Récompensé par un Nobel de physique aux côtés de John Hopfield pour leurs travaux respectifs dans "l'apprentissage automatique", le Britanno-Canadien Geoffrey Hinton, pionnier de l'intelligence artificielle, s'est récemment illustré par ses alertes sur cette technologie.
En mars 2023, interrogé par une télévision américaine sur les "risques que l'intelligence artificielle anéantisse l’humanité", le chercheur ne cachait pas son inquiétude.
"Ce n'est pas inimaginable", avait-il dit.
Quelques semaines plus tard, le septuagénaire claquait la porte de Google, où il travaillait depuis une dizaine d'années, pour courir les médias à la recherche de tribunes pour alerter sur les dangers de l'IA.
Né à Londres, le chercheur, aujourd'hui 76 ans, a grandi à Bristol, dans le sud-ouest de l'Angleterre, avant d'étudier à Edimbourg en Ecosse et à l'université de Cambridge.
Il a souvent décrit son enfance comme une existence sous pression, essayant d'être à la hauteur d'une famille illustre, faite de scientifiques de renom. Son père était ainsi membre de la Royal Society, prestigieuse société savante britannique.
Marqué tout au long de sa vie par la dépression, au sujet de laquelle il s'était confié au magazine canadien Toronto Life, il a souvent tenté de trouver une échappatoire dans le travail.
Mais après le décès de sa deuxième femme, qui succombe à un cancer au début des années 1990, peu après l'adoption de leurs deux enfants, le chercheur se retrouve père célibataire. En 1997, il se marie une troisième fois, avant que son épouse ne décède également d'un cancer en 2018.
"J'ai du mal à imaginer comment une mère de plusieurs enfants peut poursuivre sa carrière universitaire", déclare-t-il à Toronto Life.
"J'ai pris l'habitude de passer du temps à simplement réfléchir à diverses idées... Avec des enfants en bas âge, c'est simplement impossible".
- Risque de "contrôle" -
Socialiste autoproclamé, Hinton passe par plusieurs universités américaines à partir de la fin des années 1970, mais finit par refuser les fonds de l'armée américaine, principale financeur de son champ de recherche.
En 1987, il s'installe définitivement à Toronto, après avoir obtenu un soutien financier du gouvernement canadien pour ses travaux sur les réseaux neuronaux.
Universitaire marginal pendant des années, ses idées finissent par infuser au sein des communautés de chercheurs qu'il côtoie.
Son parcours prend un tournant à partir de 2013: recruté par Google, il devient une figure centrale du domaine dans la Silicon Valley, tandis que certains de ses élèves prennent le chemin d'entreprises concurrentes.
Ilya Sutskever, cofondateur d'Open AI, à l'origine de ChatGPT, décrit ainsi ses années auprès de Geoffrey Hinton comme "essentielles" dans son parcours.
Les deux hommes deviennent parallèlement des figures majeures de la critique émergente sur l'IA. Sutskever quitte ainsi Open AI un an après le départ de Hinton de chez Google.
"Avant que les IA ne deviennent plus intelligentes que nous, je pense que ceux qui les développent devraient être encouragés à travailler davantage à se demander comment elles pourraient essayer de prendre le contrôle", déclare ainsi Hinton devant un parterre d'industriels de la tech en juin 2023.
Plus inquiet que fier de ses recherches, jusqu'aux déclarations à l'issue de son prix Nobel - faites depuis "un hôtel californien bas de gamme"- Geoffrey Hinton a martelé un message de prudence.
"Dans les mêmes circonstances, je referai la même chose", a-t-il déclaré. "Mais je suis inquiet que la conséquence majeure de tout ça puisse être que les modèles deviennent plus intelligents que nous et prennent le contrôle".