© ESA/ATG medialab

ESA’s Sentinel 5P satellite circles the Earth and collects air quality data

En moyenne, nous prenons 20 000 respirations par jour, inspirant chaque fois - sans fournir d’effort - de l’air qui, bien qu’invisible, regorge d’‘ingrédients’, à l’instar d’un gâteau. Dans le cas de l’air, les ingrédients sont presque exclusivement des gaz. Mais comme l’œuf dans une recette de gâteau, les ingrédients qui composent l’air sont également affectés par des facteurs environnementaux.

Observation de l’environnement : des capteurs fixes aux capteurs mobiles

Les activités humaines, telles que se rendre au travail en voiture, produire des biens ou chauffer notre maison, libèrent des polluants nocifs pour notre santé et peuvent provoquer des maladies respiratoires, dont l'asthme.  C’est pourquoi huit capteurs fixes ont été installés aux quatre coins du Luxembourg pour surveiller des polluants tels que le NO2 (dioxyde d’azote) et d’autres agents.  Agissant comme des détectives, ils mesurent minutieusement les ingrédients de l’air et leurs concentrations, et nous indiquent les valeurs. Toutefois, les technologies et les capacités de calcul ayant beaucoup progressé et les appareils étant désormais plus intelligents et connectés à Internet, on peut se demander comment améliorer l’observation de l’environnement et quelles nouvelles informations nous pouvons obtenir.

Le Dr Hichem Omrani, chercheur au Luxembourg Institute of Socio Economic Research (LISER), travaille sur ces questions. Il repense la façon dont les mesures sont prises au Luxembourg dans l’espoir d’établir des paramètres plus précis.  Le Dr Omrani a compris qu’en créant une nouvelle catégorie de capteurs mobiles, nous pourrions surmonter la principale limite des capteurs fixes, car les données environnementales, en particulier celles concernant la mobilité des gens, sont rares au Luxembourg et ailleurs dans le monde. Cependant, il a fallu trouver un moyen pour déployer ces capteurs mobiles. La solution proposée consiste à recourir à des bus zéro émission qui parcourent le Luxembourg et fourniront des données spatiales (localisation) très précises et en temps réel. En outre, lorsque ces données sont combinées aux données du satellite Sentinel 5P en orbite autour de la Terre à 817 kilomètres au-dessus de nous, une image sans précédent de la qualité de l’air au Grand-Duché se révèlera.

Tourne, tourne, petit moulin – comme un satellite !

Ensemble, les bus luxembourgeois parcourent en moyenne 142 000 kilomètres par jour, soit environ 52 millions de kilomètres par an. En d’autres termes, les bus luxembourgeois font environ 3,5 fois le tour de la Terre chaque jour !  S’étendant du sud au nord et de l’est à l’ouest, leurs itinéraires quotidiens offrent un cadre idéal pour implémenter la nouvelle technologie des capteurs et observer l'exposition de la population aux polluants nocifs. Malheureusement, cette surveillance mobile au sol ne couvre pas l’ensemble du territoire luxembourgeois, mais nos amis de l’Agence spatiale européenne (ESA) ont une solution pour cela.

 Alors que les bus luxembourgeois « font chaque jour le tour de la Terre » au sens figuré, le satellite Sentinel 5P de l’ESA fait le tour de la Terre... au sens propre... et cela, 14 fois par jour. Pendant l’une de ces orbites, il passe au-dessus du Luxembourg une fois par jour et transmet des données sur la qualité de l’air – environ un téraoctet par an. Les puissants instruments du satellite offrent une vue d’ensemble de la pollution de l’air au Luxembourg et de celle de nos voisins de la Grande Région. La couverture plus large peut contribuer à expliquer les causes et les sources de la pollution pour compléter notre compréhension.

Une fois que les données terrestres et spatiales sont combinées aux données sur le trafic, l’utilisation des sols, météorologiques et démographiques, des cartes de la pollution de l’air améliorées sont générées (figure 1). Cette modélisation générale fondée sur des données permet d’évaluer l’exposition de la population à la pollution de l’air et de créer des cartes de la pollution de l’air indiquant les hotspots / coldspots afin de mettre en évidence les zones propres et les zones polluées en vue d’éventuelles mesures d’atténuation.

Figure 1 :  Concentrations moyennes de NO2 au Luxembourg en avril 2020 (échelle plus grande à gauche (3 x 7 km2) et petite échelle affinée à droite (100 x 100 m). Il s’agit d’un échantillon de cartes générées à l’aide de l’outil récemment développé (monitaas : logiciel d’observation en tant que service), où l’utilisateur peut personnaliser les résolutions spatio-temporelles (par exemple, 100 m et données mensuelles) et les polluants (par exemple, NO2). Plus la couleur rouge est foncée, plus la concentration de NO2 mesurée est élevée. Crédit : LISER

Traduire les données en actions

Le programme des Nations unies pour l’environnement estime que la pollution de l'air tue sept millions de personnes par an et qu’elle constitue le plus grand risque pour la santé d’origine environnementale de notre époque. Démasquer l’invisible pour donner un visage aux polluants permettra non seulement de sensibiliser le public, mais aussi d’aider les agences environnementales et les communautés locales à évaluer leur exposition personnelle à la pollution de l’air. Il s’agit par exemple de prévoir le trafic automobile et de faire des prédictions sur le moment où les acteurs industriels libèrent des polluants. Ces deux informations peuvent aider les décideurs à mieux protéger les écoles, les zones récréatives et résidentielles et les personnes vulnérables dans leur ensemble (par exemple, les enfants, les personnes âgées).

En outre, de meilleures mesures des données permettront de donner une voix aux personnes défavorisées qui pourraient être exposées aux polluants. En associant les chiffres de la qualité de l’air à la démographie socio-économique des résidents dans les communautés, nous pouvons évaluer la différence d’exposition en fonction des attributs de la population (par exemple, la profession, l'éducation, la nationalité, la richesse, le sexe, etc.). Nous pouvons ensuite identifier toute ‘inégalité environnementale’ dans les différentes zones et à divers moments.

Actuellement, les chercheurs du LISER travaillent sur un autre grand projet européen visant à examiner les conséquences socio-économiques de la pollution de l’air. Le LISER s’appuiera sur les projections de l’impact sur la santé du projet pour intégrer de nouvelles répercussions sur la santé dans l’évaluation de l’impact économique. Le Dr Omrani souhaite travailler avec cette expertise et s’appuyer dessus pour contribuer à réduire l’incidence des maladies respiratoires et la souffrance qui en découle. Cela améliorerait la qualité de vie d’un grand nombre de personnes et aiderait la société à éviter les coûts liés aux soins de santé.

À l’avenir, ces travaux permettront d’évaluer les politiques de transport (par exemple, la gratuité des transports publics, les véhicules électriques, la tarification routière, les taxes et le covoiturage) pour réduire la pollution de l’air.

Auteurs : Hichem Omrani & Nicolas Stamets (LISER)
Rédaction : Michèle Weber (FNR)
Images: © ESA/ATG medialab and LISER

Hichem Omrani

Sans la science des données, les statistiques avancées et l’analyse du big data, nous n’obtiendrions pas d’informations utiles sur notre environnement dynamique. On ne saurait concevoir un monde où on ne peut pas respirer de l'air frais, écouter des sons naturels dans nos cours, sans espaces verts dans nos quartiers ou sans environnements calmes. Le Dr Omrani souhaite créer des outils innovants, de nouvelles méthodes et de nouveaux produits pour les décideurs politiques et les citoyens et les leur mettre à la disposition pour la conception et l’exploitation de villes intelligentes et saines. Au début de sa carrière (2004-2020), il a essayé de comprendre l'évolution des villes au fil du temps et l'impact sur le comportement des voyageurs. Actuellement, il est lead researcher au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER). Il s’intéresse principalement à l’apprentissage automatique, la modélisation et la simulation de systèmes spatiaux complexes, et l’exposition aux environnements. Plus précisément, ses recherches portent aujourd’hui sur l’effet de la pollution de l’air sur la société et la santé publique. En ce qui concerne les défis futurs, il étend ses travaux précédents pour évaluer comment les individus et les différentes sous-populations aux attributs socio-économiques variés (résidence, lieu de travail, catégorie de revenus, éducation) sont exposés à l’environnement dynamique (pollution de l’air, nuisance sonore, température de la chaleur) et tester différentes politiques de transport pour atténuer les contraintes sur le plan environnemental et informer les décideurs politiques et les citoyens à l’aide de boîtes à outils.

Credit: LISER

Nicolas Stamets

Nicolas a rejoint le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) en 2016 en tant que responsable de la communication. En sa qualité de communicateur scientifique, il crée des récits vulgarisés pour les non-scientifiques et s’engage auprès de divers publics pour attirer l’attention sur une série de disciplines relevant des sciences sociales.   Il se passionne pour la sensibilisation à la recherche scientifique afin d’informer la société et les décideurs politiques.
Nicolas est originaire de San Francisco, en Californie, mais il vit au Luxembourg depuis 2007. Il est titulaire d’un master de l’EDHEC en France et d’un bachelor de l’Université de San Diego.

Credit: LISER

La recherche est omniprésente et s’adresse à tout le monde ! Tous les scientifiques et chercheurs du Luxembourg sont invités à le prouver en participant à ce concours de vulgarisation scientifique organisé par le projet Doctoral Education in Science Communication (DESCOM) de l’Université du Luxembourg en collaboration avec science.lu.

C’est une opportunité pour tous les scientifiques et chercheurs d’essayer leurs compétences en vulgarisation scientifique en écrivant un article sur la recherche qui soit compréhensible pour tous.

Pour l’édition 2021, les articles sur la science et la recherche au Luxembourg pouvaient être soumis en anglais, français, allemand ou luxembourgeois jusqu’au 31 juillet 2021.  Les articles des lauréats sont publiés sur science.lu.

Vous trouverez plus d'informations sur le concours de cette année ici.

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