© Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach; LIH

À gauche: Les deux lauréats américains Victor Ambros et Gary Ruvkun; à droite: Dr. Yvan Devaux du Luxembourg Institute of Health

Le prix Nobel de médecine a été décerné ce lundi 7 octobre 2024 aux professeurs Victor Ambros et Gary Ruvkun pour leurs travaux sur les micro-ARN.

Ces minuscules molécules jouent un rôle clé dans la régulation de l'expression des gènes, c’est-à-dire qu'ils aident à contrôler quels gènes sont activés ou désactivés dans nos cellules.  Ils jouent un rôle crucial dans la régulation de nombreux processus biologiques et même dans la prévention de maladies.

Dr. Yvan Devaux, du Luxembourg Institute of Health, travaille sur ces micro-ARN. Avec un objectif : développer de nouvelles méthodes diagnostiques et thérapeutiques pour les maladies du cœur et du cerveau.

 

Pouvez-vous résumer en quelques phrases le prix Nobel de médecine décerné aujourd’hui, et nous dire en quoi il est mérité ?

Yvan Devaux : « Le prix Nobel de médecine 2024 a été décerné aujourd’hui pour la recherche sur les micro-ARN. Les micro-ARN sont de petites molécules que l’on trouve partout, dans nos cellules et notre sang, et qui régulent l’expression de nos gènes, et donc l’expression des protéines dans notre corps. »

  • Nos cellules contiennent des gènes qui sont comme des instructions pour fabriquer des protéines (les briques et les machines de notre corps).
  • Pour produire une protéine à partir d'un gène, la cellule doit d'abord copier l'information du gène en ARN messager (ARNm), qui sert de plan.
  • Les micro-ARN viennent interférer dans ce processus : ils peuvent se lier à certains ARNm et empêcher qu'ils soient traduits en protéines. C'est comme si le micro-ARN mettait un "frein" pour éviter qu'une protéine ne soit fabriquée.

Ainsi, les micro-ARN aident à réguler la quantité de protéines produites dans la cellule, jouant un rôle clé dans de nombreux processus biologiques, comme la croissance, le développement et même le développement et la progressions de maladies.

Image : Le flux d'informations génétiques de l'ADN à l'ARNm et aux protéines. L'information génétique identique est stockée dans l'ADN de toutes les cellules de notre corps. Cela nécessite une régulation précise de l'activité des gènes afin que seul le bon ensemble de gènes soit actif dans chaque type de cellule spécifique. Copyright : Comité Nobel de physiologie ou de médecine. Illustration. Mattias Karlén

« Le prix Nobel est à mon sens amplement mérité car la découverte des micro-ARN a induit l’ouverture d’un champ de recherche et d’application très large ; actuellement, des milliers d’équipes de recherche dans le monde travaillent dessus d’arrache-pied pour essayer de comprendre comment ces petites molécules sont impliquées dans différentes maladies, telles que les maladies dégénératives (Parkinson, Alzheimer) ou les maladies cardiovasculaires.

Le domaine est particulièrement prometteur car on peut utiliser les micro-ARN pour diagnostiquer et traiter ces maladies, notamment en les modulant avec des outils synthétiques. En effet, il est possible d’administrer chez l’homme des petits ARN synthétiques qui augmentent ou diminuent l’expression des micro-ARN humains impliqués dans la maladie.

Au fait, c'est la troisième fois en 5 ans qu'un prix Nobel est décerné au sujet des ARN : après la découverte des modifications des ARNs qui ont permis le développement des vaccins à ARNm en 2023 (Profs Katalin Karikó et Drew Weissman) et celle de l'édition de l’ARN en 2020 (Profs Jennifer Doudna and Emmanuelle Charpentier). Ceci montre l'importance de ces molécules en biologie et en médecine ».

Avez-vous des exemples concrets d’application des micro-ARN dans le domaine de la santé ?

Yvan Devaux : « Quelques petits ARN interférant sont actuellement approuvés par les institutions de santé, comme pour le traitement de l’hypercholestérolémie par exemple, qui est un problème de santé publique majeur. De nombreuses études sont en cours pour l’utilisation des micro-ARN pour le traitement de pathologies diverses.

Un autre pan de recherche est l’insuffisance cardiaque, également un enjeu de santé majeur : une molécule a été identifiée par une équipe Allemande qui permettrait de réduire les problèmes liés à l’insuffisance cardiaque, et qui montre des résultats très prometteurs. »

Pouvez-vous nous décrire l’impact de ce nouveau champ de recherche dans votre carrière ?

Yvan Devaux : « Avant que je ne devienne directeur du laboratoire de recherche cardiovasculaire au LIH, c’était Dr Daniel Wagner, cardiologue au CHL, qui l’a créé. Je me souviens être parti avec lui en 2008 à Maastricht, en voiture, pour voir un collaborateur scientifique : il faisait nuit et nous roulions sur la neige dans les Ardennes belges. Nous étions sur le point de publier l’une des toutes premières études sur les micro-ARN, qui fut finalement publiée en 2010 et portait sur les patients ayant fait un infarctus du myocarde au CHL. C’est actuellement l’une des études les plus citées dans le domaine ; nous étions donc parmi les pionniers de cette recherche.

Daniel Wagner est malheureusement mort de façon prématurée, une fondation en son honneur fut donc créée : la fondation Cœur - Daniel Wagner, qui finance une bonne partie de nos recherches. Le travail de cette fondation est essentiel. »

Photo: Une partie de l’équipe du laboratoire de recherche cardiovasculaire du LIH (à droite sur la photo : Yvan Devaux) lors de la Journée Mondiale du Cœur, qui a eu lieu samedi 28 septembre dernier Place d’Armes à Luxembourg. Cette journée (World Heart Day) a pour but de sensibiliser le public aux risques cardiovasculaires et à la recherche qui est faite au Luxembourg dans ce domaine.

Photo: Une partie de l’équipe du laboratoire de recherche cardiovasculaire du LIH (à droite sur la photo : Yvan Devaux) lors de la Journée Mondiale du Cœur, qui a eu lieu samedi 28 septembre dernier Place d’Armes à Luxembourg. Cette journée (World Heart Day) a pour but de sensibiliser le public aux risques cardiovasculaires et à la recherche qui est faite au Luxembourg dans ce domaine. Crédit: www.photobooth.lu; Ministère de la Santé.

En quoi votre recherche participe-t-elle à ce domaine précis des micro-ARN ?

Yvan Devaux : « Le LIH s’intéresse de très près à la recherche sur les maladies inflammatoires et neurodégénératives comme la maladie de Parkinson. Le but est d’identifier les micro-ARN impliqués. Je suis justement en pleine préparation d’une présentation sur un micro-ARN bien particulier, appelé microARN-124, qui permettrait d’améliorer le pronostic post arrêt cardiaque. En collaboration avec l’unité de soins intensifs du CHL, nous avons trouvé que ce micro-ARN 124 est relâché en grandes quantités par le cerveau en cas d’atteinte cérébrale à la suite d’un arrêt cardiaque ; sa présence est mesurable à l’aide d’une simple prise de sang. Savoir ceci permet d’améliorer le traitement des patients en identifiant précocement ce facteur de mauvais pronostic, et en mettant en place des mesures neuroprotectrices immédiates.

La présentation aura lieu pendant la journée de la recherche sur la médecine translationnelle, qui aura lieu le 16 octobre au CHL. »

Pour plus d’infos sur le prix Nobel, suivez ce lien vers le communiqué de presse officiel (en anglais).

Auteur : Diane Bertel
Editrice : Michele Weber

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