Bob Schroeder, vous êtes sur le point de boucler votre thèse de doctorat en chimie à l’Imperial College de Londres. Quel est exactement votre domaine de recherche ?
B.S.: Je travaille sur les polymères semi-conducteurs, c’est-à-dire des plastiques à l’aide desquels nous fabriquons des cellules solaires et des transistors. Ces transistors sont p.ex. utilisés dans les écrans plats ou encore les écrans de smartphones.
À quoi servent précisément les plastiques que vous fabriquez ?
B.S.: Jusqu’à présent, les cellules solaires et transistors nécessitent souvent de recourir au silicium cristallin qui est onéreux. Notre plastique flexible est censé le remplacer. Nous voulons rendre la production moins onéreuse et la simplifier en appliquant nos plastiques avec des imprimantes.
Comment est-ce possible ?
B.S.: Nous mélangeons notre plastique à des solvants et d’autres adjuvants afin d’obtenir la consistance souhaitée. Nous introduisons ce mélange dans des cartouches d’encre pour imprimantes et nous l’appliquons ensuite sur des plaques en plastique ou en verre à l’aide d’électrodes translucides. En ce qui concerne le fonctionnement quotidien du laboratoire, nous utilisons cependant une méthode moins coûteuse qui rappelle un tourne-disque. Nous laissons tourner la plaque en verre et faisons goutter l’encre au polymère sur cette dernière.
Cela n’élimine-t-il pas une grande partie de l’encre par force centrifuge ?
B.S. : Si mais c’est voulu. Il reste en effet une fine couche d’environ 100 nanomètres, soit exactement ce dont nous avons besoin. Nous apposons finalement encore une électrode d’aluminium ou de calcium sur le dessus et notre cellule solaire est terminée.
Quelle est la qualité de fonctionnement de vos cellules solaires jusqu’à présent ?
B.S.: Elles ne fonctionnent pas encore aussi bien que celles au silicium cristallin mais elles sont moins chères. De plus, nous tentons sans cesse de les optimiser. Dès qu’un plastique est terminé, nous le testons afin de constater quelle est la quantité d’énergie que la cellule solaire produit. Ces tests nous fournissent de précieuses indications afin d’améliorer le plastique. Nous en fabriquons ensuite un autre et réalisons des tests supplémentaires jusqu’à l’atteinte du rendement souhaité pour notre cellule solaire.
Combien de chercheurs compte votre équipe ?
B.S.: Notre laboratoire occupe environ 20 post-doctorants et doctorants. Nous sommes dès lors en mesure de fabriquer 4 à 5 nouveaux plastiques par semaine et de les tester chacun sur 16 cellules solaires resp. transistors.
Pourquoi menez-vous des recherches à la fois sur les transistors et sur les cellules solaires ?
B.S.: Car le principe est identique. Nous tentons dans les deux cas de remplacer le silicium cristallin comme semi-conducteur par des plastiques. Un écran plat à haute définition de 56 pouces imprimé exclusivement à l'aide de plastiques a été présenté très récemment. Notre travail revêt dès lors un intérêt majeur pour l’industrie. Telle est la raison pour laquelle notre laboratoire est également cofinancé par de grands groupes actifs dans le domaine de la chimie et de l’électronique.
Quelle sera la suite de votre parcours après votre thèse de doctorat ?
B.S.: Jusqu’à présent, mon doctorat a été financé par le Fonds National de la Recherche (FNR). Au terme de celui-ci, je travaillerai six mois de plus sur ce projet grâce à un financement octroyé par l’Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC). Après je vais débuter un postdoc à Stanford durant lequel je vais me pencher sur les plastiques autorégénérateurs.
Des plastiques autorégénérateurs ?
B.S.: Oui. Il convient de les imaginer comme n’étant ni tout à fait solides ni tout à fait liquides. Lorsqu’une déchirure se crée, le plastique est en mesure de la combler par lui-même en se comportant comme un liquide et en comblant la déchirure ou le trou.
Souhaitez-vous appliquer également cela aux cellules solaires et transistors ?
B.S.: Si cela s’avère possible, oui. Il faut cependant encore beaucoup de recherche avant d’en arriver à ce stade. Il serait toutefois intéressant que les écrans de téléphones portables, qui tombent souvent, ou les cellules solaires installées sur les toits et soumises p.ex. à la grêle soient en mesure de se régénérer. Nous pourrions en outre p.ex. fabriquer de la peau artificielle par ce biais.
Pour les personnes brûlées ?
B.S.: Exactement. Des chercheurs japonais ont tout récemment réussi à fabriquer une peau artificielle en plastique. Le seul problème est que si elle est endommagée, elle le demeure. Grâce au plastique autorégénérateur, cette peau artificielle pourrait se régénérer comme la naturelle.
Auteur: Jean-Paul Bertemes (FNR)
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Durant son enfance, Bob Schroeder, 28 ans, voulait devenir pilote de Formule 1 ou footballeur professionnel. C’est entre autres grâce à un bon professeur de chimie de l’athénée de Wiltz qu’il a entrepris des études de chimie à Bruxelles. Dans le cadre de son diplôme de master, il a effectué un stage auprès de l’Imperial College de Londres où il a rencontré son directeur de thèse actuel, auprès duquel il est sur le point de boucler sa thèse de doctorat.
Institut : Imperial College de Londres
Titre: New thiophene based semiconducting materials for applications in plastic electronics (nouveaux matériaux semi-conducteurs à base de thiophène pour des applications en électronique plastique)
Directeur de thèse : Prof. Iain McCulloch