© Uwe Hentschel
Un pneu présente l’avantage de rouler vers l’avant comme vers l’arrière. Mais pour des chercheurs comme Laurent Poorters, cela ne suffit pas.
Il ne s’agit pas de réinventer la roue. Enfin, la roue peut-être pas. Mais le pneu, oui. En effet, à quoi sert un moteur puissant ou un châssis intelligent lorsque le pneu n’est pas à la hauteur. Le pneu, en tant que composant assurant la liaison entre la voiture et la route, remplit une fonction tout à fait déterminante. Et dans ce domaine, Laurent Poorters fait autorité.
Poorters, ingénieur au Goodyear Innovation Center de Colmar-Berg, s’occupe du développement de nouveaux pneus. Et en la matière, il importe que les automobilistes revoient peut-être un petit peu leur conception en termes d’apparence générale d’un pneu et de ses possibilités. En effet, chez Goodyear, on développe aussi des pneus concept connectés à une intelligence artificielle.
Se passer de composants mécaniques tels que l’entraînement ou l’essieu
À l’aide de leur technologie de capteurs et de leur réseau neural issu d’algorithmes d’auto-apprentissage, ils sont aptes à communiquer avec le véhicule. Ils peuvent par exemple fournir à l’ordinateur de bord des informations relatives à la nature de la chaussée. Eagle 360 Urban est l’un de ces pneus concept. Et il a une autre particularité : il est sphérique.
« Ce pneu présente l’avantage de se passer de composants mécaniques tels que l’entraînement ou l’essieu », explique Poorters. Le pneu est au contraire maintenu en position à l’aide d’un champ magnétique puissant. « Cela permet au véhicule de se déplacer non seulement vers l’avant et vers l’arrière, mais aussi latéralement », nous explique l’ingénieur. Ceci simplifierait par exemple le stationnement car on aurait besoin de moins de place pour se garer. Et réduirait de ce fait la surface de stationnement dans les villes.
La structure de la bande de roulement s’adapte au revêtement
Une autre particularité du pneu concept est sa peau bionique composée de polymères élastiques. Comme l’explique Poorters, cela procure à la peau du pneu une flexibilité comparable à celle de la peau humaine. Sous cette peau se trouvent des éléments d’entraînement qui fonctionnent comme des muscles et sont mis en mouvement par des impulsions électriques. Le pneu est ainsi capable de modifier la structure de la bande de roulement en fonction des conditions météorologiques et du revêtement de la chaussée. En résumé, le profil s’adapte à la situation.
Par ailleurs, ce pneu concept est doté d’une sorte de processus d’auto-réparation : grâce aux capteurs présents dans la bande de roulement, le dommage est immédiatement localisé et le pneu sphérique a la capacité de pivoter de telle sorte que la partie endommagée ne soit plus en contact avec la chaussée. Parallèlement, des matériaux se dirigent vers la partie endommagée pour constituer de nouveaux composés moléculaires par des réactions physiques et chimiques. Le pneu sphérique n’est encore qu’à l’état d’étude conceptuelle. Goodyear ne communique actuellement aucune information sur le délai de production en série d’un tel produit.
Des pneus personnalisés sur pression d’un bouton
« Au cours des 100 dernières années, la principale caractéristique d’un pneu était d’être pneumatique », ajoute Poorters. Toutefois, le scientifique de Goodyear en est convaincu, ce composant du véhicule jouera à l’avenir un rôle bien plus important grâce à son intelligence artificielle. « Certains prototypes sont capables de générer eux-mêmes de l’énergie afin de fournir par exemple du courant électrique aux puces présentes dans les pneus. »
En outre, comme nous l’explique l’ingénieur, la fabrication des pneus va évoluer. Selon Poorters, « Nous travaillons à Dudelange sur une usine de pneumatiques high tech pour la prochaine génération afin de produire très rapidement de petites séries ». « Les pneus seront fabriqués sur mesure sur pression d’un bouton. »
Pour les camions, une section de pneu plus réduite augmente la capacité de charge
Parallèlement à l’optimisation des pneus de voitures, les chercheurs de Goodyear travaillent également à l’amélioration des pneumatiques dans le sport automobile, l’aviation et le transport des marchandises. Dans toute l’Union européenne, la hauteur des camions ne peut pas dépasser quatre mètres. « Donc, lorsqu’on souhaite élargir l’espace de chargement pour les camions, cela passe en principe par la réduction de la taille des roues » indique l’ingénieur. C’est pourquoi les recherches visent à réduire la section des pneus sans nuire à la capacité de charge.
Exactement comme le pneu lui-même, le développement de ses propriétés est en perpétuel mouvement. « Actuellement, l’industrie pneumatique connaît un formidable bouleversement » explique Poorters. On fait beaucoup de tests - et ce, dans toutes les directions : « Actuellement, personne ne peut dire avec certitude quelle sera la performance de nos pneus dans dix ans. »
Auteur: Uwe Hentschel
Photo: Uwe Hentschel