Université du Luxembourg (SnT)
POQUITO (PocketQube for In-Orbit Technology Operations – ou « un petit peu » en Espagnol) est un satellite miniaturisé mesurant 5x5x5 cm, c’est-à-dire l’un des plus petits satellites du monde.
Il s'agit du premier satellite appartenant entièrement à l'Université du Luxembourg. Il a été développé en tout juste un an par le groupe de recherche sur les systèmes spatiaux du SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust).
Ce nanosatellite sera lancé ce mardi 14 janvier 2025 à bord d'une fusée SpaceX Falcon 9. Il s'agit d'une mission de validation technologique. Le Poquito est composé de deux satellites de communication indépendantes qui communiquent entre eux grâce à une liaison optique sans fil. L'objectif est de vérifier si les deux systèmes peuvent communiquer de cette manière.
Cette technologie aura des applications potentielles dans les communications inter-satellites et intra-satellites (entre les sous-systèmes d'un même satellite). Il s’agit également d’une étape importante vers une miniaturisation des technologies dans le secteur spatial. De tels satellites miniatures sont moins chers à produire et à lancer que des satellites de plus grande taille. Leurs applications sont multiples et variées : Mesures de radiation, tests de technologies en orbite, systèmes de relais radio…
Nous avons pu interviewer Andreas Hein et Vittorio Franzese, deux membres du groupe de recherche, pour mieux comprendre le projet Poquito.
Poquito : la fiche d’identité du satellite
Type : PocketQube
Taille : 5x5x5 cm – à peu près la taille d’un Rubik’s Cube, ou d’une orange !
Poids : 185 g – le poids d’un jeune lapin
Lancement : 14 janvier 2025
Orbite : Synchrone avec le soleil, à 525 km d'altitude (un avion vole approximativement à une altitude de 10 km)
Durée de la mission : 3 ans
Particularité : Poquito est composé de deux satellites miniatures, un PocketQube et un ChipSat, qui communiqueront entre eux.
Que se passe-t-il lors du lancement de Poquito ?
Vittorio Franzese nous explique : « Poquito est inséré avec d'autres petits engins spatiaux dans un satellite plus grand qui servira de taxi. Ce gros satellite sera déployé sur une orbite, puis il passera sur une autre orbite avant de déployer à son tour Poquito. Cette opération prendra environ 7 à 14 jours. »
Une fois déployé, le satellite se mettra automatiquement en marche et commencera à communiquer avec la station terrestre du SnT au Luxembourg en utilisant la bande UHF (Ultra High Frequency).
Et ensuite ? « Nous avons choisi une altitude très basse (525 km), où il y a encore des particules dans l'atmosphère. Orbite après orbite, le satellite rencontre une petite résistance due à ces particules ; il ralentit progressivement jusqu'à descendre en spirale et se consumer complètement dans l'atmosphère. De cette manière, il ne représentera aucune menace pour la population et ne polluera pas l'atmosphère », dit Vittorio Franzese.
Quelle est la particularité de Poquito ?
C’est un assemblage de deux satellites en communication miniaturisés : un PocketQube et un ChipSat. Le ChipSat est une charge utile de circuits imprimés mesurant 5x5x0,2 cm – la taille d’une carte de crédit – fonctionnant de manière autonome.
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Un PocketQube est un type de satellite ultra-compact, encore plus petit que le CubeSat.
Un CubeSat est un petit satellite standardisé souvent utilisé pour des missions spatiales à faible coût. Il est constitué d’unités cubiques de 10x10x10 cm, qui peuvent être combinées pour former des satellites plus grands.
Comme le CubeSat, le PocketQube utilise une approche modulaire, mais avec des unités plus petites.
Ils sont encore moins chers à produire et à lancer que les CubeSats, ce qui les rend accessibles aux universités, startups, et chercheurs individuels.
La mission spatiale consiste à tester les liens de communication entre ce ChipSat et le PocketQube, tous deux conçus à l'Université du Luxembourg.
Selon Vittorio Franzese, la manière dont ces derniers communiquent entre eux est une nouveauté : « C'est la première mission à réunir deux satellites indépendants : le PocketQube et le ChipSat, qui est électriquement indépendant. Le ChipSat est un satellite de la taille d'une carte de crédit placé sur le PocketQube. Il n'y a pas de câbles, pas de transfert de données de manière traditionnelle entre ces deux satellites ; toutes les données sont collectées de manière indépendante, transférées ensuite par l'intermédiaire de diodes électroluminescentes (LED) miniaturisées pour la communication optique . Nous avons intégré des protocoles de communication qui permettront le transfert d'informations. »
Bien que le ChipSat soit physiquement à bord du satellite POQUITO, il fonctionne de manière indépendante, avec sa propre production d'énergie solaire, sa gestion des données, ses capteurs et ses liens de communication.
L'important est de savoir si nous parvenons à établir une communication entre les deux satellites. Si nous y parvenons, nous pourrons envisager d'accéder à des régions plus vastes de l'espace avec des constellations de PocketQubes.
Vittorio FRANZESE
Quels défis pose la miniaturisation d’un satellite ?
Les nanosatellites doivent remplir toutes les fonctions des grands – la production d'énergie, le contrôle de l'attitude, la communication et l'intégrité structurelle – dans un volume beaucoup plus petit.
Malgré leur petite taille, ils peuvent embarquer des composants miniaturisés, comme des capteurs, des antennes et des systèmes de communication.
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Le contrôle d'attitude d'un satellite fait référence à l'ensemble des systèmes utilisés pour orienter et maintenir la position d'un satellite dans l'espace. L'attitude désigne l'orientation d'un objet par rapport à un référentiel donné, souvent par rapport à la Terre ou à des étoiles. Le contrôle d'attitude permet de garantir que le satellite reste dans la bonne position pour accomplir ses missions.
Poquito est une mission de validation technologique. Nous allons faire la démonstration de certaines technologies de liaison optique et de technologies d'orientation et de contrôle qui sont difficiles à réaliser, notamment en raison de la petite taille du satellite. Nous disposons de moins de ressources qu'un grand satellite. Nous devons tout miniaturiser tout en conservant toutes les fonctionnalités dont nous avons besoin.
Vittorio Franzese
Quelles difficultés a rencontré le projet Poquito ?
La partie la plus difficile du projet a été le délai serré (un an au lieu des dix habituellement nécessaires pour concevoir une mission spatiale !) « Nous avons réservé un créneau sur le lanceur Space X, et c'était notre point d'arrivée », raconte Vittorio Franzese. « C'est formidable de savoir qu'en un an, une telle mission est possible. C'est un changement de paradigme ».
Le groupe de recherche est très jeune, nous avons commencé il y a trois ans. C'est le deuxième objet que nous lançons dans l'espace. Le défi est de taille : nous avons dû faire face à un millier de problèmes, petits et grands, sur une période très courte. La dimension humaine est importante. Souvent, pendant la pause-café, nous parlions de nos dernières mésaventures et nous nous demandions si nous devions continuer ; nous voulions juste savoir jusqu'où nous pouvions aller. Loin, je dirais aujourd'hui.
Andreas Hein
Un projet qui soutient une démocratisation de l’espace
Vittorio Franzese nous explique en quoi ce projet participe à la démocratisation de l’espace : « Désormais, tout le monde peut aller dans l'espace avec un minimum de financement. L'avenir est prometteur. Ce n'était pas le cas il y a 10 ou 20 ans, où seuls les grandes agences et les gouvernements pouvaient accéder à l'espace. C'est une toute nouvelle ère spatiale qui s'ouvre. »
Bien entendu, cette démocratisation de l'espace va de pair avec des normes, des réglementations, des lignes directrices à respecter. Il faut garantir que l'on ne sera pas une menace pour les autres satellites, que l'on ne polluera pas l'espace, que le système est durable, etc.
Une anecdote sur Poquito ?
« Une fois, pendant les qualifications, le satellite ne fonctionnait plus correctement et nous n'arrivions pas à comprendre pourquoi », raconte Vittorio Franzese. « Nous avons donc fait ce que nous faisons habituellement avec les ordinateurs portables : nous l'avons entièrement démonté, tout réintégré, nous l'avons rallumé et... il a fonctionné. Nous avons été qualifiés pour le vol.”
Sur ce, nous souhaitons un bon vol à Poquito !
Auteur: Diane Bertel
Editrice: Michèle Weber (FNR)
Crédits photo : SnT (Université du Luxemboug)