Une maquette du mini-lanceur Spectrum d'Isar Aerospace est photographiée à Munich, dans le sud de l'Allemagne, le 8 juin 2021

Une maquette du mini-lanceur Spectrum d'Isar Aerospace est photographiée à Munich, dans le sud de l'Allemagne, le 8 juin 2021

Une start-up allemande a reporté sine die lundi le tir de sa fusée Spectrum depuis la base spatiale norvégienne d'Andøya dans l'Arctique, un vol considéré comme une étape importante pour la nouvelle économie spatiale européenne.

Prévu entre 12H30 et 15H30 (entre 11H30 et 14H30 GMT), ce tir devait être le premier lancement vertical d'un véhicule orbital en Europe (hors Russie) mais aussi le premier vol sur le Vieux Continent quasi exclusivement financé par des fonds privés.

La jeune pousse munichoise Isar Aerospace a expliqué dans un communiqué que ce premier vol d'essai de Spectrum était annulé "en raison de vents défavorables" et qu'elle cherchait à trouver une autre fenêtre de tir.

Faisant 28 mètres de haut pour deux mètres de diamètre avec une capacité d'emport d'une tonne, le mini-lanceur Spectrum devait s'envoler à vide, sans nécessairement atteindre une distance orbitale.

"Chaque seconde de vol est précieuse, car elle nous permet de recueillir des données et de gagner en expérience", expliquait Daniel Metzler, cofondateur et patron d'Isar Aerospace.

"Trente secondes de vol seraient déjà un vrai succès", soulignait-il dans un courriel à l'AFP.

L'espace occupe une place importante dans le rapport Draghi, publié l'an dernier, sur la compétitivité de l'Union européenne.

Privée d'accès aux cosmodromes et aux lanceurs russes à cause des graves tensions avec Moscou, l'Europe a connu une mauvaise passe à cause des retards dans le développement de la fusée Ariane 6 et une suspension du lanceur Vega-C après un accident.

Ce n'est que le 6 mars, avec le premier vol commercial d'une Ariane 6 depuis Kourou en Guyane français, qu'elle a retrouvé sa souveraineté spatiale après plusieurs mois sans accès indépendant à l'espace.

En outre, par rapport aux Etats-Unis qui compte des poids lourds comme SpaceX d'Elon Musk et Blue Origin de Jeff Bezos, la nouvelle économie spatiale ("New Space"), portée par des acteurs privés, en est encore à ses balbutiements sur le continent européen.

Le tir, désormais remis, de Spectrum, "c'est la première tentative réelle et sérieuse en Europe d'avoir un lanceur New Space", juge Maxime Puteaux, conseiller industrie du cabinet spécialisé Novaspace.

- Course de vitesse -

Outre Isar Aerospace, les allemands Rocket Factory Augsburg (RFA) et HyImpulse, les français Latitude et MaiaSpace (filiale d'Arianegroup) ou encore l'espagnol PLD Space sont engagés dans une course de vitesse pour s'imposer comme des acteurs incontournables dans le secteur européen des micro ou mini-lanceurs.

"L'essor de ces nouveaux acteurs et des nouveaux services de lancement européens s'inscrit dans un objectif commun: garantir un accès indépendant et souverain à l'espace", affirme Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l'Agence spatiale européenne (ESA).

"Leur rôle devrait se renforcer dans les années à venir", ajoute-t-il.

Parallèlement, des Açores portugaises aux Shetland britanniques en passant par Andøya ou Esrange en Suède voisine, de multiples projets européens de ports spatiaux ont germé, souvent déterminés à tirer les premiers.

Une première tentative de vol orbital depuis l'Europe avait eu lieu début 2023 en Grande-Bretagne, menée par Virgin Orbit du milliardaire Richard Branson.

Contrairement à Isar Aerospace, elle utilisait non pas un pas de tir mais un Boeing 747 pour faire décoller une fusée en altitude.

Elle s'était traduite par un échec et la société avait mis la clé sous la porte.

Le vol d'essai de Spectrum est donc appelé à devenir le premier tir vertical d'un véhicule orbital sur le continent européen, où ce type de lancements ne concernait jusqu'à présent que des fusées suborbitales.

Fondée en 2018, Isar Aerospace se targue d'avoir développé son lanceur de deux étages quasi intégralement en interne.

Elle a d'ores et déjà signé un contrat avec l'agence spatiale norvégienne pour la mise en orbite d'ici 2028 de deux satellites de surveillance maritime.

Se présentant comme "le premier port spatial opérationnel d'Europe continentale", la base d'Andøya vante de son côté son emplacement dans l'Arctique, idéal pour le lancement de satellites polaires ou héliosynchrones, c'est-à-dire qui passent au-dessus de n'importe quel point de la planète à la même heure solaire locale chaque jour.