© Uwe Hentschel
Une zone de pluie se déplace sur l’écran depuis la côte atlantique sur la France. Les données qui permettent de visualiser les précipitations sur la carte ne proviennent pas de radars météorologiques, mais d’une multitude d’antennes paraboliques, celles par lesquelles les ménages et les entreprises se connectent à Internet. « Des dizaines de millions de ces paraboles sont utilisées dans le monde » explique Julian Krebs. Ce scientifique des données fait partie de l’équipe de trois personnes de la start-up luxembourgeoise Databourg Systems. Cette société, fondée pour exploiter une technologie développée à l’Université du Luxembourg pour la surveillance de l’environnement via des réseaux de satellites, a mis au point des algorithmes qui permettent de convertir en temps réel les signaux satellites en données sur les précipitations.
Une accélération notable de la transmission des données météorologiques
« Les antennes paraboliques reçoivent des signaux en permanence, et cette transmission est perturbée dès qu’il pleut » explique J. Krebs. « Nous analysons ces perturbations et pouvons ensuite déterminer très précisément le volume de pluie tombé en fonction de leur intensité ». Comparé à un radar météorologique, qui ne fournit des données que toutes les 15 minutes, la résolution temporelle des signaux satellites est de seulement 5 minutes. Pour les entreprises et les institutions dont les activités dépendent des données météorologiques, ce procédé offre donc une nette valeur ajoutée. « Cette technique a également l’avantage de ne pas nécessiter de capteurs supplémentaires » explique J. Krebs. « La seule chose dont nous avons besoin est un contact avec les opérateurs de satellites pour obtenir les données ». L’utilisation de cette technique est surtout intéressante dans des régions comme l’Afrique ou l’Amérique du Sud, ajoute-t-il. « Là-bas, il y a peu de radars météorologiques en raison des coûts, mais un grand nombre de paraboles ».
Databourg Systems est l’une des six spin-offs du SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust) de l’Université du Luxembourg. À ce titre, elle a participé au SnT Partnership Day 2021, un événement au cours duquel l’institut de recherche et ses partenaires ont présentés leurs activités à plus de 400 participants. Depuis sa création il y a 12 ans, 16 groupes de recherche se sont déjà formés au SnT, dont 7 au cours des deux dernières années. Cette institution, qui fait désormais partie des dix premières institutions mondiales de développement logiciel et qui regroupe plus de 440 scientifiques, travaille désormais avec plus de 65 partenaires dans les domaines de la navigation spatiale, de l’industrie, de la finance et du secteur public. Parmi ces partenaires figurent des multinationales telles que Paypal, Huawei et Delphi Technolgies, mais aussi et surtout des entreprises luxembourgeoises comme par exemple Spuerkeess et Foyer.
Une aide numérique dans la lutte contre le blanchiment d’argent et la fraude financière
Spuerkeess et Foyer sont également des partenaires commerciaux de digitalUs, la plus jeune start-up actuelle du SnT. Oxana Turtureanu explique que cette entreprise effectue ce que l’on nomme un background screening, autrement dit une vérification des antécédents des personnes. digitalUs est une sorte de moteur de recherche qui fournit aux entreprises toutes les données dont elles ont besoin conformément aux directives AML et KYC. AML est l’abréviation de Anti-Money Laundering (lutte contre le blanchiment d’argent) et KYC celle de Know Your Customer, à savoir l’identification et la vérification des nouveaux clients et des clients existants sur la base des exigences légales en matière de blanchiment d’argent.
O. Turtureanu ne sait que trop bien à quel point cette vérification est coûteuse en temps et en argent. « J’ai moi-même travaillé dans une banque par le passé, où je passais chaque jour des heures à gérer les processus KYC » explique-t-elle. La start-up SnT remplace cette procédure par une technologie basée sur l’IA qui explore les données publiques, les registres d’entreprises, les réseaux sociaux et d’autres sources en ligne afin de créer une empreinte numérique cohérente de la personne souhaitée en fonction du client.
Un système de récupération des débris spatiaux
En revanche, le projet de recherche SnT HELEN (High-fidELity tEsting enviroNment for Active Space Debris Removal), mené en partenariat avec l’entreprise Spacety Luxembourg, s’occupe d’un tout autre défi : l’élimination des déchets spatiaux. « Nous avons plus de satellites dans l’espace que jamais et nous n’en sommes qu’au début de la deuxième ère spatiale » explique Carol Martinez, du groupe de recherche Space Robotics (SpaceR) du SnT. À cela s’ajoutent les énormes quantités de débris spatiaux qui représentent un danger pour ces satellites, mais aussi pour les futures missions spatiales. Jusqu’à présent, selon C. Martinez, il n’existait pas de systèmes permettant d’éliminer activement les énormes quantités de débris spatiaux. SpaceR et Spacety tentent de remédier à cette situation. Dans le cadre de leur projet de recherche commun, elles étudient la possibilité d’utiliser dans l’espace un petit système de récupération peu coûteux pour l’élimination des débris.
Dans ce contexte, le lancement récent d’un laboratoire commun (Joint Lab) par le SnT et l’opérateur de satellites SES afin d’étudier les systèmes satellitaires de la prochaine génération de réseaux, y compris les communications quantiques et la cybersécurité, constitue une autre étape importante. « Le SnT aborde toujours les problèmes du point de vue de différents acteurs d’horizons divers » résume Stéphane Pallage, directeur de l’Université du Luxembourg. D’après lui, les travaux réalisés par le SnT avec ses partenaires ont des répercussions sur notre vie quotidienne à tous. « Les partenariats sont très forts, ce qui montre à quel point le travail réalisé ici est apprécié ».
Auteur : Uwe Hentschel
Photo : Uwe Hentschel