Le colauréat du prix Nobel de médecine 2024, l'Américain Victor Ambros, professeur de biologie, lors d'une rencontre avec la presse à l'école de médécine de l'université du Massachusetts, à Worcester, le 7 octobre 2024

Le colauréat du prix Nobel de médecine 2024, l'Américain Victor Ambros, professeur de biologie, lors d'une rencontre avec la presse à l'école de médécine de l'université du Massachusetts, à Worcester, le 7 octobre 2024

Le prix Nobel de médecine a été décerné lundi aux Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun pour leur découverte des microARN, nouvelle classe de molécule ARN minuscule jouant un rôle crucial dans la régulation de l'activité des gènes.

Les microARN "sont d'une importance fondamentale pour le développement et le fonctionnement des organismes", a proclamé le jury Nobel dans un communiqué.

"Un dérèglement de la régulation des gènes peut entraîner des maladies graves telles que le cancer, le diabète ou l'auto-immunité. C'est pourquoi la compréhension de la régulation de l'activité des gènes est un objectif important depuis plusieurs décennies", a-t-il souligné.

M. Ambros, 70 ans, est biologiste à la Massachusetts Medical School et M. Ruvkun, 72 ans, est professeur de génétique à la Harvard Medical School. Ils avaient publié en 1993 dans deux articles séparés leurs découvertes sur "un nouveau niveau de régulation des gènes" qui s'est avéré décisif.

"C'est un bouleversement", a déclaré Gary Ruvkun à l'AFP par téléphone aux Etats-Unis après avoir appris la nouvelle, son chien aboyant à la porte d'entrée face à l'arrivée d'autres journalistes.

Il a dit être "ami depuis des années" avec M. Ambros: "C'est magnifique et nous allons le fêter comme des fous".

Son colauréat, qui a raconté hilare avoir manqué l'appel téléphonique du jury du Nobel, a expliqué lors d'une conférence de presse à Worcester (nord-est des Etats-Unis), que les "gènes dans nos cellules se parlent et coordonnent leurs activités de façon à ce que ces cellules communiquent entre elles pour envoyer et recevoir des signaux dans tout le corps".

- "Financements publics" -

M. Ambros a salué plusieurs fois les "financements publics" de la recherche aux Etats-Unis.

En collaboration, mais travaillant séparément, les deux hommes ont mené des recherches sur un ver rond d'un millimètre, C. elegans, afin de déterminer pourquoi et quand les mutations cellulaires se produisaient.

Chaque cellule contient les mêmes chromosomes, donc exactement le même ensemble de gènes et d'instructions. La régulation des gènes permet à chaque cellule de ne sélectionner que les instructions pertinentes.

Les deux chercheurs se sont donc intéressés à la manière dont les différents types de cellules se développent, et ont découvert les microARN.

"Leur découverte révolutionnaire a révélé un tout nouveau principe de régulation des gènes qui s'est avéré essentiel pour les organismes multicellulaires, y compris l'homme", a encore souligné le jury.

- Pas d'"application réelle" -

Cette découverte a débouché sur "de nombreux essais (qui sont) en cours, et pas seulement contre le cancer, mais aussi dans d'autres maladies, comme les maladies rénales cardiovasculaires (...) mais rien qui ne soit proche d'une application réelle", a expliqué Gunilla Karlsson Hedestam, professeure à l'institut Karolinska et présidente du comité Nobel de médecine 2024.

Eric Miska, généticien de l'université de Cambridge, a décrit auprès de l'AFP l'importance de l'étude des mutations cellulaires du ver rond menée par les deux biologistes.

"Le même petit ARN qui se trouve dans ce petit ver, et qui est important pour son développement, se trouve dans vous et moi. Et il a une fonction importante, en fait, il s'avère être un suppresseur de tumeur", a dit M. Miska.

L'an dernier, le prix Nobel de médecine avait consacré les avancées de la chercheuse hongroise Katalin Kariko et de son collègue américain Drew Weissman dans le développement de vaccins à ARN messager, décisifs dans la lutte contre le Covid-19.

Le prix s'accompagne d'une récompense de onze millions de couronnes (920.000 euros), soit la plus haute valeur nominale (dans la devise suédoise) dans l'histoire plus que centenaire des Nobel.

Décernés depuis 1901, les Nobel récompensent les "bienfaiteurs de l'humanité", une promesse qui vient se télescoper avec le fracas d'une année marquée par les guerres au Proche-Orient et en Ukraine.

- Microscope de l'infiniment petit-

Pour le prix Nobel de physique mardi, les spécialistes de la radio publique suédoise citent le physicien suisse Christoph Gerber, pionnier dans la mise au point du microscope à force atomique.

"Il s'agit d'un microscope qui fournit des images tridimensionnelles à un niveau si incroyablement petit qu'il atteint parfois une résolution atomique", souligne Camilla Widebeck, de la radio publique SR. L'outil est devenu crucial dans le domaine des nanotechnologies et des nanosciences, ajoute-t-elle.

Outre Gerber, le cabinet spécialisé Clarivate mentionne les travaux de David Deutsch et Peter W. Shor sur les algorithmes quantiques.

Pour le prix Nobel de chimie mercredi, Lars Broström, de la radio SR, cite le biologiste basé aux Etats-Unis Omar Yaghi et son travail sur les réseaux métallo-organiques (RMO) et leurs propriétés poreuses permettant d'absorber des gaz dangereux.

Karl Deisseroth, psychiatre et spécialiste en bio-ingénierie, pourrait aussi être consacré par le comité Nobel. Le chercheur a investi le domaine de l'optogénétique, qui rend les neurones sensibles à la lumière. Sous sa houlette, des chercheurs sont parvenus à rendre un cerveau de souris totalement transparent pour voir ce qui s'y passe.

burs-ef/nzg-nr/cha