(C) Annika Lutz
Comment se développent les troubles alimentaires ? Et comment sont-ils étudiés ? La psychologue Annika Lutz nous parle de la recherche actuelle sur un problème répandu.
Docteur Lutz, dans le cadre de votre doctorat, vous avez étudié l'anorexie chez les jeunes femmes. Qu'avez-vous découvert ?
Chez ces femmes, la perception de son propre corps est déformée, même après une forte perte de poids, elles se sentent encore grosses. Par exemple, lors d'une étude, j'ai mesuré les ondes cérébrales des participantes lorsqu'elles voyaient une photo d'elles. 160 millisecondes après avoir vu leur image, on pouvait remarquer une claire différence par rapport aux photos de personnes saines. Durant cette courte période, le cerveau analyse les éléments basaux de l'image, comme le contraste et la clarté. Pour les personnes souffrant d'anorexie, l'observation de son propre corps est fondamentalement transformée.
Comment de tels troubles apparaissent-ils ? Y a-t-il des facteurs de risque ?
Il y a de nombreux facteurs qui jouent un rôle : influence génétique, problèmes alimentaires et de digestion lors de l'enfance, mais aussi des particularités liées à la personnalité, comme le perfectionnisme par exemple. Au final, c'est un ensemble très complexe de facteurs de risque qui se présente et se différencie fortement d'un cas à un autre.
Quel rôle joue la société ? Y a-t-il de nos jours plus de troubles alimentaires qu'avant ?
En plus des facteurs de risque déjà cités, l'idéal de minceur et les canons de beauté de la société jouent un rôle. Nous partons du principe que les troubles alimentaires se sont fortement développés au cours de la dernière moitié du siècle dernier. Il est cependant très difficile de dater exactement ce développement des troubles, notamment parce que les critères de diagnostique n'existent pas depuis très longtemps, mais aussi parce que les personnes souffrant de troubles alimentaires ne se font pas toutes traiter.
Où commence le trouble alimentaire ?
Dès que vous remarquez que cela a une forte influence sur votre moral. Les personnes atteintes s'éloignent des gens, perdent leurs autres intérêts et se mettent à structurer leur journée autour de l'alimentation et ses compensations. Naturellement, il existe également des critères officiels qui sont consignés dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Ce catalogue couvre également la boulimie et les crises qui l'accompagnent.
Étudiez-vous également ce sujet?
Nous commençons actuellement une nouvelle étude très intéressante sur la boulimie : nous voulons découvrir quels effets ont les émotions négatives sur le comportement alimentaire. Dans le cadre de cette étude nous mesurerons à nouveau les ondes cérébrales et chercherons à définir comment les aliments sont perçus selon l'état du moral.
Quand commencez-vous les expériences ?
Pour le moment, nous cherchons des participantes de plus de 18 ans : des personnes saines pour le groupe témoin et des femmes souffrant de boulimie. L'étude sera très intéressante. Grâce à la mesure des ondes cérébrales, nous pouvons observer des processus qui ne sont pas accessibles à la pensée consciente. Les personnes intéressées sont invitées à prendre contact avec nous dès maintenant.
Contact pour l'étude: Annika Lutz, Tel.: (+352) 46 66 44 9682, annika.lutz@uni.lu
Auteur: Tim Haarmann
Photo: Annika Lutz
Infobox
Annika Lutz a étudié la psychologie à Würzburg et a passé sa thèse sur le thème « Perception du corps dans le cadre de l'anorexie mentale » à l'Université du Luxembourg en 2015. Elle était soutenue par une bourse AFR-PhD du Fonds National de la Recherche (FNR). D'autres axes de son travail traitent de l'autorégulation du comportement alimentaire et des méthodes de recherche psychophysiologique.