L’appauvrissement s’accompagne instantanément d’un mal-être lié à la perte de revenus et de statut social – une sensation qui ne s’améliore pas, même avec le temps. C’est là la principale conclusion du travail de recherche* mené par Conchita D’Ambrosio, professeur d’économie à l’Université du Luxembourg, en collaboration avec d’autres chercheurs en France et en Italie.
« On s’attend, bien sûr, à ce que les personnes touchées par la pauvreté soient moins heureuses que les autres, mais nous voulions savoir si le bien-être pouvait refaire son apparition une fois que l’individu s’est adapté à sa nouvelle situation », a expliqué le professeur D’Ambrosio. Les données et interviews collectées auprès de plus de 45 000 personnes vivant en Allemagne entre 1992 et 2001 n’ont toutefois révélé aucun signe d’une telle adaptation. L’équipe de chercheurs est invariablement parvenue à cette conclusion, même en se basant sur différentes définitions de la pauvreté et en tenant compte de la survenue simultanée d’autres événements, tels que le chômage, le deuil, le handicap ou la retraite. Bien que l’étude repose sur une auto-évaluation de son bien-être par l’individu, il a été prouvé qu’il s’agissait d’un critère relativement fiable dans d’autres travaux de recherche.
Chute importante de revenus et rupture amoureuse: effets négatifs comparables
Ainsi, une chute importante de revenus (jusqu’à la moitié du seuil de pauvreté) influe tout aussi négativement sur le bien-être qu’une rupture amoureuse. Toutefois, le simple fait de tomber juste en dessous du seuil de pauvreté a déjà des effets très négatifs. Dans les deux cas, cette baisse de bien-être perdure tant que les revenus restent faibles.
De nouvelles perspectives sur un sujet brûlant
Cette découverte apporte une précieuse contribution au débat relatif au lien entre l’argent et le bonheur. De nombreuses études ont été consacrées aux conséquences d’une augmentation de revenus. Sans surprise, les personnes plus aisées sont plus satisfaites de leur vie, à la nuance près que lorsqu’un certain niveau de revenus est atteint, le bonheur augmente plus lentement. Cet article est l’un des rares à examiner les effets d’une diminution de revenus. « S’il est sans doute vrai que le fait d’avoir plus d’argent n’a pas d’effet durable sur le bien-être, l’individu n’oublie jamais une chute de revenus qui l’a mené à la pauvreté », a conclu le professeur D’Ambrosio.
Infobox
Conchita D’Ambrosio est professeur d’économie. Elle a rejoint l’Université du Luxembourg en 2013 au sein de la chaire de recherche PEARL sur les inégalités sociales. PEARL (The Programme Excellence Award for Research in Luxembourg) est financé par le “Fonds National de la Recherche Luxembourg” (FNR).
Contact: conchita.dambrosio@uni.lu
Adaptation to Poverty in Long-Run Panel Data, 2013 - Andrew E. Clark, Paris School of Economics; Conchita D’Ambrosio, University of Luxembourg; Simone Ghislandi, Università BocconiLink : http://www.diw.de/sixcms/detail.php?id=diw_01.c.439441.de