"C'est le début d'une nouvelle ère", explique Valérian Giesz à Massy, en région parisienne, où Quandela, la start-up qu'il a cofondée, cherche à accélérer sa production d'ordinateurs quantiques, basés sur des technologies révolutionnaires issues de l'infiniment petit.
Dans ce centre de 1.000 m2 à la façade rouge et blanche, des ingénieurs en blouse et couvre-chaussures bleus, charlotte de protection sur les cheveux, manipulent avec précision des particules de lumière, des photons.
Ils sont au cœur de l'ordinateur quantique de Quandela, une machine qui ressemble pourtant à n'importe quel serveur: une armoire noire de 1m50 de haut sur 2m de large avec une forêt de câbles à l'arrière.
"On vient remplacer les courants électriques par de la lumière, photon par photon, pour pouvoir faire des calculs beaucoup plus performants", détaille M. Giesz à l'AFP.
Du calcul d'itinéraires au développement de médicaments en passant par la création de matériaux innovants: le quantique, encore largement expérimental pour le moment, pourrait permettre de résoudre en un temps record des problèmes trop complexes pour les calculateurs actuels et futurs.
L'informatique classique repose en effet sur des données stockées sous la forme de bits, qui n'ont que deux états possibles (0 ou 1).
Les ordinateurs quantiques, eux, utilisent des "qubits", briques de base qui ont une infinité d'états possibles pouvant se superposer et s'enchevêtrer.
"Imaginons un labyrinthe. Avec l'informatique classique, pour sortir du labyrinthe, on doit choisir entre la gauche et la droite à chaque intersection, avec l'informatique quantique, on peut tester toutes les solutions à la fois", illustre Xavier Pereira, directeur du développement au sein de Quandela.
La jeune pousse a fabriqué quatre ordinateurs quantiques photoniques depuis 2022.
Elle a ainsi livré le premier ordinateur quantique commercial à une société privée, OVHcloud, fournisseur français de service de cloud (informatique dématérialisée), inauguré en mars à Croix près de Lille.
Un autre est au Canada, où Quandela a ouvert une filiale le mois dernier tandis que les deux autres sont à Massy, et accessibles via le cloud par des chercheurs universitaires ou des entreprises.
- Qubits sans erreur -
Mais la start-up veut nettement augmenter la cadence, grâce à son usine en région parisienne inaugurée en juin 2023.
"On est confiant sur le fait qu'on va être capable de développer de nouvelles générations d'ordinateurs quantiques", soutient Valérian Giesz.
Son but? Parvenir à construire quatre à cinq ordinateurs par an d'ici 2025, puis atteindre un stade de production industrielle à partir de 2028, via la construction d'une autre usine.
L'avantage de la photonique est que la manipulation des photons dans des circuits peut se faire à température ambiante, quand d'autres technologies quantiques exigent un refroidissement extrême.
Par ailleurs, Quandela utilise des composants dérivés du silicium, largement utilisé dans l'industrie des semi-conducteurs, et "les mêmes fibres optiques que pour internet", précise M. Giesz.
"Tout est aligné pour pouvoir passer à l'échelle", ajoute-t-il.
Pour le moment, les ordinateurs quantiques de Quandela sont principalement utilisés par des scientifiques.
Reste à franchir l'obstacle principal du quantique: à savoir la réduction du taux d'erreurs des machines déjà développées.
Quandela espère parvenir à produire des qubits sans erreur, dits "qubits logiques", dès l'année prochaine, afin de pouvoir "répondre aux défis technologiques de demain et aux enjeux des entreprises à l'horizon 2030", selon sa feuille de route stratégique.
"Il faut imaginer des entrepôts avec des centaines de milliers de composants testés par an", lance Niccolo Somaschi, cofondateur et directeur général de la start-up.
Pour ce faire, l'entreprise, qui a déjà levé 65 millions d'euros depuis sa création en 2017, prépare une prochaine levée de fonds de plusieurs centaines de millions d'euros.
Face aux géants américains comme Google et IBM, qui travaillent sur leur propre ordinateur quantique avec d'autres technologies et disposent de financements conséquents, l'enjeu pour l'écosystème français "va être de réunir assez de financements pour pouvoir créer des champions technologiques et faire en sorte qu'ils puissent se développer en France", souligne Valérian Giesz.
Après tout, "l'informatique quantique est la course à l'espace du siècle", rappelle Niccolo Somaschi.