Des chercheurs du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) ont publié une brochure éducative qui illustre l’empreinte carbone d’un Luxembourgeois moyen et explique comment nous pouvons rendre nos gestes du quotidien plus respectueux du climat. Cette brochure s’adresse à tout public, mais en particulier aux jeunes et aux établissements scolaires. Elle est disponible en téléchargement ici. Dans ce contexte, nous nous sommes entretenus avec Claudia Hitaj, l’une des auteures de la brochure, qui dirige le projet CarbonNerd.
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Le Dr Claudia Hitaj est Research and Technology Associate au sein du département Environmental Sustainability and Circularity au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Elle a intégré le LIST en 2019 après avoir travaillé pendant six ans en tant qu’économiste-chercheuse au sein de l’Economic Research Service du ministère de l’Agriculture des États-Unis. Au LIST, elle dirige la recherche sur la finance durable et a publié plus de 30 articles sur différents sujets relevant des domaines de l’économie énergétique, environnementale et agricole. Elle dirige le projet CarbonNerd du LIST, qui vise à sensibiliser les jeunes luxembourgeois et le grand public au changement climatique, à notre empreinte carbone et aux voies qui mènent à la décarbonisation. Elle est également hôte de la série Net Zero Future dans le podcast Luxunplugged. Claudia Hitaj est titulaire d’un Bachelor of Art en économie et en mathématiques et d’un Bachelor of Art en biologie (magna cum laude) de l’université de Yale, d’un Master of Philosophy en politique environnementale de l’université de Cambridge et d’un doctorat en économie agricole et des ressources de l'université du Maryland.
Si vous, votre établissement scolaire ou votre organisation souhaitez découvrir la brochure lors d’une présentation ou d’une visite des chercheurs, envoyez-nous un message électronique à Claudia Hitaj : claudia.hitaj@list.lu.
Claudia Hitaj, lorsque nous parlons de protection du climat, quel est notre objectif au juste ?
Notre but est de réduire le plus rapidement possible nos émissions de gaz à effet de serre à zéro ou d’atteindre « zéro émission nette de CO2 » afin que nous puissions continuer à bien vivre sur notre planète.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Concrètement, cela implique de contenir l'augmentation de la température en dessous de 2 °C, et, idéalement à 1,5 °C par rapport à l’époque préindustrielle. C’est ce que prévoit l’accord de Paris de 2015. Malheureusement, le réchauffement climatique est inéluctable, car les dioxydes de carbone qui se trouvent déjà dans l’atmosphère mettent des centaines d’années à se dégrader. Mais toute réduction des gaz à effet de serre contribue à minimiser les conséquences du changement climatique pour nous et les générations futures.
Différence entre météo et climat
Cet été, il a fait chaud. Est-ce la preuve que la planète est en train de se réchauffer ? Non, un seul été ne suffit pas comme preuve. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il a fait un temps très ensoleillé et très chaud cet été. Quand il s’agit du climat, on parle d’intervalles de temps d’environ 30 ans. Si, sur les 30 dernières années, il a fait en moyenne plus chaud que les 30 années précédentes, on peut parler de changement climatique. Il peut toutefois toujours arriver qu'une année soit plus froide ou plus chaude. Il convient de recueillir des données sur l'ensemble de la période et de comparer les moyennes entre elles.
Si nous souhaitons atteindre l’objectif de 1,5 °C, combien de CO2 pourrons-nous encore émettre ?
L'Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) a procédé à des calculs dans ce contexte, qui se réfèrent à l’année 2020. Si nous souhaitons atteindre l’objectif de 1,5 °C avec une probabilité de 83 %, nous pouvons émettre 300 gigatonnes de CO2 globalement dans l’atmosphère. Si nous continuons à produire autant de gaz à effet de serre qu’à l’heure actuelle, ce quota serait épuisé dans 7,8 ans, c'est-à-dire, fin 2027.
À partir de ce moment, nous ne pourrions émettre plus que la quantité de CO2 que nous pouvons compenser de l’autre côté.
Tableau à la p. 4 de la brochure : Les différents budgets carbone au niveau mondial qui nous restent si nous souhaitons limiter le réchauffement climatique aux divers seuils de température (1,5, 1,7 ou 2,0 °C) avec différentes probabilités (50 %, 67 %, 83 %).
Ouf, cela semble presque impossible. Pouvons-nous encore atteindre l’objectif de 1,5 °C ?
Je reste confiante, car nous n’avons tout simplement pas d’autre choix. Mais, nous devons commencer à limiter les émissions de CO2 dès maintenant, car moins nous en émettons, plus nous conservons de budget carbone.
On peut se représenter le budget carbone comme un porte-monnaie rempli d'argent. Dans ce porte-monnaie, il y a 300 €. Soit on dépense quelque 39 € chaque jour et le budget est épuisé au bout de 7,8 jours environ parce que le porte-monnaie est vide. Soit on économise de plus en plus chaque jour, par exemple on ne dépense plus que 30 € le deuxième jour, 25 € le troisième jour, 20 € le quatrième jour et ainsi de suite. Dans ce cas, il reste de l’argent plus longtemps dans le porte-monnaie.
Bien sûr, nous pouvons aussi prendre des risques et émettre plus de CO2. Étant donné que les modèles utilisent des probabilités, il est possible que nous réussissions à respecter l’objectif de 1,5 °C en émettant un peu plus de CO2. Mais la probabilité d'y parvenir est plus faible. Plus nous émettons de CO2, plus nous prenons de risques.
Que se passe-t-il si la planète se réchauffe de 1,5 °C ?
Un réchauffement de 1,5 °C peut sembler négligeable, mais il ne s’agit que d’une valeur moyenne. En réalité, il existe de grandes différences de température sur notre planète. En effet, l’augmentation de la température sera plus importante dans les environnements terrestres qu’au-dessus des océans. Lorsqu’on parle de 1,5 °C, il s’agit aussi d’une moyenne pour une année entière. Cela ne signifie pas nécessairement qu’on aura une augmentation de température uniforme de 1,5 °C tout au long de l’année. Les situations extrêmes sont plus probables. Nous risquons d’avoir des étés très chauds et secs et des périodes de pluie très longues à d'autres saisons, ce qui augmente le risque d'inondation. Ces répercussions se feront sentir tant au niveau mondial qu’au Luxembourg, même si nous respectons le seuil de 1,5 °C. C’était déjà en partie le cas ces dernières années.
Que se passe-t-il si nous ne respectons pas notre objectif ?
Si nous dépassons le seuil de 1,5 °C, les conséquences seront encore plus extrêmes et la vie sur notre planète deviendra beaucoup plus difficile. Avec une augmentation de température de 2 °C, les rendements agricoles diminueraient fortement et avec une augmentation de 3 °C, le niveau de la mer monterait de sept mètres, si bien que beaucoup de personnes vivant dans les régions côtières seraient contraintes de fuir.
Illustration à la p. 5 de la brochure : Effets prévus du réchauffement climatique dans différents domaines.
Au niveau européen, l’objectif « zéro émission nette » a été fixé pour 2050. Cela signifie qu’à l’horizon 2050, les émissions de gaz à effet de serre devront être suffisamment faibles pour être compensées par des contre-mesures. 2050 n’est-ce pas trop tard ?
Il est évident que nous ne pouvons pas attendre 2050 pour commencer à réduire les émissions de CO2. Il faut agir sans tarder. L’objectif « zéro émission nette » vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre en Europe à une moyenne de 1,5 tonne de CO2 par personne et par an. Actuellement, un Luxembourgeois consomme en moyenne environ 13 t de CO2 par personne et par an. Les Luxembourgeois devaient donc réduire leur empreinte carbone de 90 %, et ce dans un délai relativement court, à savoir moins de 30 ans. Mais même si nous ne parvenons pas à atteindre l’objectif de 1,5 °C, nous ne devrions pas nous contenter de fixer l’objectif à 2 °C. Il s’agit d’éviter toute augmentation, aussi minime soit-elle : 1,6 °C, c’est bien mieux que 1,7 ou 2 °C.
Graphique du LIST pour Luxembourg in Transition. Ce graphique illustre à quoi pourrait ressembler la voie pour atteindre « zéro émission nette de CO2 ». Il se rapporte au Luxembourg et aux régions frontalières à l’étranger. Cette zone a enregistré une empreinte carbone de 15 t éq. CO2 par personne et par an en 2020 (contre 13 t si l’on tient uniquement compte du Luxembourg sans les travailleurs frontaliers et le tourisme à la pompe). On constate que certaines mesures peuvent être mises en œuvre plus rapidement que d'autres.
Que doit-il se passer pour réduire l’empreinte carbone du Luxembourgeois moyen de 13 t CO2 par an à 1,5 t CO2 ?
Beaucoup de choses doivent être mises en place. Des initiatives doivent être prises par l'État, mais aussi par les citoyens. Pour notre brochure, nous avons choisi de nous baser sur l’empreinte carbone liée à la consommation. Elle reflète la somme de tous les gaz à effet de serre dus à la consommation et aux activités d’une personne. Ce chiffre inclut les gaz à effet de serre provenant de la fabrication et du transport d’un produit ou de services, quel que soit l’endroit du monde où le produit a été fabriqué. On voit donc ce que chaque individu peut faire pour réduire son empreinte carbone.
En raison des objectifs climatiques définis au niveau international, les gouvernements s’intéressent à ce que l’on appelle l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre lié à la production. Il s’agit des gaz à effet de serre qui sont produits dans le pays et sont attribuables à la production et aux services, indépendamment du fait que ces biens et services soient ou non exportés. Les gaz à effet de serre liés à la consommation d’énergie dans les bâtiments ou dus aux voitures dans le pays en font également partie. Il s’agit d’une autre méthode de comptabilisation que l’empreinte carbone, qui se fonde sur les habitudes de consommation des individus.
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L’empreinte carbone d’une personne est la somme de toutes les émissions de gaz à effet de serre provenant de ses activités et de sa consommation. S'y ajoutent tous les gaz à effet de serre provenant de la fabrication et du transport de chaque produit qu’elle consomme.
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L’empreinte carbone liée à la consommation reflète la somme de tous les gaz à effet de serre provenant de la fabrication d'un produit ou des services consommés par un individu. L’inconvénient de ce calcul basé sur la consommation est qu’il est très compliqué. En effet, il faut connaître avec précision la consommation de la population et tenir compte de l’ensemble des chaînes et circuits de fabrication des produits ou services consommés. C’est particulièrement difficile pour les petits pays comme le Luxembourg, qui importent beaucoup et comptent un grand nombre de travailleurs frontaliers. Le calcul de l’inventaire national lié à la production est plus simple et plus précis. Pour ce calcul, on additionne tous les gaz à effet de serre générés dans un pays, indépendamment du fait qu’une partie soit due à la fabrication de produits d’exportation. Prenons un exemple : les gaz à effet de serre provenant de la production d’un téléphone portable en Chine sont comptabilisés dans l’inventaire chinois, peu importe si le téléphone est ensuite utilisé par un Chinois ou un Luxembourgeois.
Selon vous, pourquoi l’empreinte carbone liée à la consommation est-elle si importante ?
En raison de notre consommation et la demande générée, nous sommes coresponsables de la production dans d’autres pays. En fin de compte, ce sont les consommateurs finaux qui sont à l’origine des émissions de gaz à effet de serre, quel que soit l’endroit du monde où elles sont générées. Avec l’empreinte carbone liée à la consommation, nous montrons donc que nous devons aussi changer notre consommation et notre comportement si nous souhaitons réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelon mondial.
Les émissions dues à la production d’un pays tiennent certes compte, par exemple, du volume de déplacements en voiture dans le pays, mais le nombre de téléphones portables ou de vêtements achetés par un citoyen luxembourgeois n’entre pas en ligne de compte. La raison en est que ces produits ont été fabriqués ailleurs. Les émissions liées à la production intéressent principalement les 154 pays qui ont signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), et se sont ainsi déclarés prêts, entre autres, à œuvrer pour une stabilisation. Ces pays, dont le Luxembourg, doivent communiquer chaque année leur inventaire national lié à la production à la CCNUCC.
Si l’on calcule l’inventaire luxembourgeois lié à la production par habitant, on arrive à un total de 11 t éq. CO2 par personne et par an (2019), sans tenir compte du tourisme à la pompe. Le fait que cette valeur soit inférieure à l’empreinte carbone liée à la consommation est typique. Pour les pays riches, comme le Luxembourg, les émissions liées à la production sont beaucoup plus faibles que celles dues à la consommation. En effet, nous importons et consommons beaucoup plus que nous ne produisons.
Où nous situons-nous en comparaison avec l’étranger ?
Avec nos 13 t éq. CO2 par an, nous faisons partie des pays les plus pollueurs. À titre de comparaison, ce chiffre est de 11 t en Allemagne et de 8,6 t en France et en Belgique.
Le tourisme à la pompe explique-t-il ces piètres résultats ?
Non. L’empreinte carbone liée à la consommation n'en tient même pas compte. Les facteurs déterminants ici sont notre consommation et notre niveau de vie élevés ! Nous voyageons plus souvent et plus loin, nous vivons dans des maisons plus grandes et nous sommes le pays d'Europe qui compte le plus de voitures par habitant. De plus, nous utilisons moins les transports publics que d'autres pays.
Dans notre brochure, nous avons dressé une liste des éléments qui composent notre empreinte carbone. Par exemple, dans le domaine de la mobilité, nous produisons 3,4 t éq. CO2 par habitant et par an, alors qu’en Allemagne et en France, ce chiffre n’est que de 1,9 t (source : https://eplca.jrc.ec.europa.eu/ConsumptionFootprintPlatform.html sous Consumption Footprint). Il en va de même pour les biens de consommation : 1,9 t éq. CO2 au Luxembourg, contre 1,1 t en Allemagne et 0,9 t en France.
Dans le domaine du logement, le Luxembourg affiche aussi de mauvais résultats par rapport aux pays voisins. En effet, dans les maisons individuelles, nous consommons deux fois plus d'énergie que les Français pour chauffer un mètre carré. Nos maisons et appartements ne sont donc pas très efficaces sur le plan énergétique. De plus, nous continuons à être très dépendants du gaz et du pétrole. Il est indispensable de changer les choses, précisément maintenant.
Les choses doivent changer. Est-ce que je sais faire quelque chose en tant qu’individu ?
Oui ! Avec notre brochure, nous souhaitons montrer comment chacun peut vivre de manière plus respectueuse du climat et pourquoi l’action de chacun compte et est utile. Dans ce contexte, il est important de savoir quels changements apportés dans la vie de tous les jours ont beaucoup d’impact et lesquels en ont moins afin d’investir notre énergie au bon endroit. Ce graphique l’illustre très bien.
Comment les Luxembourgeois peuvent-ils passer de 13t CO2eq par personne à 1,5 ?
Nous avons également créé un graphique à ce sujet. Il montre toutes les étapes pour passer de 13 à 1,5 t CO2eq par personne et par an. En jaune, on voit ce qu’on peut faire en tant qu’individu et en bleu, on voit ce qui doit se passer au niveau systémique pour atteindre l’objectif « zéro émission nette ». Comme on le constate, ni les changements de mode de vie des citoyens à eux seuls ni les mesures systémiques du gouvernement ne sont suffisants. Par exemple, je peux prendre la décision de ne plus me déplacer qu’à vélo, mais elle serait très difficile à mettre en œuvre en l’absence de pistes cyclables de qualité ou s’il n’existe que des autoroutes. Inversement, il ne sert à rien que le gouvernement planifie et construise un réseau complet de pistes cyclables si personne ne les emprunte. Les citoyens et le gouvernement doivent tout simplement fournir un effort simultané. Souvent, un changement systémique n’intervient que quand il y a une demande de la population.
Nous parlons ici du citoyen et du gouvernement luxembourgeois. Mais que se passe-t-il si d’autres pays, plus pauvres par exemple, ne participent pas ? Nos efforts auront-ils tout de même un impact ?
Je pense que si d’autres pays ne participent pas à cette transition parce qu’ils ne peuvent ou ne souhaitent pas le faire, cela devrait d'autant plus être un argument pour nous, en tant que pays prospère, de tout donner. Si nous changeons certains comportements, par exemple, prendre moins souvent la voiture et consommer moins de viande, nous continuerons à nous porter bien. Dans les pays en développement, les questions qui se posent sont plutôt les suivants : faut-il faire quelque chose pour le climat ou convient-il d’essayer d’abord d’aider les gens à sortir de la pauvreté ? Nos difficultés sont sans commune mesure avec ce dilemme. Mais je suis aussi optimiste quant au fait que tous les pays y parviendront un jour, c'est dans notre intérêt à tous. Les pays plus riches doivent aussi s’efforcer de rendre les nouvelles alternatives respectueuses du climat moins onéreuses afin qu’elles soient aussi plus intéressantes financièrement que les technologies utilisant des ressources ou des énergies non renouvelables.
La mobilité engendre la plus grande partie de nos émissions de gaz à effet de serre. Qu’en est-il si l’on compare l’avion et la voiture dans ce contexte ?
À l’instar des voitures, les avions utilisent des combustibles fossiles, ce qui génère des gaz à effet de serre. Si l’on examine les émissions en grammes de dioxyde de carbone par passager et par kilomètre dans ce graphique, l’avion engendre des émissions moindres par passager-kilomètre que la voiture, notamment parce qu’il transporte un grand nombre de passagers en même temps. Mais à partir du moment qu’on est deux à bord du véhicule, les déplacements en voiture sont plus intéressants.
De plus, l'avion permet généralement de parcourir des distances beaucoup plus longues, qu'il serait difficile de parcourir en voiture. Par conséquent, en prenant l’avion, on produit beaucoup de gaz à effet de serre, surtout au vu du nombre de kilomètres parcourus. Pour un vol de sept heures, on est déjà à 1,5 t éq. CO2 et avec le vol retour, on est à 3 t éq. CO2. Sur toute une année, un Luxembourgeois produit 2,9 t éq. CO2 en roulant en voiture. C’est pourquoi je conseillerais à chacun de bien réfléchir à deux choses avant de partir en voyage. Premièrement, est-ce que je dois absolument partir loin ? Et deuxièmement, est-ce vraiment nécessaire de prendre l’avion ou existe-t-il une alternative plus respectueuse du climat, comme le train par exemple ?
La production de voitures électriques n’est pas très respectueuse du climat. Les voitures électriques sont-elles malgré tout bénéfiques pour l’environnement ?
Oui, et ce, dès maintenant. Il est vrai que la production engendre une quantité relativement importante de gaz à effet de serre. Cependant, une voiture électrique les compense généralement après quelques années ou un certain nombre de kilomètres. Cela s’explique notamment par le fait que les voitures électriques utilisent effectivement une plus grande partie de l’énergie primaire. Ainsi, environ 80 % de l’énergie électrique totale est utilisée pour le déplacement. Les moteurs à combustion en revanche perdent beaucoup d’énergie sous la forme de chaleur et seuls quelque 25 % de l’énergie sont en fin de compte utilisés pour se déplacer. Une autre raison en est bien entendu qu'on peut produire de l'électricité sans impact sur le climat. Cette possibilité n’existe pas avec l’essence ou le diesel. Bien sûr, toute l’électricité ne provient pas encore de sources renouvelables, mais cela va s’améliorer avec le temps. Les voitures électriques seront de plus en plus respectueuses du climat, malgré une fabrication un peu plus dommageable pour le climat. Il en va de même pour les voitures hybrides, à la différence près que la durée d’amortissement est un peu plus longue.
Le site Internet Climobil indique avec précision à partir de combien de kilomètres ou d'années une voiture électrique est rentable. (Cliquez ici pour accéder au site Climobil du LIST.) Tout dépend du modèle, de l’autonomie de la batterie et de l'origine de l'électricité. Si l’on compare par exemple deux petites Skoda Citigo, l’une électrique et l’autre fonctionnant à essence, le premier véhicule est déjà plus respectueux du climat après environ 40 000 km ou deux ans. Pour d’autres modèles, c’est déjà le cas après quelques mois seulement.
Le deuxième élément le plus important qui compose notre empreinte est le logement. Quels changements doivent intervenir à ce niveau ?
Il n’y a pas de meilleur moment pour se défaire du pétrole et du gaz et passer aux pompes à chaleur ou aux pellets, non seulement dans l’intérêt du climat, mais aussi par solidarité envers l’Ukraine. De plus, Klima-Agence propose actuellement des primes intéressantes pour passer aux granulés de bois de chauffage et aux pompes à chaleur. Le deuxième grand levier est d’accroître l’efficacité énergétique, c’est-à-dire d’améliorer l’isolation thermique des anciennes maisons notamment. Cela peut sembler fastidieux, mais pour le porte-monnaie et le climat, le jeu en vaut la chandelle à long terme. La semaine dernière, le gouvernement a également présenté la campagne nationale d'économie d'énergie, dans laquelle il a défini comment et combien d'énergie l'Etat luxembourgeois et ses citoyens doivent économiser. Pour en savoir plus, cliquez ici et ici.
Les prix de l’énergie vont monter en flèche cet automne. S’agit-il d’une bonne nouvelle pour le climat ?
Quand l’énergie devient plus chère, on en consomme automatiquement moins. Et ces économies d’énergie s’accompagnent en même temps d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il convient toutefois de veiller à ce que les ménages les plus modestes bénéficient d’un soutien pour pouvoir payer leurs factures d’électricité. Je pense que le Luxembourg a très bien géré le problème de l’allègement fiscal sur l’énergie. En effet, il n’y aura pas de subvention directe à l’énergie qui réduirait le coût global de l’énergie, mais les gens reçoivent une aide des pouvoirs publics par l’intermédiaire de leur salaire. Les personnes aux revenus plus faibles reçoivent donc plus d'argent. Les prix élevés de l’énergie vont donc rester, ce qui incitera tout le monde à faire des économies, mais les personnes aux revenus plus faibles recevront plus d’argent.
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Klima-Agence a compilé quelques conseils pratiques pour économiser de l’énergie chez soi : Energie spueren - J'optimise mon comportement énergétique | Klima-Agence
Klima-Agence est un service de conseil qui s’adresse aux ménages, aux entreprises et aux communes, l’un de ses objectifs étant de les aider à réduire leur consommation d’énergie et à passer aux énergies renouvelables. L’agence propose aussi des informations sur les différentes primes. De plus amples informations sont disponibles sur le site Internet.
Qu’est-ce que je peux changer dans mon alimentation ? Devrais-je plutôt renoncer à la viande ou privilégier les produits locaux ?
La règle d’or est très simple : quiconque souhaite adopter une alimentation plus respectueuse du climat doit d'abord veiller à consommer moins de viande, notamment la viande de bœuf, car de toutes les viandes, c’est de loin celle qui a le plus d’effets négatifs sur le climat. Renoncer complètement à la viande et adopter un régime végétarien ou végan réduit l’empreinte carbone de 47 respectivement 51 % par rapport à un régime omnivore. Nous avons fait le calcul : si nous souhaitons atteindre l’objectif « zéro émission nette » d’ici à 2050, chacun pourrait ne manger de la viande qu'une fois par semaine en moyenne. Changer ses habitudes alimentaires dans ce sens n'est évidemment pas facile. Réduire un peu sa consommation de viande et se demander avant chaque repas si l’on pourrait aussi manger végétarien aujourd’hui est déjà utile.
Les aliments locaux et bio ont un impact comparativement moindre, car ils ne sont pas forcément meilleurs pour le climat - ce qui en surprend plus d’un - mais ils présentent d'autres avantages. Par exemple, les produits bio sont bénéfiques pour la biodiversité. Ici, les calculs sont compliqués : une tomate qui a poussé au Luxembourg dans une serre chauffée n’est pas forcément meilleure pour le climat qu’une tomate venant du sud de l'Espagne. Ainsi, une lasagne végétarienne dont les tomates viennent d’Espagne, les courgettes du Portugal et les pâtes d’Italie est toujours plus respectueuse du climat qu’une lasagne faite à base de bœuf haché issu d’une production biologique locale, car le transport ne représente en moyenne que 6 % des gaz à effet de serre liés à l’alimentation alors que la viande et les produits laitiers en représentent 75 % :
Si nous considérons la consommation de biens, les vêtements ont de loin le plus grand impact. Pourquoi ?
Cela s’explique par le fait que la fabrication de vêtements est relativement mauvaise pour le climat et qu’au Luxembourg, nous avons tout simplement tendance à acheter trop de vêtements. Les vêtements sont souvent en coton, dont la culture nécessite beaucoup d'eau et d'engrais. Outre le coton, les vêtements contiennent souvent beaucoup de fibres dérivées du pétrole, comme le polyester, l’élasthanne ou le nylon, dont les procédés de fabrication nécessitent beaucoup d’énergie fossile. À cela s’ajoutent la transformation et le transport. Mon conseil serait d’acheter des vêtements d'occasion et de meilleure qualité qui durent plus longtemps.
Merci, Claudia Hitaj, pour cet entretien. Comment les personnes intéressées peuvent-elles s'adresser à vous ?
Si vous, votre école ou votre organisation êtes intéressés par une présentation ou une visite des auteurs de la brochure, n'hésitez pas à m'envoyer un e-mail : claudia.hitaj@list.lu. J'espère que notre brochure ou une visite de notre part pourra inspirer certaines personnes sur la manière et les actions quotidiennes qu'elles pourront peut-être mener à l'avenir de manière plus respectueuse du climat.
Auteurs : Lucie Zeches (FNR), Jean-Paul Bertemes (FNR)
Rédaction : Michèle Weber (FNR)
Traduction : Nadia Taouil (t9n)