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Le cancer se caractérise par un dérèglement de nos cellules à cause de modifications dans notre matériel génétique. L’image montre une cellule et une molécule d’ADN.

Au Luxembourg, quelque 1 100 personnes meurent chaque année des suites d'un cancer. Le cancer est la première cause de décès chez les hommes, tandis qu’il arrive en seconde position chez les femmes. Le cancer compte ainsi parmi les grands enjeux de santé publique. La lutte contre le cancer est une priorité de la politique de santé (voir encadré) et un domaine de recherche majeur à l’échelle nationale.

En matière de recherche sur le cancer, le Luxembourg investit de manière ciblée dans des instituts de recherche, soutient les coopérations internationales et mise sur des approches innovantes. Citons notamment la médecine personnalisée, qui adapte les traitements aux caractéristiques génétiques et aux autres particularités des patients, et le diagnostic moléculaire, qui est axé sur l’analyse de traits spécifiques de cellules tumorales. Avec sa population restreinte, le Luxembourg sert de laboratoire de test idéal dans de nombreux domaines de recherche.

Quels sont les avantages de la recherche sur le cancer au Luxembourg ?

« Il est absolument essentiel que des recherches sur le cancer soient menées au Luxembourg », souligne le Dr Guy Berchem, oncologue et président de l’Institut national du Cancer (INC). « Premièrement, une recherche fondamentale doit être menée dans un maximum de centres de recherche pour que nous puissions progresser et comprendre les mécanismes du cancer. Deuxièmement, nous devons mener des recherches cliniques, c'est-à-dire des recherches appliquées aux patients qui les impliquent dans des essais thérapeutiques portant sur de nouveaux médicaments ou de nouvelles techniques chirurgicales ou radiothérapeutiques. Il a été clairement démontré que les patients qui participent à des essais cliniques bénéficient d'une meilleure prise en charge et d’un meilleur traitement, et qu’ils ont une meilleure espérance de vie que les patients non inclus. » D’après le Dr Berchem, un exemple concret est l’attention particulière que le Luxembourg a accordée ces 20 dernières années à l’immunothérapie dans le traitement du cancer. « Grâce à ces recherches, nous pouvons aujourd'hui traiter beaucoup de patients, non pas par chimiothérapie, mais en stimulant leur système immunitaire, que ce soit directement avec des anticorps monoclonaux ou indirectement avec des cellules transformées en destructeurs de tumeurs », explique le Dr Berchem.

 

« La recherche est le garant d'une médecine de haute qualité », souligne également la directrice de la Fondation Cancer, Margot Heirendt. Selon elle, le lien étroit avec la recherche médicale constitue aussi un atout majeur pour attirer des oncologues, d’autres médecins de haut niveau, ainsi que des Luxembourgeois qui ont étudié la médecine à l’étranger. Par ailleurs, la recherche contribue au développement de l’université et rend les études plus attractives.

Quels sont les acteurs de la recherche sur le cancer au Luxembourg ?

Dans notre pays, les principaux acteurs de la recherche sur le cancer sont le Luxembourg Institute of Health (LIH) et l’Université du Luxembourg. Tous deux mènent des recherches fondamentales, appliquées et translationnelles en laboratoire. La recherche translationnelle vise à transformer les découvertes en des applications cliniques. La recherche clinique proprement dite se fait dans les centres d’oncologie des hôpitaux du pays. Dans le cadre de nombreux projets, le LIH et l’Université du Luxembourg travaillent en partenariat avec les hôpitaux. Cette collaboration étroite entre les cliniques et la recherche apporte à son tour des bénéfices concrets aux patients du pays. Le Laboratoire National de Santé (LNS) apporte également son soutien à la recherche sur le cancer. L’Institut National du Cancer, qui coordonne la stratégie de lutte contre le cancer au Luxembourg, favorise les échanges entre les médecins cliniciens et les scientifiques.

Beaucoup de projets de recherche sur le cancer au Luxembourg s’appuient sur des données de santé, des données de patients ainsi que des échantillons. Parmi les bases de données utilisées dans le pays figurent, par exemple, la cohorte de patients atteints de cancer colorectal de l’Université du Luxembourg ou la Biobanque intégrée du Luxembourg (IBBL) installée au LIH. S’y ajoute le Registre National du Cancer (RNC), également géré par le LIH et créé en 2013, qui collecte des informations sur tous les nouveaux cas de cancer diagnostiqués au Luxembourg et les met à disposition principalement pour la recherche clinique et épidémiologique. « L’accès à des données de qualité, fiables et homogènes est une condition indispensable pour la numérisation de la médecine, les dossiers électroniques des patients et la recherche », explique Fabrice Mouche, coordinateur du « Plan National Cancer 2020-2026 » au ministère de la Santé. « Disposer de bonnes bases de données nationales nous permet en outre d’exploiter des données européennes et internationales. »

Les projets scientifiques sont financés par le Luxembourg National Research Fund (FNR), par des subventions européennes, avec le soutien de fondations comme la Fondation Cancer et de l’événement de solidarité « Relais pour la Vie » qu’elle organise tous les ans, ainsi que par des collectes de dons, comme le « Télévie ». À ce jour, la Fondation Cancer a investi à elle seule quelque 22 millions d’euros dans des projets de recherche sur le cancer. L’Université du Luxembourg a récemment créé son propre fonds pour la recherche sur le cancer destiné à recevoir des dons pour des projets prometteurs.

Quels types de cancers font l’objet de recherches ?

Plus d’une douzaine de groupes de recherche réunissant environ cent chercheurs travaillent au Département de recherche sur le cancer du LIH. La médecine personnalisée et la médecine translationnelle sont au cœur de leurs travaux. L’objectif est d’adapter les traitements non seulement au type de cancer ou à l’organe atteint, mais aussi aux caractéristiques génétiques et moléculaires de la tumeur. Les experts du LIH étudient à ce titre des propriétés biologiques déterminées de tumeurs et explorent des approches de recherche et de traitement spécifiques :

  • immuno-oncologie – lutte contre le cancer en mobilisant le système immunitaire ;
  • neuro-oncologie – cancers affectant le système nerveux, par exemple les tumeurs cérébrales ou de la colonne vertébrale ;
  • microenvironnement tumoral – vaisseaux sanguins, cellules immunitaires, tissus conjonctifs et molécules qui entourent et influencent la tumeur ;
  • métabolisme tumoral –  métabolisme altéré des cellules cancéreuses ;
  • génétique tumorale – analyse des mutations génétiques à l’origine du cancer.

D’après ses propres informations, le LIH possède une expertise spécifique dans certains types de cancers, tels que :

  • les tumeurs cérébrales et
  • les maladies malignes du sang (leucémies), en particulier la leucémie lymphoïde chronique, la forme de leucémie la plus fréquente chez l’adulte.

Vous trouverez plus d’informations sur la recherche sur le cancer menée au LIH sur le site Internet de l’institut

Le Department of Life Sciences and Medicine (DLSM) de l’Université du Luxembourg compte quatre équipes qui mènent des recherches sur le cancer. Les quelque 50 collaborateurs sont spécialisés dans les domaines suivants :

  • biologie tumorale – étude des mécanismes biologiques du cancer, par exemple, le comportement des cellules ou les mutations génétiques ;
  • criblage de médicaments – recherche systématique de substances actives contre les cellules cancéreuses à l’aide de nouveaux biomarqueurs ;
  • biologie assistée par ordinateur – utilisation de la bioinformatique, l’intelligence artificielle et  l’analyse de données pour mieux comprendre les données biologiques.

Les chercheurs utilisent également des modèles in vitro où des cellules cancéreuses humaines ou animales sont cultivées et analysées dans des tubes à essai ou des boîtes de Petri. Le département se concentre sur plusieurs types de cancers :

  • le cancer colorectal, l’un des cancers les plus fréquemment diagnostiqués dans le monde ;
  • le mélanome (forme maligne du cancer de la peau) ;
  • le cancer du foie ;
  • le cancer du sein.

Vous trouverez des informations supplémentaires sur le site Internet de l’Université du Luxembourg.

L’Université du Luxembourg, elle aussi, déploie des efforts considérables pour faire progresser les thérapies personnalisées contre le cancer. Par ailleurs, avec l’aide des hôpitaux, du LIH, du LNS et de la Biobanque, elle travaille à la constitution d’une cohorte nationale de patients atteints de cancer colorectal et a déjà recueilli près de 4 000 échantillons de tissus. Ils peuvent être utilisés par des chercheurs au Luxembourg ou à l’étranger pour des études sur le cancer colorectal. Grâce à ces échantillons, des « mini-tumeurs » peuvent être fabriquées en laboratoire qui reproduisent fidèlement la tumeur d’origine et permettent d’obtenir des données importantes et personnalisées.

Le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) de l’Université mène aussi divers projets de recherche sur le cancer, notamment sur le cancer colorectal, de la vessie, du poumon et du foie. Une équipe de chercheurs participe ainsi au projet ReDiRECt, qui est cofinancé par l’UE et qui vise à utiliser contre le cancer de la vessie des médicaments déjà approuvés pour d’autres maladies . D’autres projets analysent les liens entre le microbiome intestinal – c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes présents dans l’intestin – et les maladies intestinales et les cancers colorectaux, ou encore le microbiome buccal chez les patients atteints de cancers des voies aérodigestives supérieures.

Quels sont des exemples de découvertes majeures ?

Des chercheurs luxembourgeois contribuent à décrypter la manière dont les cellules immunitaires s’orientent dans le corps

Dans une vaste collaboration internationale publiée en avril 2025 dans la revue spécialisée Cell, les scientifiques ont montré comment les cellules interprètent des « signaux de navigation » chimiques complexes pour se déplacer dans le corps – ouvrant la voie à des thérapies intelligentes qui dirigent les cellules immunitaires de façon ciblée vers les tumeurs ou les foyers d’infection. Au centre de cette découverte figuraient les chimiokines – de petites protéines de signalisation – et leurs récepteurs, qui régulent ensemble la façon dont les cellules se déplacent et la direction qu’elles prennent. L’étude a été dirigée par des équipes de recherche du St. Jude Children’s Research Hospital et du Medical College of Wisconsin, avec des contributions importantes du LIH. Vous trouverez des informations supplémentaires ici.

Un type de fibroblaste favorise la croissance du cancer colorectal

Des chercheurs de l’Université du Luxembourg, en collaboration avec des hôpitaux, la Biobanque et le LNS, ont commencé à recueillir de façon continue des échantillons de plus de 200 patients atteints de cancer colorectal. Grâce à ces échantillons, l’équipe a identifié un nouveau type de fibroblastes – des cellules spécifiques du tissu conjonctif – qui favorise la croissance de la tumeur. Si l'on sait quels fibroblastes favorisent la croissance de la tumeur, on peut mettre au point des médicaments spécifiques capables de les bloquer. Les chercheurs ont également mis en lumière le rôle du « dialogue entre le microbiote et l'hôte » – la communication entre les microbes intestinaux et le corps – dans les effets pathogènes du cancer colorectal. L’étude sur les fibroblastes et la progression des tumeurs a été publiée en 2023 dans Nature et celle sur la communication entre les microbes et le cancer en 2022.

Immunothérapie : une nouvelle combinaison de traitements réduit la taille des tumeurs

Les scientifiques du LIH ont mis au point une nouvelle stratégie pour réduire la taille des tumeurs. Leurs travaux, publiés en 2024 dans le Molecular Oncology Journal, présentent une combinaison immunothérapeutique efficace. Cette approche associe une certaine classe de médicaments qui stimulent le système immunitaire à une substance active qui cible l’autophagie, un processus qui joue un rôle clé dans le mécanisme par lequel le cancer échappe aux défenses immunitaires. Les essais précliniques ont montré que cette approche thérapeutique combinée entraînait une réduction nette de la taille de la tumeur et augmentait l’espérance de vie. Vous trouverez des informations supplémentaires ici.

Nouvelles découvertes sur la résistance aux médicaments dans le cancer de la peau

Des chercheurs de l’Université du Luxembourg ont étudié une forme particulièrement agressive de cancer de la peau, à savoir le mélanome présentant une mutation du gène NRAS. L’un des défis avec ce type de cancer est qu’il répond souvent bien au traitement dans un premier temps, mais qu’il développe une résistance par la suite. Les chercheurs ont étudié les processus moléculaires sous-jacents et ont identifié une molécule qui pourrait constituer un signal d’alerte précoce de résistance aux médicaments. Ils recommandent une combinaison thérapeutique spécifique pour prolonger l’efficacité du traitement. Par ailleurs, les chercheurs ont conçu des modèles 3D de cancer de la peau et du foie qui ressemblent à de vraies tumeurs et qui permettent de tester de nouveaux médicaments plus rapidement et de façon plus efficace. En 2023, ces travaux ont été publiés dans les revues spécialisées Cell Reports et STAR Protocols.

Mélanomes : une nouvelle approche thérapeutique prometteuse contre les mélanomes

La lutte contre le cancer passe par une connaissance approfondie des stratégies utilisées par les cellules tumorales pour échapper au système immunitaire. Une équipe internationale de chercheurs, comprenant notamment le Prof. Michel Mittelbronn (qui travaillait au LIH à l'époque), a découvert un mécanisme de défense majeur qui intervient dans certains types de tumeurs. Dans leur étude publiée en 2023 dans la revue spécialisée Nature Communications, les chercheurs ont pu montrer comment les cellules cancéreuses bloquent l’accès à notre système immunitaire. Ces découvertes pourraient permettre d’améliorer les traitements immunothérapeutiques. Des essais cliniques doivent désormais être menés. Vous trouverez des informations supplémentaires ici.

Biomarqueurs pour la détection précoce du cancer colorectal

Des chercheurs de l’Université du Luxembourg ont participé à une étude clinique sur les effets des changements de régime alimentaire chez des patients atteints de cancer colorectal qui suivent une thérapie par inhibiteurs de points de contrôle (médicaments spécifiques dans l’immunothérapie). Ils ont découvert plusieurs biomarqueurs qui permettent une détection précoce du cancer du côlon et ont obtenu un financement du FNR pour tester un biomarqueur en vue de son usage clinique. Ce travail a débouché sur une demande de brevet pour de nouveaux biomarqueurs, qui sont désormais testés sur d’autres cohortes de patients. Voici le lien vers la publication.

Un médicament ralentit la progression de la leucémie

Des chercheurs du LIH ont démontré l’efficacité d’un médicament qui ralentit la progression de la leucémie en bloquant l’activation de gènes à l'origine du cancer. Les résultats, qui ont été publiés en 2023 dans la revue spécialisée Blood, apportent un nouvel espoir aux patients atteints de leucémie lymphoïde chronique et ouvrent la voie à de nouvelles approches thérapeutiques. Vous trouverez des informations supplémentaires ici.

Des médicaments prometteurs contre le cancer colorectal

Des chercheurs de l’Université du Luxembourg ont mis au point une méthode d’analyse spécifique appelée rFASTCORMICS. Elle leur a permis de générer plus de 10 000 modèles détaillés du métabolisme tumoral à partir de données réelles de patients. Avec cette méthode, ils ont identifié trois médicaments déjà autorisés, qui, à l’origine, n'étaient pas destinés au traitement du cancer, mais qui pourraient s’avérer efficaces contre le cancer colorectal. Étant donné qu’ils sont déjà disponibles sur le marché, ils pourraient être adoptés plus rapidement. Les patients pourraient ainsi bénéficier plus facilement de traitements personnalisés. Voici le lien vers la publication.

Plan national de lutte contre le cancer 2020-2026 : une approche centrée sur le patient

Le deuxième Plan National Cancer du Luxembourg met l’accent sur la qualité des données, le développement de réseaux de compétences spécialisés et une prise en charge axée sur le patient. Le registre national du cancer joue un rôle clé dans ce contexte. La promotion de la recherche en oncologie figure parmi les objectifs du plan.

Des projets de recherche comme « Colive Cancer », qui recueille les expériences personnelles de patients atteints de cancer pour évaluer et améliorer la prise en charge à long terme, ont déjà été réalisés. On envisage aussi la création d’un « National Centre of Expertise in Research » (NCER) en oncologie afin de coordonner la collaboration entre les chercheurs sur le cancer au Luxembourg et de soutenir l’accès aux infrastructures et aux financements de projets de recherche.

Un système d’échange d’informations pour les patients atteints de cancer est également en cours de développement afin de permettre au personnel médical d’accéder rapidement aux données essentielles en cas d’urgence. D’autres mesures pratiques visent à améliorer l’accès aux médicaments les plus récents, à intégrer l’intelligence artificielle en radiologie et à lancer une plateforme d’information sur les traitements de soutien, tels que l’alimentation en oncologie. En 2026, un projet pilote élaboré en collaboration avec des patients et des professionnels de santé doit être lancé pour améliorer la communication autour du diagnostic de cancer – un moment traumatisant pour les personnes concernées.

Auteure : Britta Schlüter
Édition : Michèle Weber (FNR)
Traduction : Nadia Taouil (www.t9n.lu)

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