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Dans les mers, dans les sols, dans l’air, sous forme de fragments ou des microparticules souvent invisibles à l’œil nu: le plastique a colonisé tout notre environnement. Le plastique, très stable, ne va pas disparaître de sitôt, et pourrait avoir des effets néfastes sur l’environnement et notre santé. La politique a commencé à empoigner le problème, notamment dans l’Union européenne, pour freiner cette pollution. Nous résumons les connaissances scientifiques actuelles répondant aux questions:
- Qu’est-ce que le microplastique?
- D’où provient-il?
- Où vont les microplastiques et en quelle quantité?
- Quel est l’impact du microplastique sur l’environnement?
- Quels sont les risques pour les êtres humains?
- Comment réduire la pollution?
Résumé
Les images frappantes d'estomacs d'oiseaux et de poissons remplis de déchets ont fait prendre conscience au grand public de l'étendue de la pollution par le plastique. Mais elles peuvent faire oublier la présence massive dans l'environnement de composés souvent invisibles à l'oeil nu : le microplastique, constitué de particules ou de fibres minuscules provenant pour la plupart des déchets de notre quotidien. Et les recherches montrent que l’on en trouve vraiment partout : dans les mers, dans le sol, dans la neige sur les Alpes, en Antarctique, dans l’air dans nos domiciles, dans des aliments et même dans notre sang.
Les conséquences sur la santé et l’environnement sont cependant encore mal comprises. D’abord, car l’étendue de la pollution reste difficile à estimer. Les cours d’eau ont fait l’objet de nombreuses études, déterminant des concentrations d’environ une microparticule par mètre cube d’eau de mer. La pollution des sols est au contraire moins connue (des études ont suggéré des milliers de particules par kilo de terre), tout comme celle de l’air, qui pourrait mener en intérieur à la déposition de milliers de microfibres plastiques par mètre carré. Ces chiffres varient bien évidemment très fortement suivant les lieux étudiés, mais confirment la présence de microplastique dans tous les environnements et écosystèmes, à des concentrations variées.
Les risques sanitaires et environnementaux ne sont probablement pas répandus, selon le consensus actuel basé sur les recherches disponibles. Ils devraient concerner avant tout des situations particulières telles que le travail dans les industries textiles, dans lesquelles les concentrations élevées de microfibres peuvent créer des problèmes pulmonaires chez le personnel, ou les régions côtières touchées par une présence accrue de plastique.
Les microplastiques peuvent contenir ou absorber des additifs ou substances chimiquement actifs aux effets peu connus. Et les risques posés par les particules encore plus petites d’une taille inférieure au millième de millimètre, les nanoplastiques, sont encore plus mal connus. A l’instar des nanoparticules en général, ils pourraient être en mesure de passer dans le cerveau. Les rapports des scientifiques appellent tous à infléchir rapidement la tendance, car la quantité de plastiques dans la nature ne fait – et ne peut – qu’augmenter.
Le plastique est un matériau très stable et la plupart de ses produits ne disparaissant pas de manière naturelle. La production industrielle double tous les huit ans depuis un demi-siècle, atteignant aujourd’hui annuellement près de 400 millions de tonnes – de quoi remplir un cube de 700 mètres de côté. Et chaque année, 8 millions de tonnes de plastique finissent dans l’environnement.
Vaincre la pollution au plastique exige donc de réduire la production, d’allonger la durée de vie des produits, d’augmenter le recyclage et d’améliorer la collecte et l’incinération. L’Union européenne a pris des mesures, interdisant dès 2021 les plastiques jetés après un usage unique, sans être recyclés, dans la restauration et exigeant des Etats membre d’atteindre des taux élevés de recyclage, par exemple des bouteilles en PET, afin de réduire ce qui aujourd’hui compose près de la moitié des déchets plastiques trouvés sur les plages.
Que dit la science sur le danger de la pollution plastique ?
Il n’est pas possible de décrire l’effet global des microplastiques sur l’environnement et la santé de manière unique. D’une part, à cause de leur grande variété des tailles, formes, et composés qu’ils représentent. De l’autre, à cause des multiples impacts possibles dans des écosystèmes très complexes. Par exemple, qu’un microplastique favorise la croissance de certains microorganismes peut s’avérer bénéfique dans un type de sol ou délétère dans un autre.
Les connaissances scientifiques disponibles sur la pollution aux microplastiques et sur ses impacts représentent ainsi « un mélange de consensus, de connaissances débattues, d’extrapolations éclairées, de spéculation et de nombreuses inconnues » selon un rapport scientifique réalisé pour la Commission européenne en 2019[1]. Une vue claire et quantifiée ne peut se faire que dans des cas très concrets, comme l’effet d’un type de microplastique sur un type d’organismes.
Il est néanmoins clair d’un point de vue scientifique qu’une quantité très importante de microplastiques atteint l’environnement, avec une augmentation inévitable des concentrations, et des risques croissants d’effets négatifs possibles.
Qu'est-ce que le microplastique ?
Les microplastiques sont des petits bouts de plastique d’une taille comprise entre 5 mm et 0,001 mm (1 micromètre), similaire en taille à des grains de sable ou à des sédiments de limon. Les composés encore plus petits (< 1 micromètre) sont appelés nanoplastiques. Le microplastique existe sous forme de fragments, billes ou fibres.
D'où provient-il et en quelle quantité?
On distingue deux classes de microplastiques. Les microplastiques primaires sont a) déjà produits à cette taille (p.ex. les microbilles trouvées dans des produits cosmétiques) ou b) libérés lors de l’utilisation d’un produit (p.ex. les microfibres synthétiques dans les tissus ou les débris de pneus). Les microplastiques secondaires proviennent de la dégradation graduelle de produits plus grands des macroplastiques tels que bouteilles en PET, sacs ou emballages en plastique, etc. – sous l’action notamment du soleil, de la friction ou encore de microorganismes.
Microplastique industriel : textiles, microbilles, granulés, pneus
Une source importante de microplastique primaire sont les microfibres synthétiques tels que le polyester, utilisées dans deux tiers des tissus, tous types confondus. L’industrie en produit annuellement quelque 70 millions de tonnes. Les microplastiques primaires comprennent également les granulés utilisés entre autres pour la fabrication de produits en plastique, les microbilles dans les produits cosmétiques et de nettoyage et les peintures. Finalement, une grande partie (la majorité ?) du microplastique primaire sont les débris de pneus, ainsi que ce qu’on nomme la « poussière urbaine » provenant d’objets de la vie courante (chaussures, revêtements synthétiques, activités ménagères, etc.).
Le plastique normal ou « macroplastique »
En 2019, l’industrie a produit environ 370 millions de tonnes de macroplastique, une quantité qui a doublé environ tous les huit ans depuis son début dans les années 1950 (une croissance exponentielle de 9% par an). Plus de 8 milliards de tonnes ont été produites en tout, ce qui remplirait un cube de deux kilomètres de côté. Moins d’un tiers de ce plastique est encore incorporé dans des produits, environ 6% a été recyclé et 8% incinéré. Le reste, environ 55%, se trouve aujourd’hui dans des décharges ou dans la nature. Sous l’action de rayons UV, de vagues, du vent, de friction ou de microorganismes, il se transforme en des particules de plus en plus petites – et en microplastiques secondaires – qui finissent en partie dans l’environnement.
Fig. 1 (en haut) Production annuelle de plastique au fil du temps (Source: Our World in Data, CC-BY)
Fig. 2 (en bas) Production cumulative de plastique au fil du temps (Source: Our World in Data, CC-BY)
Fig. 3 D'où vient le microplastique?
Fig. 4 Les principales sources de microplastique en Allemagne.
Certaines voix utilisent le terme « plastocène » pour rappeler la présence systématique du plastique dans l’environnement et dans les sédiments qui définissent usuellement les ères géologiques. L’ère du plastique est intimement liée à celle des énergies fossiles : 99,5% du plastique est produit à partir de pétrole ou de gaz naturel. Cette fabrication consomme environ 10% des ressources fossiles extraites, la moitié comme matière première et la moitié pour fournir l’énergie nécessaire à la production.
Les chiffres des rapports diffèrent légèrement mais peignent une image cohérente de la pollution systématique. Une quantité croissante de plastiques échappe à l’incinération et atteint directement ou indirectement l’environnement.
Un rapport de l’UNEP chiffre à 8 millions de tonnes la quantité de plastiques qui atteignent l’environnement chaque année, soit environ 2% de la masse produite. Elle se répartit en cinq millions de tonnes pour les macroplastiques (> 5 mm) et les microplastiques secondaires (< 5mm), et trois pour les microplastiques primaires (< 5mm).
Fig. 5 Ce qui arrive au plastique que nous produisons au fil du temps. Source: Our World in Data (CC-BY)
Où vont les microplastiques et en quelle quantité?
Dans les mers et les océans
On associe souvent pollution par le plastique à la pollution marine. Une partie importante des microplastiques finissent dans les océans, le terminus d’un voyage passant par les eaux usées et les cours d’eau naturels, les fleuves, lacs et mers sans oublier le vent.
Le plastique atteint d’autant plus les océans qu’il est produit près des côtes. Une étude estime qu’un tiers du macroplastique produit dans le monde l’a été à moins de 50 km de la mer, et qu’environ 8 millions de tonnes ont fini dans les mers et les océans en 2010 – sous forme de macro- ou de microplastique secondaire –, de quoi remplir un cube de 200 mètres de côté. Le matériel de pêche abandonné tel que filets et bouées pourrait contribuer jusqu’à 10% de la pollution plastique des mers.
Fig. 6 Comment le plastique arrive dans les mers (Source: Our World in Data, CC-BY)
Il faut encore y ajouter les microplastiques primaires, estimés à 1,5 million de tonnes dans un rapport de l’IUCN. Il s’agit principalement des fibres textiles et de l’abrasion des pneu (pour un tiers chacun) suivi par la poussière urbaine. Cette quantité de microplastique primaire correspond environ à un sac en plastique léger jeté dans les océans par semaine par chaque habitant de la Terre, avec des différences notables : la moyenne en Amérique du Nord est trois fois plus grande, en Afrique de moitié, et en Europe et en l’Asie de l’Est à peu près pareille.
Une étude estime une concentration moyenne de 0,2 à 0,9 particule par mètre cube d’eau de mer, alors que des relevés faits durant une régate autour du monde ont trouvé des valeurs allant de 0 à 300 microparticules par mètre cube.
Une fois dans les mers, les microplastiques sont susceptibles d’entrer dans la chaîne alimentaire en étant ingérés par le plancton, les crustacés et les poissons. Il est néanmoins peu probable que leur concentration augmente plus haut la chaîne alimentaire, les animaux excrétant la plupart des microplastiques plutôt que de les concentrer.
Les grands vortex de détritus présents dans les différents océans sont souvent imaginés comme des îles presque solides et continues de déchets d’une surface aussi grandes que des pays. La réalité est différente: il s’agit de très vastes étendues dans lesquels des déchets, principalement en plastique, sont présents en plus forte concentration qu’ailleurs, mais de manière assez diffuse, souvent invisibles à l’œil nu ou rendant l’eau plus trouble. Des relevés estiment que les vortex contiennent quelques dizaines de microparticules de plastique par mètre carré.
Fig. 7. Concentrations massiques de plastique dans le "Great Pacific garbage patch" en août 2015, telles que prédites par le modèle calibré par les données des auteurs du rapport 2018. Evidence that the Great Pacific Garbage Patch is rapidly accumulating plastic
Dans les sols
Si une moitié des microplastiques atteint les océans, l’autre moitié reste dans le sol, notamment à proximité des routes. La pollution des sols par les microplastiques et ses impacts sont moins bien connus que dans les mers. Une concentration significative de microplastique dans les sols agricoles est attendue au vu de l’usage fréquent d’agroplastique dans des dispositifs tels que des filets de protection, des films de paillage en plastique (pour recouvrir les terres) ou encore l’enrobage de granulés d’engrais. On estime que 6 millions de tonnes de plastique sont utilisées chaque année en agriculture, soit environ 2% de la production annuelle totale. De 75% à 95% de l’agroplastique n’est ni éliminé ni recyclé, se dégrade graduellement en fragments qui peuvent pénétrer dans les sols. Les boues d’épuration contenant des concentrations importantes de microplastiques, leur utilisation comme engrais contribue à la pollution des sols (la pratique a été interdite dans certains pays tels que la Suisse ou l’Autriche, mais pas au Luxembourg, France ou Allemagne).
En Chine, des études ont relevé des concentrations élevées de particules de plastique, entre 7 000 et 40 000 par kilo de terre. Des concentrations similiaires ont été observées dans la neige dans les Alpes. La présence de microplastiques a même été notée en Antarctique.
Une partie des microplastiques est ainsi susceptible de passer dans les cultures agricoles. Une étude sur des salades suggère néanmoins que les particules restent avant tout dans les racines, en n’atteignant que rarement les parties comestibles.
Dans l'air
Les connaissances sur la pollution atmosphérique par les microplastiques sont encore lacunaires. A l’intérieur, l’air contient principalement des microfibres (provenant de tissus). Une étude a observé la déposition de 10 000 microfibres par mètre carré et par jour à l’intérieur, soit cent fois moins qu’à l’extérieur – mais ces chiffres dépendent bien entendu du type de microplastique considéré et des lieux étudiés. L’air extérieur comprend également quantité de fragments de pneu. L’exposition est bien plus importante dans certaines activités professionnelles, comme dans l’industrie textile, avec des concentrations allant jusqu’à un milliard de particules par mètre cube d’air, qui représentent des risques pour la santé.
Dans les aliments
Des microplastiques ont été détectés dans l'eau courante et en bouteille ainsi que dans la bière, le miel, le sel marin et les produits de la mer (poissons, moules, huîtres). Cependant, les concentrations mesurées peuvent énormément varier et les données. Pour les poissons, les microplastiques ont surtout été trouvés dans les intestins, que les humains ne consomment pas. La quantité de microplastiques dans les aliments dus aux emballages est, elle aussi, mal connue.
Dans notre corps
Un modèle global estime à plus de 300 000 le nombre de microparticules de plastique entrant annuellement dans le corps d’un adulte, soit un poids de 0,2 mg (le poids d'un puceron). Cela se passe en grande majorité par inhalation, suivi par l’eau du robinet (environ dix fois moins) et l’eau en bouteille et l’ingestion de mollusques (cent fois moins). Un rapport de l’UNEP indique un chiffre de 170 000 particules, à deux tiers inspirées et un tiers avalées. Une étude a éstimé qu'une personne ingère annuellement entre 10 000 et 70 000 particules retombées dans son assiette, soit cent fois plus que par une consommation hypothétique quotidienne de moules, une autre estime une consommation annuelle comprise entre 39 000 et 52 000 particules.
On pense que es microplastiques ingérés sont pour la plupart excrétés, leur biodisponibilité étant plus faible que celle de produits alimentaires. Dans le cadre d'une petite étude , des microplastiques ont été détectés dans des échantillons de selles de huit personnes - en moyenne, environ 20 microplastiques (d’une taille supérieure à 50 micromètres) par dix grammes de selles.
Mais une certaine proportion pourrait passer dans la circulation sanguine. Une étude récente a révélé la présence de microparticules dans le sang de 17 de 22 participants, avec une concentration moyenne de 1,6 mg/l. Ce qui suggpre que une certaine quantité de microplastique n'est pas excretée mais s'accumule dans le sang.
Quel est l'impacte du microplastique sur l'environnement ?
Les microplastiques font désormais partie de notre environnement, dans les mers, dans l’air, dans les sols et dans la chaîne alimentaire. Les microplastiques ne sont pas forcément inerte chimiquement et peuvent réagier avec d'autres produits. Ils contiennent souvent des composés chimiques additionnels tels des additifs, des catalyseurs ou encore des sous-produits de la production industrielle. Des substance nocives (tels que des métaux lourds) et des microorganismes peuvent également s'attacher à la surface de particules ou de fibres de microplastique. Il est donc attendu qu'ils puissent avoir des effets sur les êtres vivants.
Les expériences réalisées en laboratoire sur des cellules et des animaux avec des concentrations de microplastique élevées relèvent des effets mécaniques, chimiques et biologiques délétères tels que stress, inflammation et aussi au niveau de la croissance, reproduction et survie.
Il est encore difficile d’évaluer la situation dans la nature. Pour l’instant, les concentrations typiques de microplastiques relevées dans l’environnement paraissent bien inférieures aux seuils de toxicité estimés. Par contre, bien que les concentrations soient plus faibles, les expositions pour les êtres vivants sont potentiellement plus longues. Les connaissances sur les impacts des microplastiques sur les sols, les plantes, les animaux et le fonctionnement des écosystèmes restent ainsi encore incomplètes.
Un rapport des académies des sciences européennes concluait en 2019 à partir des connaissances disponibles que les « risques écologiques sont actuellement très rares, mais pourraient exister dans certaines zones des eaux côtières et de sédiments ». Mais l’évolution actuelle, si elle devait se poursuivre ainsi, verrait les seuils de sécurité de concentration atteints créant un risque environnemental généralisé avant la fin du siècle. Tous les rapports appellent ainsi à agir pour réduire la pollution au plastique.
Impact sur la faune marine et aquatique
Les écosystèmes marins sont particulièrement touchés par la pollution au débris de plastique, qui ne peuvent que s’accumuler dans les océans, terminus des cours d’eau. Une proportion croissante des animaux vivant dans la mer ou s’y nourrissant finissent par ingérer du plastique – déjà plus de 40% des espèces d’oiseaux et de mammifères marins. Cette situation préoccupe les scientifiques, les ONG et, plus récemment, la politique.
Des morceaux peuvent blesser directement les organes, créer des inflammations, ou bloquer la respiration ou la digestion. Pour les microplastiques, les scientifiques soupçonnent des effets négatifs à court ou moyen terme: En donnant une fausse impression de satiété, ils pourraient couper la faim et empêcher un apport suffisant d’éléments nutritionnels. Certains additifs chimiques pourraient être toxiques, et notamment perturber le système hormonal. Les nanoparticules, en dessous du millième de millimètre, pourraient entrer dans les cellules ou passer dans le cerveau, avec des effets encore inconnus. Il faut néanmoins souligner que la détection de microplastiques dans un cadavre d’animal ne démontre pas forcément qu’ils ont été la cause du décès. Pour l’instant, il n’existe pas de preuve scientifique directe que l’ingestion de microplastique peut tuer des êtres vivants. Des valeurs de concentrations léthales ne sont pas définis. Et il y a également des animaux qui ne montrent pas de changement dans leur alimentation après ingestion de microplastique.
Des études commencent à démontrer les effets négatifs des microplastiques sur la consommation de nourriture, la croissance, la reproduction et la longévité de certaines espèces une fois certains seuils de concentration dépassés. Mais ces derniers sont souvent bien plus grands que les concentrations typiques de microplastiques dans les mers. Une étude estime que des effets environnementaux délétères ont peu de chance de se produire avec une concentration de particules de plastiques inférieure à 6000 particules par mètre cube d’eau, des milliers de fois plus grande que la concentration moyenne estimée. Mais cela n’exclut pas des problèmes locaux dans des zones plus exposées, notamment près des côtes, ni des risques attendus avec l’augmentation inévitable des concentrations de plastique ces prochaines décennies. À noter que les chiffres restent des estimations grossières, d’autres travaux arrivant à des seuils de risque soit plus faibles, soit plus élevés.
Des scientifiques ont noté que les microplastiques passant par des usines de traitement d'eau pourraient favoriser le développement de bactéries, y compris résistantes aux antibiotiques. Ce n’est qu’un exemple de la multitude des effets possibles.
Impact sur les sols
Après la mer, c’est dans le sol que l’on trouve le plus de microplastiques, notamment à proximité des routes à cause des fragments de pneu et de marquage. Les microplastiques peuvent avoir des effets nombreux et variés sur la composition du sol et sur ses processus biogéochimiques, comme une activité microbienne réduite, une érosion plus importante, ou encore une densité du sol plus faible (ce qui, d’ailleurs, n’est pas forcément délétère). Mais les effets dans les sols sont encore mal connus, notamment à cause de la complexité des interactions dans ces écosystèmes ainsi que les propriétés très différentes des microplastiques – type de plastique, forme, taille, etc.
Une revue systématique indique par exemple que certains plastiques réduisent l’acidité du sol alors que d’autres l’augmentent. Certains peuvent favoriser la création de petits agrégats, d’autres au contraire l’entraver. Le polyester semble réduire la biomasse microbienne, le polyéthylène l’augmenter. Certains composés ont un effet toxique sur les plantes et réduisent leur croissance. De manière paradoxale, les plastiques biodégradables pourraient avoir un effet plus négatif sur la croissance de cultures que des composés à base de pétrole, car la disponibilité de leur carbone favoriserait l’activité microbienne au détriment des plantes.
Quels sont les risques pour les êtres humains ?
Nous inhalons et avalons des microplastiques, c’est certain. Mais on ne sait pas bien en quelle quantité, ni sur ce qui arrive aux particules une fois ingérées, par exemple la durée de leur séjour dans le corps. Les scientifiques pensent que la plupart sont excretées, mais sans savoir en quelle proportion. L'OMS dit dans un rapport de 2019 que l'absorption de microplastiques d'une taille supérieure à 150 micromètres par l'intestin est improbable. Par contre, une étude récente a trouvé des particules de microplastique dans le sang d’humains, ce qui suggère qu’une certaine quantité de microplastique pourrait être absorbé par l’intestin et s’accumuler dans d’autres organes. En effet, la présence de microplastiques a également été démontrée dans les poumons, le foie et la placenta. Les connaissances sur les effets sanitaires du microplastique dans le corps humain sont elles aussi encore très lacunaires, et notamment sur une exposition à faible dose mais à très longue durée. Le rôle de la forme – particule ou fibre –, de la taille, du type de plastique et de la présence d’additif est également très mal connu. Mais surtout les microplastiques d’une taille inférieure à 1 micromètre, c.à.d. les nanoplastiques, pourraient rentrer dans les cellules humaines et même traverser la barrière hémato-encéphalique.
D’une manière générale, les avis indiquent qu’il n’y a pas pour l’instant pas de preuves d’un risque à grande échelle pour la santé humaine. Pour des personnes soumises à des expositions élevées, comme p.ex. dans des usines de textiles, les risques pourraient être plus élevés.
Certaines études ont cependant suggéré que les microplastiques pouvaient être liés à divers problèmes de santé, notamment le cancer, les problèmes du système immunitaire, et les problèmes de reproduction et de développement. Il y a également des études qui montrent des effets négatifs sur les poumons et le système cardiovasculaire.
Comme pour l’impact sur l’environnement, il y a trois effets négatifs potentiels pour les êtres humains: les particules ou fibres elles-mêmes ; la libération de polluants adsorbés sur les microplastiques, et la lixiviation d’additifs.
Effets via ingestion
En 2018, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a procédé à un examen des données scientifiques disponibles sur les microplastiques dans l'eau potable et a constaté que les niveaux de microplastiques détectés dans l'eau potable étaient généralement faibles et ne suscitaient pas d'inquiétude. L'OMS a conclu qu'il n'y avait pas de preuve directe que les niveaux de microplastiques dans l'eau potable présentent un risque pour la santé humaine.
Selon une étude publiée dans la revue Nature en 2018, les microplastiques peuvent provoquer une inflammation et un stress oxydatif dans l'intestin, ce qui pourrait entraîner des problèmes de santé tels que le cancer ou les maladies cardiovasculaires.
Effets via inhalation
Les particules inspirées peuvent se loger dans les poumons et provoquer des inflammations, en particulier chez des gens ayant fumé depuis longtemps. Ce risque est plus marqué pour les microfibres, qui pourraient créer des inflammations chroniques d’une manière rappelant l’amiante. Les personnes travaillant dans l’industrie du nylon ont par exemple des problèmes respiratoires plus fréquents. De plus, des particules ayant été colonisées par des microbes pourraient provoquer des pathologies ou un déséquilibre dans la flore microbienne des poumons
Effets via toxicité chimique
Les plastiques ne sont jamais purs, ils contiennent des concentrations minimes ou plus importantes d’additifs, de catalysateurs ou encore de sous-produits de la production. Des effets délétères sur la santé ont été observés en laboratoire sur des animaux ou des cellules humaines à des concentrations de microplastiques élevées[1], des résultats qu’il est difficile d’extrapoler aux êtres humains dans des situations typiques.
Certains additifs des plastiques – notamment le bisphénol A ou encore les nonylphénols, ou octylphénols – sont des perturbateurs endocriniens: ils peuvent modifier les interactions physiologiques basées sur la transmission d'hormones, dont entre autres la reproduction. Mais le risque qu'ils représentent pour la santé humaine restent difficiles à déterminer, comme le montrent de nombreuses discussions scientifiques et politiques sur le bisphénol A (qui ont notamment mené à son interdiction dans les biberons).
Infobox
Les nourrissons sont exposés en moyenne à 1,6 million de microparticules de plastique par jour pendant les douze premiers mois de leur vie lorsqu'ils sont nourris avec des biberons à base de polypropylène. C'est ce qu'estiment des chercheurs dans une étude publiée dans la revue spécialisée "Nature Foods".
Les chercheurs irlandais se sont penchés sur la question de savoir quelle quantité de microplastiques s'échappe des biberons en polypropylène lorsque les aliments pour bébés sont préparés selon les recommandations de l'OMS. Selon cette recommandation, le biberon est d'abord stérilisé à l'eau bouillante et la nourriture est ensuite préparée avec de l'eau à 70 degrés. Les auteurs ont constaté que la libération de microplastiques variait selon les biberons disponibles dans le commerce, qu'elle se poursuivait pendant de longs jours et qu'elle dépendait de différents facteurs. Ainsi, la stérilisation du biberon à haute température augmentait la quantité de microplastiques libérés. Les auteurs ont ensuite utilisé ces données pour modéliser l'exposition globale potentielle des nourrissons aux microplastiques.
Ils ont constaté que l'exposition variait selon les régions : les nourrissons d'Afrique et d'Asie sont les moins exposés, tandis que ceux d'Océanie, d'Amérique du Nord et d'Europe sont les plus exposés potentiellement. Selon l'étude, les bébés en Allemagne, en Autriche et en Suisse ingèrent probablement environ un à deux millions de particules de microplastiques par jour avec leur alimentation au biberon, contre environ 600 particules par jour pour les adultes.
Les chercheurs soulignent qu'il est désormais urgent d'évaluer si les quantités de microplastiques libérées représentent un danger pour la santé des nourrissons.
Comment réduire la pollution ?
Si le danger immédiat de la pollution au microplastique n’a pas (encore?) été démontré, la situation pourrait rapidement évoluer au vu des quantités toujours croissantes de plastique atteignant l’environnement et de sa très longue persistance. Les rapports scientifiques sont unanimes pour appeler à réduire cette pollution.
Les médias ont largement parlé du problème: grands vortex de détritus dans les océans, notamment Atlantique et Pacifique, estomacs d’oiseaux et de poissons remplis de déchet, détection de microparticules en Antarctique, dans l’eau potablegrand public est largement conscient de la situation, et voit de manière critique le plastique dans l’environnement et dans la nourriture. Un autre point concerne le fait que les coûts réels du recyclage et de la gestion des détritus ne sont pas pris en compte dans les prix de vente et sont donc à charge des autorités et de la société.
Réduire la pollution passe par plusieurs axes:
- remplacer le plastique par d’autres matériaux mieux biodégradables, de manière volontaire ou obligatoire,
- réutiliser les produits en plastique,
- recycler,
- éviter que les plastiques atteignent l’environnement en luttant contre les détritus, en réduisant les décharges ouvertes et en incinérant davantage.
2021: l’EU interdit les plastiques à usage unique
L’Union européenne agit avec une certaine détermination. En juillet 2021 est entrée en force de la directive sur les plastiques à usage unique, qui représentent près de la moitié des déchets en plastique recensés sur les plages. La loi interdit complètement la mise sur le marché d’un grand nombre de produits tels que les pailles ainsi que les couverts et les récipients utilisés pour la vente de boissons et repas prêts à consommer.
L’art du recyclage
La directive européenne exige également des Etats membres une réduction de la consommation d’autres produits. Les bouteilles, notamment en PET, devront ainsi être recyclées à 90% d’ici 2029 (des pays modèles tels que la Suisse ou la Japon dépassent déjà les 80%). Les papiers d’emballages, par exemple de sucreries, ne sont pas interdits: ce sera aux Etats de prendre des mesures pour assurer qu’ils finissent bien dans les ordures.
Augmenter la densité des poubelles et des stations de recyclage permet bien entendu de réduire les détritus et d’améliorer la récupération. Les sacs en plastiques à l’achat ne sont plus gratuits dans de nombreux pays, une mesure qui en réduit l'usage au profit de sacs résistants et réutilisables.
Remplacer les plastiques
Le plus simple serait de remplacer le plastique par d’autres matériaux, notamment pour l’emballage. L’interdiction des pailles en plastique a conduit par exemple à la mise sur le marché d’alternatives en bambou, en papier ou même en pâte comestible. Les emballages en polystyrène dans l’industrie du fast-food ont été largement remplacés par le carton.
Du bioplastique peut être fabriqué à partir de biomasse telles que des huiles végétales et l'amidon ainsi qu'en utilisant des produits d'êtres vivants, notamment des biopolymères (alginate produite par des algues brunes, chitosanes par les crustacés, etc.) ou certaines protéiones (gélatine, gluten, etc.) Des scientifiques travaillent par exemple sur des emballages alimentaires produits à base d'alginate. La production de bioplastique nécessite des cultures à grande échelle ayant un certain impact écologique.
Des produits biodégradables ?
Il faut néanmoins souligner que le bioplastique est uniquement défini par la provenance de la matière première (vivante plutôt que fossile) et ne signifie pas forcément biodégradable. Par exemple, le bio-PET produit à part d’éthanol de canne à sucre n’est pas davantage dégradable que son cousin synthétique, alors que certains plastiques d'origine fossile, tels que le polycaprolactone (PCL) sont biodégradables.
Le plastique a été choisi pour sa stabilité, et il se dégrade par conséquent très lentement, notamment dans l’eau – le PET, par exemple, ne peut être dégradé biologiquement. Certains usages pourraient néanmoins se passer d’une telle longévité, par exemple pour l’emballage ou en agriculture, avec l’avantage de réduire les risques de blessures des animaux par des grands morceaux. Mais des composés se fragmentant plus rapidement sans être biodégradables n’offrent pas de solution, car ils accélèrent la pollution au microplastique secondaire. Les produits oxo-dégradables en sont un exemple et ont été interdits en Europe dès 2021.
Mieux gérer les microplastiques primaires
Différentes initiatives de l’industrie du textile s’engagent à réduire la quantité de microfibres qui finit dans l’environnement, par exemple en favorisant l’utilisation de fibres naturelles telles que le coton ou le lin, en adaptant les processus de production, en prélavant les habits avant leur vente ou encore en développant de nouveaux types de lessives. Il est désormais possible d’acheter un filtre à microfibres pour machine à laver, qui sera obligatoire en France dès 2025. Les usines de traitement de l’eau peuvent être améliorées pour mieux capter les microfibres, et des systèmes de drainage des routes pourraient mieux filtrer les fragments de pneu.
Prendre soins des mers
Des dizaines d’initiatives internationales, régionales et nationales s’engagent à réduire la pollution marine. En 2020, les gouvernements de 14 pays comprenant 40% de toutes les régions côtières du monde se sont par exemple engagés à prendre des mesures pour assurer la durabilité de l’économie marine, y compris la réduction de la pollution, selon The Guardian.
Des projets privés se sont attelé à une tâche titanesque: enlever le plastique des océans, l'équivalent, pour le changement climatique, d'aspirer le CO2 de l'atmosphère. Imaginé en 2013 par un jeune Néerlandais de 18 ans, le projet Ocean Cleanup a récemment annoncé avoir récolté à l’aide de ses barrières flottantes plus de cent tonnes de déchets du grand vortex de déchets du Pacifique en une année, soit le millième de la quantité estimée. Le projet français The Sea Cleaners développe un catamaran censé récupérer des milliers de tonnes par an. D’autres initiatives le font simplement à la main sur les côtes, comme Cleansea en Suède, une petite équipe qui a ramassé 25 tonnes de plastique en quelques années.
Agir en amont est bien entendu plus efficace. The Great Bubble Barrier a développé un dispositif qui crée à l’aide d’un simple tuyau un «mur de bulles» qui guide les détritus en suspension vers une zone de récupération. Il est testé depuis 2019 aux Pays-Bas dans différents canaux.
Auteur: Daniel Saraga (Saraga Communications)
Éditeurs: Michèle Weber, Lucie Zeches (FNR)
Illustrations: Fig. 1, 2, 5, 6: Plastic Pollution - Our World in Data (CC-BY); Fig. 3 et 4: Daniel Saraga (Saraga Communications); Fig. 7: Wikimedia Commons (CC-BY)