données permettent de déterminer certains paramètres de l'espace et du temps. L'un de ces paramètres est ce que l'on appelle la constante cosmologique, qui est connue depuis 100 ans grâce aux équations d'Einstein. La constante cosmologique définit essentiellement la densité d'énergie du champ du vide, ou encore ce que nous appelons communément l’énergie noire. »

Mais quelle densité pourrait bien avoir l’énergie dans le vide intersidéral ?

« C’est une densité d'énergie véritablement minuscule en chaque point de l'espace, dit Tkatchenko. La densité d'énergie de la matière (de la table, de la terre...) est beaucoup plus élevée que la densité d'énergie du vide. Mais cette dernière constitue un pourcentage énorme de la densité d'énergie totale de l'Univers : tout simplement parce que l’Univers est plutôt vide ! Il n'y a pas beaucoup de matière, et énormément d’espace. »

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L'histoire de la constante cosmologique Λ

La constante cosmologique a été initialement ajoutée par Einstein à ses équations en 1917 pour l'aider à maintenir sa conviction que l'Univers est statique, c’est-à-dire inchangé dans le temps.

Quelques années plus tard, l'astronome américain Edwin Hubble a découvert que les galaxies s'éloignaient les unes des autres, comme dans une toile que l’on étire, montrant ainsi que l’Univers était loin d’être statique.

Dès lors, la constante cosmologique a posé un sacré problème à Einstein, à tel point qu’il l’aurait qualifiée de plus grande erreur de sa vie. Il a fini par la rendre nulle dans ses équations, créant ainsi en 1931 le modèle d’espace-temps appelé Einstein-De Sitter… Mais c’était sans compter les nouvelles observations faites par les télescopes dans les années 90, montrant une accélération de l’expansion de l’Univers ! Et cette accélération est bel et bien décrite par une constante cosmologique positive, dont il reste maintenant à déterminer la valeur exacte.

Einstein avait donc vu juste malgré lui.

Quel est le problème de la constante cosmologique ?

La théorie quantique des champs prédit une densité d'énergie du vide énorme (environ 10^114 J/m3 ou, en termes de masse, 10^95 g/cm3 si la longueur de Planck de 10-35 m est utilisée) ; or si c’était le cas, cela déchirerait l'Univers. Les données astronomiques, en revanche, indiquent qu'une telle constante cosmologique (exprimée en masse) doit être de 10^-29 g/cm3, ce qui représente une discordance de 60 à 120 ordres de grandeur selon la méthode de calcul !

Cette discordance absolument colossale est parfois connue sous le nom de "catastrophe du vide" et représente l’un des plus grands problèmes actuels de la physique.

Le résoudre permettrait à la théorie quantique des champs de rejoindre enfin la relativité générale, une véritable révolution dans la science, de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

 

Comment l’équipe du Prof. Tkatchenko se propose-t-elle de résoudre le problème ?

Commençons par expliquer leur publication.

Le vide n’est pas vide. (Ce serait trop simple !) En réalité, le "vide", donc l’espace dépourvu de matière, possède une énergie, et peut être considéré comme un champ quantique.

« Les champs quantiques possèdent des fluctuations transitoires de paires particule-antiparticule, ou "excitations virtuelles" », explique Prof. Tkatchenko.

On pourrait se représenter cela comme des apparitions spontanées de particules d’une durée de vie infinitésimale, mais capables, durant leur brève existence, d’interagir entre elles comme n’importe quelles particules. Un peu comme des fantômes qui apparaissent dans une pièce vide, échangent quelques paroles et disparaissent en un clin d’œil. Voilà pourquoi le vide n’est pas vide. 

Or ces "excitations virtuelles" forment autant de dipôles, minuscules et de courte durée. Les fantômes de notre pièce vide se mettraient ainsi à jouer au tennis, par paires de deux, avant de disparaître.

En physique, un dipôle peut être magnétique ou électrique. Le dipôle électrique le plus simple est formé par deux charges égales mais de signe opposé. C’est le cas des paires électron-positron virtuelles qui se forment dans le vide. Ces dipôles interagissent ensuite avec le champ électromagnétique, ce qui fait que le vide se comporte comme un milieu polarisable.

La polarisation d’un dipôle est sa réponse à un champ électrique appliqué. Dans un système, la séparation des charges électriques positives et négatives est une mesure de sa polarité globale.

Le Prof. Tkatchenko explicite : « Les interactions de ces dipôles conduisent à une densité de polarisation du vide. C’est ce que nous appelons "l’auto-interaction du vide". Notre principale contribution est la définition de cette polarisation ».

Voilà, en définitive, l’idée novatrice – et particulièrement élégante  – qui sous-tend son travail. Car cette polarisation du vide, intrinsèque et finie, peut être mesurée, calculée et intégrée aux équations préexistantes de la physique.

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Une approche qui séduit par son élégance

Cette nouvelle façon d’appréhender le vide est conceptuellement économe. Elle n’introduit aucun nouveau champ, aucune nouvelle particule ni constante. Elle naît d’un cadre préexistant, et en cela, elle est particulièrement élégante. 

Elle suit donc le principe du rasoir d’Ockham, également appelé "loi de la parcimonie", stipulant que la théorie la plus simple est celle qui a le plus de chances d’être la bonne. Bien que controversé en sciences, le rasoir d’Ockham continue de guider la réflexion scientifique et offre de nombreux avantages, notamment dans le domaine extraordinairement complexe de la mécanique quantique, où toute introduction d'une entité tire derrière elle une ribambelle de nouveaux problèmes insolubles. C'est d'ailleurs le principe de la parcimonie qui a fâché Einstein avec la constante cosmologique, dont il se serait bien passé !

« Nous avons défini cette polarisation dans des travaux précédents, à partir de modèles que nous avons pour les atomes », nous explique Tkatchenko. « Habituellement, on part de la mécanique quantique pour décrire des phénomènes physiques ; mais la QFT n’aide pas vraiment à comprendre la nature du réel. Nous avons fait le chemin inverse, en nous inspirant de ce que nous savons sur le monde moléculaire pour l’appliquer aux champs quantiques. »

« La valeur ainsi obtenue, explique le Prof. Tkatchenko, concorde avec la valeur observée de la constante cosmologique. Plus précisément, elle se situe entre les deux mesures récentes de la constante cosmologique Λ obtenues par la mission Planck et le télescope spatial Hubble. »

L’équipe du Prof. Tkatchenko a donc réussi à extraire une constante cosmologique correspondant à celle observée en astrophysique, et non pas celle calculée en théorie quantique des champs.

Et le nom de la publication ? Elle s’intitule « Casimir Self-Interaction Energy Density of Quantum Electrodynamic Fields » (« Densité d'énergie d'auto-interaction de Casimir des champs électrodynamiques quantiques »). Limpide !

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L’énigmatique mécanique quantique

L’un des débats les plus passionnants en physique est celui qui opposa les deux amis Niels Bohr, l’un des fondateurs de la mécanique quantique, et Albert Einstein, le père de la relativité générale. En effet, leur vision profondément divergente n'a pour enjeu rien de moins que la réalité telle que nous la percevons, ou plutôt, la réalité telle qu’elle est indépendamment de notre perception.

Voici une question ontologique bien connue qui illustre le problème : l’arbre dans la forêt fait-il du bruit en tombant, si personne n’est là pour l’écouter ? Autrement formulé : la réalité telle que nous l’imaginons existe-t-elle indépendamment de nous, et si oui, à quoi ressemble-t-elle ? Pour Einstein, l’arbre qui tombe reste un arbre, avec une couleur, une forme et une vitesse de chute bien définies, qu’on soit là ou non.

Mais pour Bohr et la physique quantique, ce n’est plus le cas. L’arbre que personne n’observe est dans tous les états à la fois : il tombe et ne tombe pas, sa couleur et sa forme ne sont pas définies. Mais si l’on mesure l’un de ses paramètres, par exemple sa vitesse de chute, alors on ne pourra plus connaître sa couleur, et inversement.

Un autre exemple pour illustrer ce paradoxe est celui du fameux chat de Schrödinger, une expérience de pensée où un chat est enfermé avec une source radioactive et une fiole de poison. Si un atome de la source radioactive – donc un élément du monde quantique – se désintègre, la fiole se brise et le poison tue le chat ; mais tant que nous ne l’observons pas, le chat est à la fois vivant et mort, car l’élément radioactif est dans tous les états à la fois, et ce, jusqu’à ce que nous le forcions à prendre un état précis à travers l’acte de la mesure. Car en mécanique quantique, tant que l'observation n'est pas faite, le paquet d’ondes qui représente notre atome est dans une superposition de plusieurs états équiprobables ; en l’occurrence, intact et désintégré. Or si notre esprit accepte cet état de superposition pour un élément du monde quantique, il nous est plus difficile d’en faire autant avec un objet de notre monde macroscopique !  

Alors, qu’en est-il du concept même de l’arbre ? Comment se le représenter ? La mécanique quantique, une théorie spectaculairement efficace (à l’origine, entre autres, d’innovations majeures telles que les lasers, les transistors, les horloges de géolocalisation…), n’apporte aucune réponse visualisable. Elle nous enseigne qu’on peut tout à fait se servir d’un outil sans forcément le comprendre. Concrètement, nous pouvons nous servir du fait que notre arbre est dans tous les états à la fois tant que nous ne l’observons pas – par exemple, pour planter une forêt multicolore – mais nous n’avons aucune image pour nous représenter cette forêt, et dès l’instant où nos yeux se posent dessus, elle change et adopte une couleur définitive.

Voilà de quoi rendre fou – ou curieux !

L'effet Casimir

L'effet Casimir, également connu sous le nom de force Casimir, est une force (très faible) provenant des fluctuations quantiques du vide (ces paires de fantômes qui apparaissent dans une pièce vide). Elle doit son nom au physicien néerlandais Hendrik Casimir, qui l’a décrite pour la première fois en 1948.

L’effet Casimir peut être illustré par ce qui se passe entre deux miroirs placés dans le vide, à quelques nanomètres l'un de l'autre. Plus ils sont proches l’un de l’autre, plus on aura du mal à les écarter. Tout se passe comme si le vide autour d’eux les "poussait" l’un vers l’autre… Cela est possible car les miroirs modifient les fluctuations quantiques du vide : de façon simplifiée, les photons virtuels qui apparaissent partout autour d’eux sont en supériorité numérique par rapport à ceux qui se trouvent dans l’espace entre eux, ce qui crée une force positive qui rapproche les deux miroirs.

En astrophysique, l'effet Casimir pourrait être responsable de l'origine de l'Univers : les fluctuations du vide auraient ainsi fourni les irrégularités primordiales nécessaires à la formation des étoiles et des galaxies.

L’effet Casimir a en outre un impact direct sur les nanotechnologies développées actuellement (on peut aisément s’imaginer comment il perturbe l’assemblage des composants en les collant les uns aux autres de façon gênante…).

 

 

Source: Wikipédia Commons ; Author : Emok

Cette nouvelle approche a-t-elle déjà été mise à l'épreuve ?

Comme toujours en science, toute nouvelle théorie nécessite une rigoureuse phase de mise à l’épreuve afin d’en vérifier la validité. Si les prédictions qu’elle génère se retrouvent dans les expérimentations, alors elle est valide jusqu’à preuve du contraire.

Voilà ce qu’en dit Tkatchenko : « Notre prédiction est qu'il existe une polarisation intrinsèque du champ du vide, même en l'absence de matière. Il s'agit d'une prédiction falsifiable, et nous espérons que les expériences futures la confirmeront. Dans ce cas, il sera alors incontestable que la valeur que nous avons trouvée est la constante cosmologique ». Cette prédiction devra donc être confortée expérimentalement.

D’autre part, la théorie quantique des champs pourrait la valider par le calcul. « Certains experts de mon groupe y travaillent actuellement », nous indique Tkatchenko.

Souhaitons-leur de réussir !

 

En dehors du calcul de la constante cosmologique, quelle est la portée de cette nouvelle approche, quelles possibilités offre-t-elle ?

Les possibilités sont immenses !

En effet, si l’approche du Prof. Tkatchenko et de son équipe s’avère correcte, elle pourrait intégrer jusqu’à la gravitation, ouvrant la voie vers une grande théorie unificatrice de la relativité générale et de la mécanique quantique. Une telle théorie révolutionnerait le monde de la physique.

Jusqu’à présent, la gravitation, l’une des quatre interactions fondamentales de l’Univers (gravitationnelle, électromagnétique, nucléaire forte et nucléaire faible) n’a pas su être décrite par la mécanique quantique. Dans le monde de l’infiniment petit, les trois autres forces sont extrêmement puissantes et éclipsant l’effet de la gravitation au point de le rendre inaccessible aux calculs.

« A partir de notre modèle, constate Tkatchenko, nous avons d’ores et déjà pu obtenir une dérivation qui semble correspondre à la force gravitationnelle. Intégrer la gravitation, cela n’a jamais été fait auparavant ».

De nos jours, la théorie la plus à même de décrire la gravitation reste la théorie de la relativité générale, énoncée par Einstein en 1915 et publiée par l'Académie Royale des Sciences de Prusse. Il n’a d’ailleurs pas été seul à l’élaborer (on attribue une partie du travail à Marcel Grossmann et à David Hilbert). Cette théorie a véritablement bouleversé la compréhension de l’Univers.

Une image volontiers utilisée pour l’expliquer est celle de la toile tendue (l’espace-temps) sur laquelle on fait rouler une bille. La masse de cette bille déforme la nappe et crée la courbure que nous appelons "gravitation", déviant la trajectoire de la bille. Ce donc n’est pas à proprement parler une force, mais plutôt la manifestation de cette courbure.

La relativité générale englobe et dépasse la théorie de la gravitation énoncée par Isaac Newton (la fameuse pomme qui tombe), laquelle est limitée aux petites vitesses et aux champs gravitationnels faibles.

Quelques exemples d’applications pratiques ?

Comprendre les interactions qui découlent de la mécanique quantique permet leur utilisation en pratique. A ce sujet, Tkatchenko cite l’exemple du polymorphisme dans les cristaux moléculaires. Certains médicaments se présentent sous forme de comprimés (cristaux), et selon la structure de ces cristaux, le principe actif du médicament fonctionne – ou pas. « Nous savons quelles interactions stabilisent les formes fonctionnelles des médicaments. C'est un exemple de quelque chose de très pratique ; les méthodes mises au point par mon équipe sont déjà utilisées couramment par l’industrie pharmaceutique ».

Dans le domaine des nanotechnologies, leur travail pourra également avoir des applications bien pratiques : la force Casimir affecte en effet l’assemblage de nano- et micro-matériaux, et crée un problème logistique considérable.

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En quoi consiste le travail des chercheurs en physique et chimie théorique au Luxembourg ?

Selon le Prof. Tkatchenko, « toutes les interactions dans la nature relèvent de la mécanique quantique : agrégation, interaction protéine-protéine... Mais cette théorie est très difficile à appliquer aux grands systèmes. Les équations sont très complexes et les objets qu’elle manipule (les fonctions d’onde) sont quasiment impossibles à visualiser. »

Le groupe de travail de chimie et de physique théorique de l’Université du Luxembourg s’attelle à étendre la compréhension de la mécanique quantique à des systèmes nanométriques (de plusieurs milliers d'atomes) en fusionnant la chimie, la physique, la biologie, les mathématiques et l'informatique.

Leur travail pluridisciplinaire s’étend ainsi de l’atome au cosmos, de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

Le mot de la fin ?

Selon Prof. Tkatchenko, l’énergie noire est en réalité lumineuse, puisqu’elle provient de l’interaction des photons avec un champ électrique…

La prochaine fois que nos enfants regardent le ciel et nous demandent ce qu’il y a entre les étoiles, nous pourrons donc leur apporter cette très belle réponse : de l’énergie lumineuse.

 

 

Auteure: Diane Bertel

Éditrices: Michèle Weber (FNR), Lucie Zeches (FNR)

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