© Uwe Hentschel
Simon, vous faites des recherches sur le plasma. Qu’est-ce que cela signifie exactement ?
Après le solide, le liquide et le gazeux, le plasma est le quatrième état de la matière. Ainsi, si vous exposez un gaz à une énergie suffisamment élevée, certains électrons se détachent de leur atome. Nous obtenons alors des noyaux chargés positivement, appelés ions, et des électrons libres chargés négativement. Le plasma est donc aussi un gaz, simplement composé de molécules de gaz neutres et de particules chargées.
Nous utilisons ces particules chargées pour déclencher des réactions chimiques ou physiques ou pour produire de nouveaux matériaux dotés de nouvelles propriétés. D’une certaine manière, le plasma est proche d’une flamme ou d’un éclair, mais avec moins d’énergie.
Comment le plasma est-il utilisé ?
Je travaille depuis huit ans chez LIST, au département dédié à la science des matériaux, dans le groupe « Plasma Process Engineering Group » (Ingénierie des procédés plasma) sur le développement des procédés plasma. Notre équipe mène des recherches concrètes sur le traitement des matériaux. Actuellement, nous utilisons des peptides naturels (un composé chimique organique qui résulte d’une combinaison de plusieurs acides aminés) provenant de plantes ou d’animaux et utilisons le plasma pour les lier aux surfaces des matériaux afin de leur conférer des propriétés particulières.
Et quelles sont ces caractéristiques ?
C’est très variable. Nous développons des matériaux aux propriétés spéciales et uniques, par exemple en appliquant aux outils de découpe une couche extrêmement fine de matériau très dur. Nous faisons également des recherches sur les revêtements photocatalytiques capables de s’autonettoyer à la lumière du soleil. Nous travaillons en outre sur ce que l’on appelle les « systèmes anti-fouling », c’est-à-dire des revêtements qui empêchent le dépôt de biofilm (couches de matières collantes) ou de saleté. Autre projet, celui des revêtements non toxiques et super-hydrophobes qui rendent un matériau complètement hydrofuge. On parle d’effet lotus pour décrire ce phénomène.
Il y a donc d’innombrables applications possibles...
Exactement. Et c'est ce qui le rend si intéressant pour l'industrie. Nous travaillons beaucoup avec des entreprises, comme p.ex. Goodyear. Les pneus sont composés de caoutchouc et de fils d'acier zingués. Le zinc a une très mauvaise adhérence avec le caoutchouc. Pour cette raison, les fils recouverts d'une couche de cuivre qui lui possède une très bonne adhésion avec le caoutchouc. L'une de nos tâches était de trouver un remplacement pour le cuivre précieux sans modifier les propriétés d'adhésion. Grace au procédé que nous avons mis au point, nous avons revêtu les fils d'une couche de matériau déposé gràce au plasma, ce qui a permis d'égaler et même de dépasser les performances cuivre-caoutchouc.
Un autre projet concerne le traitement de vis d'implants dentaires avec du plasma. Ce traitement permet le dépôt d'un matériau qui empèche le développement des bactéries tout en favorisant la croissance des cellules osseuses et la bonne implantation des implants dans la mâchoire. À l'aide du plasma, nous pouvons ainsi déposer des matériaux antibactériens, résistants à la corrosion ou adhésifs – selon les besoins.
Et comment le matériau est-il traité avec le plasma ?
Il existe différentes méthodes – des applications sous vide élevé à la pression atmosphérique. En collaboration avec le Molecular Plasma Group (MPG), une start-up luxembourgeoise issue du LIST, nous développons divers procédés de plasma atmosphérique qui peuvent être directement appliqués à une ligne de production industrielle existante.
Dans notre groupe, nous utilisons, entre autres, une torche à plasma. Il s’agit d’un dispositif qui génère un gaz ionisé similaire à une flamme de quelques centimètres de long, que nous utilisons ensuite pour traiter la surface du matériau. Ce dispositif à plasma est particulièrement adapté aux applications industrielles. En fait, la torche à plasma peut également être combinée avec un robot industriel, ce qui permet de traiter des pièces en 3D. Un tel robot à plasma peut donc être utilisé de différentes manières et peut être entièrement adapté aux besoins du client.
Interview : Uwe Hentschel
Photo : Uwe Hentschel