(C) Uwe Hentschel
Soit il est transparent, soit il conduit du courant - les deux sont impossibles. À moins que... Les chercheurs en matériaux de LIST tentent de surmonter le défi et travaillent sur les applications possibles.
Jens Kreisel, directeur de la section de recherche sur les matériaux au Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), nous a brièvement expliqué ce qu'est un phénomène piézoélectrique : « Lorsqu'un matériau se déforme, ses atomes se déplacent », nous confie-t-il. « L'apparition de charges électriques mesurables à la surface du matériau se nomme piézoélectricité. » On pourrait croire que la transformation d'une énergie mécanique en énergie électrique est surtout utilisée dans les laboratoires. Mais l'effet piézoélectrique est omniprésent.
La plupart des briquets par exemple fonctionnent selon ce principe : lorsqu'on appuie sur le bouton-poussoir, une petite pièce vient frapper un cristal à l'aide de la force d'un ressort, ce qui déforme la structure du cristal. Le déplacement des barycentres du cristal électriquement neutre ainsi provoqué entraîne une tension élevée qui finit par provoquer une étincelle. Ce phénomène trouve également de nombreux domaines d'application dans les automobiles modernes. Le déclenchement de l'airbag, le signal indicatif pour les ceintures de sécurité et même l'activation automatique des essuie-glaces s'effectuent par le biais de capteurs qui fonctionnent aussi souvent sur le principe piézoélectrique.
Recherche d'alternatives au plomb
Le problème est que beaucoup de ces capteurs fonctionnent sur une base de plomb. Et comme le plomb est mauvais pour l'environnement, les scientifiques recherchent d'autres structures et éléments chimiques qui présentent les mêmes caractéristiques. Ce qui nous ramène au laboratoire. Et par là-même à Jens Kreisel et à son équipe qui met tout en œuvre pour trouver des alternatives.
« Ce qui nous intéresse tout particulièrement, c'est l'utilisation de matériaux piézoélectriques sur le verre », explique J. Kreisel. Le défi est de taille. Il consiste à appliquer sur du verre des matériaux piézoélectriques et des contacts électriques transparents, affirme-t-il, sachant que l'ensemble des matériaux doit rester transparent, ce qui lui permet de se fondre dans les environnements d'utilisation les plus variés. Selon J. Kreisel : « L'idéal est donc une combinaison de matériaux qui non seulement est complètement transparente, mais qui également présente des propriétés électriques intéressantes ».
Une utilisation intelligente de la chaleur et de la lumière
Il est possible à l'aide d'une imprimante à jet d'encre spéciale d'imprimer sur du verre de tels matériaux piézoélectriques. Selon le chercheur en matériau, cela augmente énormément la valeur ajoutée du verre. « Et c'est déjà intéressant en soi car le verre est omniprésent dans la vie quotidienne, d'autant plus que la transformation du verre occupe une grande place dans l'industrie au Luxembourg », ajoute-t-il.
En plus de l'effet piézoélectrique, l'équipe de recherche travaille également sur les propriétés électrocaloriques. On entend par effet électrocalorique la modification de la température de certains matériaux induite par l'application d'un champ électrique. D'après J. Kreisel, les applications concernées intéressent beaucoup l'industrie de la microélectronique qui recherche d'autres types de refroidissement efficace des puces informatiques plus silencieux et plus compacts.
Un autre sujet occupe l'institut de recherche, à savoir la question générale de l'interaction entre matière et lumière. « Lorsque la lumière atterrit sur des matériaux fonctionnels, la question se pose de savoir comment cela va modifier les propriétés du matériau et comment nous pouvons exploiter cela », explique J. Kreisel.
Recrutement d'éminents scientifiques
Les nombreuses publications scientifiques, la recherche fructueuse de financements externes, diverses distinctions et un premier brevet dans le domaine de l'application piézoélectrique transparente sont autant de preuves que cette équipe de recherche ne tâtonne pas dans le noir mais rencontre un franc succès.
Et tout cela ne va pas sans un budget adéquat. Cinq millions d'euros ont notamment été mis à la disposition de l'équipe dans le cadre du programme Pearl du FNR. Ce programme, qui existe depuis plus de cinq ans, a pour objectif de soutenir le développement des instituts de recherche au Luxembourg, dans lesquels sont recrutés d'éminents scientifiques venus de l'étranger.
« Le programme ne vise pas seulement la réalisation d'un projet de recherche, mais également la constitution d'une équipe de recherche complète », indique J. Kreisel. C'est lui qui a créé l'équipe au pied levé début 2013. Entre-temps, presque 20 scientifiques du monde entier ont rejoint le navire. « Nous nous sommes occupés de chaque recrutement pour être sûrs d'accueillir les meilleurs », conclut J. Kreisel. Parfois, il suffit de mettre quelques atomes en mouvement pour obtenir l'effet recherché. Mais dans ce cas précis, il a quand même fallu un peu plus de travail.
Auteur: Uwe Hentschel
Photos: Uwe Hentschel