(C) Michel Brumat / University of Luxembourg

« Les peintures sont d’abord des investissements esthétiques, pas financiers », déclare le professeur Kräussl.

L'art est devenu une nouvelle classe d'actifs pour les portefeuilles bien diversifiés. En effet, l'indice des ventes d'œuvres d'art – utilisé par les conseillers en art pour vendre les fonds spécialisés en art – affiche un rendement annuel moyen de 10 % sur les quarante dernières années. Cependant, le professeur Roman Kräussl (Université du Luxembourg), Arthur Korteweg (professeur assistant à la Marshall School of Business, Université de Californie du Sud) et Patrick Verwijmeren (Erasmus School of Economics, Université Érasme de Rotterdam) ont découvert que ces chiffres étaient bien au-delà de la réalité.

Leur analyse de la base de données de ventes aux enchères la plus complète qui soit, le Blouin Art Sales Index (BASI), montre que le véritable rendement annuel de l'art comme classe d'actifs entre 1960 et 2013 se rapproche plutôt de 6,3 %. En outre, la détention d'un fonds spécialisé dans l'art dans un portefeuille n'augmente pas les chances dudit portefeuille de surperformer.

Un biais de sélection sur le marché de l'art

D'autre part, selon l'équipe de chercheurs, le risque d'investir dans l'art par l'intermédiaire d'un fonds est bien plus élevé que ne le laissent penser les estimations. Ils ont donc appliqué le ratio de Sharpe aux données issues du BASI pour calculer le rendement ajusté des risques. Il en ressort un résultat de 0,11 – contre un chiffre de 0,27 précédemment évoqué. Or, plus le ratio de Sharpe est élevé, plus le rendement ajusté des risques est attractif.

Selon les chercheurs, la surestimation des rendements et la sous-estimation des risques s'expliquent par un mécanisme appelé « biais de sélection ». Sur le marché de l'art, il existe un biais de sélection car les tableaux pour lesquels la demande est forte sont plus souvent mis aux enchères et se vendent à des prix plus élevés, d'où un biais à la hausse. En outre, les détenteurs ont tendance à vendre les œuvres qui ont pris le plus de valeur depuis le moment de leur achat. Les indices utilisent ensuite les données issues des ventes de ces tableaux surcotés pour évaluer les tableaux qui ne se vendent pas ou peu.

Comparer l'achat d'oeuvres d'art à l'achat d'actions

Pour déterminer une valeur plus précise pour cette dernière catégorie, les chercheurs ont utilisé des données telles que la fréquence de vente des tableaux et le rythme d'augmentation de leur prix. Ils sont parvenus à la conclusion suivante : si l'on compare les rendements et les risques de tous les styles d'art à un portefeuille d'actions pures, les investissements dans l'art n'améliorent pas substantiellement le profil risque/rendement d'un portefeuille diversifié comprenant des classes d'actifs plus traditionnelles, telles que les actions et les obligations.

L'analyse s'applique à l'art acquis par l'intermédiaire d'un fonds. Mais qu'en est-il des œuvres d'art achetées de manière ponctuelle dans l'optique d'une plus-value à la revente ? La différence est la même qu'entre investir dans une seule action et dans un petit lot d'actions : certains ont le talent ou le chic pour miser sur le bon cheval, d'autres non.

« Si vous possédez un tableau, vous en assumez les risques physiques et les coûts, y compris l'assurance, les dégradations, le vol et la contrefaçon, entre autres », déclare le professeur Kräussl, avant de conclure : « En résumé, n'achetez des tableaux que s'ils vous plaisent. Vous pouvez espérer que vos enfants réaliseront une plus-value à travers la revente ultérieure d'un ou plusieurs d'entre eux – mais les peintures sont d'abord des investissements esthétiques, pas financiers. »

Auteur: University of Luxembourg
Photo © Michel Brumat / University of Luxembourg

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