André Mousset
Depuis le 10 décembre 2017, le « Stater Tram » tram circule sur une ligne de 4,6 km, de la Luxexpo au Pont Rouge (8 stations espacées de 500 mètres environ sur un parcours de 11 minutes).
Depuis le 27 juillet 2018, la ligne a été allongée d’un deuxième tronçon (3 stations) jusqu’à « Stäreplaz/Etoile » avec la prouesse technique de rouler sans ligne aérienne. Sur cette section, le tram sera alimenté par un système de « biberonnage ». En effet, des super-condensateurs se rechargent à chaque arrêt, sans attente supplémentaire, au moyen d’un patin qui se connecte au réseau électrique. Le tram dispose ainsi de l’autonomie nécessaire pour circuler jusqu’à la prochaine station.
La société exploitante Luxtram prévoit d’allonger la ligne à 16 km d’ici 2021, la section sans ligne aérienne à travers le centre ville ayant une longueur totale de 3,6 km.
Biberonnage, super-condensateur, …aïeaïe! Le tram moderne est plus sophistiqué qu’il ne le paraît au premier abord. La science derrière est vaste, intéressante, et … compréhensible ! Voici les explications qui te transforment en « expert-ès-tramway » !
Comment se fait la traction électrique du tram ?
Comme la plupart des trams, le tram de Luxembourg roule grâce à des moteurs électriques. Comment fonctionne un moteur électrique ? Comment peut-on produire du mouvement à l’aide du courant électrique ?
La force de propulsion qu’un moteur électrique est capable de produire résulte de l’interaction d’un courant électrique avec un champ magnétique. En effet, lorsqu’un courant électrique circule dans un fil convenablement placé dans un champ électrique, ce fil subit une force électromagnétique. Cette force est d’autant plus puissante que le champ magnétique est puissant, et que le courant est puissant. Pour cette raison, les moteurs comportent toujours des bobinages à grand nombre spires.
Au lieu d’équiper les rames avec un seul moteur superpuissant, il est plus pratique de répartir la traction nécessaire sur un grand nombre de roues.
Les rames du tram de Luxembourg comportent 4 bogies dont 3 sont motorisés. Les bogies sont des chariots à 4 roues, situés sous le véhicule ferroviaire. Ils sont mobiles par rapport au châssis du véhicule et destinés à s'orienter convenablement dans les courbes.
Photo (gauche) : Bogie sans moteurs
Photo (droite) : Roues motorisés : les roues sont cachées par deux moteurs asynchrones et par les disques (rouillés) des freins ; on aperçoit les gros câbles de l’alimentation électrique des moteurs
Les 4 roues du bogie motorisé sont équipées d’un moteur électrique asynchrone. Tous les moteurs d’une rame sont indépendants, ils sont commandés et régulés électroniquement. Ces machines peuvent également fonctionner en générateur d’énergie électrique ce qui a pour conséquence de les freiner (freinage dynamique).
Vous aimeriez comprendre le fonctionnement du moteur asynchrone ? Très bien, un peu d’électromagnétisme vous attend ! Consultez notre article :
Quel est le circuit électrique du tram ?
Le tram fonctionne à l’énergie électrique. Celle-ci est transportée par un courant électrique. Or, tout courant électrique ne peut circuler que dans un circuit fermé.
Il faut donc que le tram fasse partie d’un circuit électrique. La sous-station, la ligne aérienne de contact, le pantographe, l’ensemble des dispositifs nécessitant de l’énergie électrique, et enfin les rails forment ensemble un grand circuit électrique. Voici les détails :
L’énergie électrique nécessaire au fonctionnement du tram est injectée par la sous-station dans la ligne aérienne de contact (LAC).
Elle est ensuite transportée, à travers la LAC, jusqu’à la rame qui en a besoin.
Le courant entre dans la rame par le pantographe dont l’archet est en contact électrique avec la LAC, et il alimente les moteurs électriques et tous les autres dispositifs électriques de la rame.
Le même courant ressort de la rame, dépourvue d’énergie électrique car il a cédé son énergie au tram. Il ressort par les roues et retourne à travers les rails à la sous-station électrique.
Photo : Pantographe avec archet glissant le long de la ligne aérienne de contact
Le pôle positif de la sous-station est au potentiel +750 V et est connecté à la LAC ; le pôle négatif, au potentiel 0 V car mis à la terre, est connecté aux rails.
Les rails sont isolés par une jaquette qui sert d’isolation électrique pour éviter des courants « vagabonds » dans le sol.
Figure schématique : Le circuit électrique est représenté en rouge.
Pourquoi le tram n’a-t-il pas les mêmes rails que le train ?
Comme le tram circule sur des rails encastrés dans la voirie routière ou implantés sur une plate-forme engazonnée avoisinante, ses rails comportent une gorge. Celle-ci n’est pas nécessaire pour les trains qui roulent sur des rails du type « vignole ».
Figure schématique : Roue de tram sur rail à gorge (à droite), roue de train sur rail « vignole » (à gauche)
Le contact glissant du pantographe avec la LAC ne doit pas s’interrompre lorsque le tram circule.
Pour garantir que l’archet du pantographe reste toujours bien en contact avec le fil nu de la LAC, celle-ci est entaillée et pincée par le haut à l’aide de fixations spéciales.
L’archet presse avec une force de quelques 100 N contre le fil. Pour que l’usure se fasse sur l’archet et non sur la LAC, l’archet est muni d’une couche de quelques cm de carbone cuivré, un matériau plus mou que le cuivre.
Figure schématique : LAC maintenue par des pinces (en noir). Archet du pantographe en rouge.
Photo : Archet avec couche de carbone cuivré
En plus, la LAC n’est pas parallèle aux rails : elle est tendue légèrement en zigzag au-dessus des rails afin que le point de contact de l’archet avec le fil se ballade sur toute la largeur de l’archet lorsque le tram circule. Ainsi la couche de carbone de l’archet s’use uniformément sur toute la largeur.
Figure schématique : Vue d'en haut: LAC en zigzag, archet du pantographe en rouge
La LAC est constituée d’un fil de cuivre de 2 cm de diamètre environ. Ce diamètre est nécessaire pour qu’elle ne s’échauffe pas lorsqu’elle est parcourue par le courant. Elle est tendue rigoureusement à la même hauteur au-dessus de rails à l’aide d’un ensemble de poteaux, de câbles porteurs et de haubans. Le tout constitue la caténaire.
Photos : Caténaire au-dessus des rails : poteaux, consoles, haubans, câbles porteurs, ligne aérienne de contact (LAC).
Comment le tram luxembourgeois peut-il rouler sans ligne aérienne ?
Dans le centre-ville où il n’y a pas de ligne aérienne de contact, un système innovateur, appelé « système de biberonnage », composé de super-condensateurs et d’accumulateurs lithium-ion permet d’emmagasiner en 20 s l’énergie nécessaire pour le déplacement jusqu’à la prochaine station.
En effet, les super-condensateurs permettent de stocker beaucoup plus d’énergie électrique en un même volume que les condensateurs classiques. Et le chargement se fait aussi rapidement. Les super-condensateurs chargent ensuite les accumulateurs lithium-ion lesquels alimentent l’ensemble des dispositifs électriques du tram.
Mais comment fonctionnent les accumulateurs lithium-ion ? Découvrez-le dans notre article :
Et comment fonctionnent les super condensateurs ? Découvrez-le dans notre article :
Êtes-vous devenus un accro du tram ?
Se passionner pour le tram, c’est découvrir une panoplie de systèmes techniques extrêmement variés. Leur fonctionnement fait appel à un grand nombre de phénomènes mécaniques, électriques, électroniques, électromagnétiques et thermodynamiques.
Bien que le tram ne soit qu’un moyen de transport de faible vitesse, il permet de faire de beaux voyages à travers la physique ! Découvrez plus dans nos deux autres parties sur la science derrière le tram :
Auteur : André Mousset
Photos : Luxtram et André Mousset
Figures schématiques : André Mousset
Mes remerciements vont aux collaborateurs de Luxtram, MM. Bélony et Chartz et surtout à M. Ehrmann, pour les précieuses informations et explications techniques !
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La charge électrique est « une propriété » (on n’en connaît pas encore la nature intime !) de certaines particules qui interagissent entre elles. Jusqu’à ce jour on a détecté deux sortes de charges : l’une est appelée « charge positive », l’autre « charge négative ». Les particules à même type de charge se repoussent tandis que les particules à types de charge différents s’attirent.
Les électrons ont tous une même charge négative. Ils se repoussent entre eux. Les protons sont tous une même charge positive et se repoussent également mutuellement. Par contre les électrons et les protons s’attirent. Les neutrons ne possèdent pas de charges donc n’interagissent pas de cette façon avec les électrons ou les protons.
La charge d’une particule est mesurable. Il se trouve que l’électron et le proton ont la même charge au signe près. C’est d’ailleurs la plus petite charge qu’on a pu détecter jusqu’à ce jour dans l’univers. Pour cette raison on l’appelle « charge élémentaire ». Elle est notée « e » : e = 1,6 10-19 C.
1 C = 1 coulomb : c’est l’unité de mesure avec laquelle on exprime la charge.
La tension électrique par rapport à la terre est l’énergie électrique que possède une charge de 1 C par rapport à la terre. Elle est mesurable et exprimée en volt.
En effet, une même particule chargée peut avoir beaucoup ou peu d’énergie, ou bien même n’avoir pas d’énergie du tout.
La tension électrique est encore appelée « différence de potentiel électrique ». On peut dire : la ligne aérienne de contact a un potentiel de 750 V et les rails reliés à la terre ont le potentiel 0 V. La tension entre la ligne et les rails (= la différence de potentiel entre la ligne et les rails) vaut alors 750 V.
La terre est par définition toujours au potentiel 0 V.
Un déplacement collectif de particules chargées est appelé « courant électrique ». Or ce sont justement les particules chargées qui possèdent l’énergie électrique. Un courant électrique correspond donc à un transport d’énergie électrique d’un endroit à un autre.
Dans les métaux, les particules chargées susceptibles de créer un courant électrique sont les électrons. En effet chaque atome dispose de un, deux, …, électrons libres, c’est-à-dire, non liés à l’atome. Ces électrons peuvent donc se déplacer à travers l’ensemble du corps métallique et former éventuellement un courant électrique. Pour cette raison les métaux font partie des substances qui conduisent le courant électrique : les « conducteurs électriques ». La vitesse de déplacement des électrons est environ 1 mm/s.
D’autres substances solides ne permettent pas la mise en mouvement collectif des électrons car tous les électrons sont liés aux atomes ou aux molécules. Ces matériaux sont appelés « isolants électriques ».
Dans les liquides, les particules chargées mobiles sont des ions, c’est-à-dire, des atomes, des molécules ou des fragments de molécules ayant un, deux, …, électrons en excès (ions négatifs) ou en défaut (ions positifs). La vitesse de déplacement des ions y est environ 0,01 mm/s.
Dans les gaz, les particules chargées sont à la fois des ions et des électrons. La vitesse de déplacement varie beaucoup et peut être très grande.
Le courant électrique n’est détectable que pas ses effets : échauffement, réactions chimiques dans les liquides, apparition d’un champ magnétique, émission de rayonnements lumineux.
Le courant électrique circule dans un circuit électrique fermé, c’est-à-dire, en partant d’un point, à travers un ensemble de conducteurs électriques, et revenant au point de départ. Pour qu’un courant prenne naissance il faut que deux points du circuit aient des potentiels électriques différents. C’est-à-dire qu’il existe une tension électrique entre deux points du circuit. Le rôle de créer cette tension revient au générateur électrique placé dans le circuit : pile, accumulateur, génératrice, cellule photovoltaïque, …
L’intensité de courant électrique est la quantité de charge qui traverse une section du conducteur par seconde. Elle correspond au débit de l’eau s’écoulant dans une rivière.
Elle est mesurable et exprimée en ampère. Un fil est traversé par un courant de d’intensité 1 A si une charge de 1 C traverse la section du fil en 1 seconde.
Plus l’intensité est élevée, plus l’énergie transportée par le courant est élevée, et plus les effets du courants sont donc importants : échauffement plus important, davantage de réactions chimiques par unité de temps, champ magnétique plus fort, effet lumineux plus important.
Les générateurs de tension continue ont un pôle positif fixe et un pôle négatif fixe. Exemple : pile ou accumulateur. Par définition le courant électrique sort du pôle positif et circule vers le pôle négatif par lequel il entre. Or, si le courant est dû à des électrons (de charge négative), les électrons sortent du générateur par le pôle négatif et rentrent par le pôle positif. Un tel courant est continu car il circule toujours dans le même sens.
Les générateurs de tension alternative changent constamment de polarité. Cela veut dire que le courant circule tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre sens. Le courant est alternatif.
Un champ magnétique est une région de l’espace dans laquelle des actions magnétiques peuvent être mises en évidence. Ces actions magnétiques sont des forces s’exerçant sur des aimants, des courants électriques ou bien des particules électriquement chargées en mouvement. (En fait, des particules chargées en mouvement sont équivalents à un courant électrique.)
Or, de telles forces sont exercées par les aimants et les courants placés à proximité. Les régions de l’espace entourant les aimants et les courants électriques sont donc des champs magnétiques.
Autour de notre planète Terre règne également un champ magnétique. Il est dû au mouvement des matières fluides à l’intérieur de la Terre, contenant des particules chargées.
Un champ magnétique peut être plus ou moins intense selon l’effet qu’il produit. Son intensité est exprimée en teslas (T). Le champ créé par un aimant ordinaire se situe à environ 10-3 T. Le champ terrestre vaut en moyenne 5∙10-5 T à proximité de la Terre. Un champ de même intensité règne à 4 mm d’un fil parcouru par un courant de 1 A. Pour obtenir un champ plus fort, il faut disposer un grand nombre de fils parcourus chacun par un fort courant.
Les électroaimants créent ainsi un champ magnétique plus ou moins puissant grâce à des bobines à un grand nombre de spires. Ces bobines comportent en plus un noyau de fer (fermé) qu’s’aimante dans le champ de la bobine renforçant celui-ci.