Vidéo de l'épisode "Ziel mir keng!"

« Ziel mir keng! » est diffusé le dimanche soir après le « Wëssensmagazin Pisa » sur RTL Tëlee. Vous pouvez aussi visionner les épisodes sur RTL Play ou sur la chaîne YouTube science.lu : https://www.youtube.com/user/scienceluxembourg.

Parfois, on fait défiler pendant des heures son fil d’actualité sur TikTok, Instagram ou d'autres réseaux sociaux et on finit par se demander : est-ce que ça m’a apporté quelque chose ? Ou est-ce que ça a nui à mon intelligence ?

L'expression « brain rot » devient de plus en plus populaire sur les réseaux sociaux et en 2024, Oxford University Press l'a élu mot de l’année.

Le terme « brain rot », littéralement « pourriture du cerveau », désigne ici la dégradation – ou du moins la régression mentale ou intellectuelle – causée par une consommation excessive de contenus en ligne superficiels, sans intérêt et qui ne stimulent pas l’esprit.

Mais qu’en dit la science ? Les réseaux sociaux nuisent-ils véritablement à notre intelligence ? Ou au contraire, nous rendent-ils plus malins ? 

On ne peut pas mesurer directement la stupidité. L’intelligence ou les compétences cognitives comme l’attention, si. Il en va de même pour les modifications dans la structure ou l’activité cérébrale.

Dans cet épisode de « Ziel mir keng! », nous avons examiné :

  • Les effets des réseaux sociaux sur les capacités cognitives que les scientifiques ont déjà pu mesurer.
  • Pourquoi est-il si difficile – surtout pour les adolescents – d'arrêter de swiper, de scroller et de cliquer, même quand nous constatons que ce comportement ne nous fait pas vraiment de bien ?

Nous nous sommes principalement penchés sur des études portant sur les jeunes, parce qu’ils sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux et qu'ils sont plus susceptibles à en faire une utilisation excessive ou problématique. Au Luxembourg, selon l'étude HBSC, ce phénomène touchait 9,1 % des jeunes âgés de 11 à 18 ans en 2022. Quatre ans auparavant, seuls 5,9 % étaient concernés. 

Utilisation des réseaux sociaux par les adolescents

Quand on interroge les parents d’adolescents âgés de 12 à 16 ans au Luxembourg sur le temps que leurs enfants passent quotidiennement sur les réseaux sociaux, un tiers déclare qu’ils les utilisent moins d’une heure, tandis qu’un autre tiers estime qu'ils y consacrent entre une et trois heures. Toujours selon eux, environ 20 % des jeunes ne passent pas de temps sur ces plateformes.

Lorsqu'on interroge directement les jeunes, les chiffres changent : seuls 6 % affirment ne pas utiliser les réseaux sociaux, 35 % y passent entre 1 et 3 heures par jour, et 24 % y consacrent entre 4 et 6  heures par jour. 18 % d’entre eux avouent même passer plus de six heures par jour sur les réseaux sociaux (source : BEE SECURE Radar 2025).

Cet épisode de « Ziel mir keng! » a été réalisé avec l’aide de la Dre Claire van Duin du CePAS, de la Dre Anette Schumacher de l’Université du Luxembourg et du Prof. Helmut Willems de la Junior Uni Daun (qui était auparavant à l’Université du Luxembourg).

Effets négatifs sur les facultés cognitives

Tout d’abord, il faut reconnaître que les conclusions des études sont très disparates.

Les études indiquent toutefois qu’un usage intense ou problématique des réseaux sociaux pourrait avoir des effets négatifs sur les capacités cognitives, donc sur nos compétences mentales.

Qu'entend-on par une utilisation intense ou problématique ?

Les chercheurs proposent des définitions différentes. Une utilisation « intense » consiste, par exemple, à passer beaucoup de temps sur les réseaux sociaux ou à y retourner fréquemment, sans parvenir à en réduire la consommation. Cet usage devient problématique quand ce comportement a un impact négatif sur le quotidien, le bien-être ou la santé mentale.

Qu'est-ce que les scientifiques ont trouvé, concrètement?

  • Sur les scanners cérébraux, les utilisateurs intensifs de réseaux sociaux présentent des altérations au niveau des connexions, notamment dans les zones associées à l’attention et à la concentration (Marciano, Camerini and Morese, 2021 ; Hu et al. 2022a ; Hu et al. 2022b).
  • Une baisse de l’attention est constatée chez les gens qui utilisent les écrans de manière problématique.
  • Chez les adolescents qui utilisent souvent Internet – donc sans se limiter aux réseaux sociaux – les structures cérébrales importantes pour le langage, l’attention et les fonctions exécutives (mémoire de travail, raisonnement, résolution de problèmes, planification etc.) se développent plus lentement. Et leur intelligence verbale, c’est-à-dire leur capacité à comprendre et à utiliser le langage, diminue également. 

Attention : Il s’agit ici uniquement de corrélations entre une utilisation intense ou problématique des réseaux sociaux et des capacités cognitives réduites. Elles ne prouvent toutefois pas de lien de cause à effet : les réseaux sociaux ou le temps d’écran ne sont pas forcément à l’origine de ces problèmes. Il se peut aussi que les problèmes de concentration poussent certaines personnes à devenir de grands utilisateurs de réseaux sociaux. Pour établir une relation de cause à effet, il faut observer de manière répétée les mêmes participants dans des conditions contrôlées sur une période prolongée.

Les chercheurs continuent d'étudier si les réseaux sociaux ont un effet - positif ou négatif- sur l'esprit critique (Cheng et al., 2024; Galindo-Domínguez, Bezanilla & Campo, 2024). Les algorithmes des plateformes sociales sont conçus pour nous proposer principalement des contenus qui nous intéressent. Cela nous enferme dans une bulle de filtres où seuls les contenus allant dans le sens de nos convictions sont visibles. Nous risquons alors de ne plus rien remettre en question. Mais les réseaux sociaux pourraient aussi servir à stimuler l’esprit critique

Effets positifs sur les facultés cognitives

Ce qui nous amène aux bonnes nouvelles ! Les réseaux sociaux peuvent aussi être une source d’apprentissage ou stimuler les facultés cognitives.

Conclusion : À ce jour, les chercheurs ne savent pas encore dire avec certitude si les réseaux sociaux nuisent réellement à notre intelligence. Mais il existe des indices que l’usage intense ou problématique pourrait nuire au cerveau. Cela dit, les réseaux sociaux peuvent aussi avoir des effets positifs.

Cet épisode de « Ziel mir keng! » a été élaboré et présenté par Lucie Zeches (à gauche) et Michèle Weber (à droite). 

Alors pourquoi avons-nous tant de mal à décrocher des réseaux sociaux, même quand nous constatons que ce comportement ne nous fait pas vraiment de bien ?

Pourquoi passons-nous souvent plus de temps sur les réseaux sociaux que prévu ?

La plupart des plateformes utilisent consciemment des stratégies pour maximiser notre temps passé sur les réseaux et nous exposer à plus de publicités afin d’augmenter leurs revenus publicitaires.

  1. Elles offrent un flux infini de contenu : notre cerveau aime les tâches qui se terminent. Mais, comme les réseaux sociaux ne « s’arrêtent » jamais et qu'il y a toujours une nouvelle vidéo ou information à découvrir, on y reste souvent plus longtemps que prévu. En outre, le contenu est extrêmement personnalisé. Ce facteur nous fait rester aussi.
     
  2. Notre système de récompense est activé en permanence. L’utilisation des réseaux sociaux active certaines zones du système de récompense dans notre cerveau (Montag et al. 2019, Montag et al. 2023).

Les chercheurs n’ont pas encore une compréhension claire de ce qui se passe, mais il y a cette hypothèse d’une possible « montée de dopamine », que nous avons déjà expliquée dans notre vidéo sur le temps d'écran des enfants.

Chaque like, chaque nouvelle story ou chaque nouvelle information active notre système de récompense. C’est une sensation agréable, qui nous pousse à continuer. Et sans nous en rendre compte, ça devient une habitude dont il est difficile de se défaire.

3. Or, la récompense n’est pas constante.  Toutes les publications ou vidéos ne sont pas intéressantes. Mais parfois, on tombe sur le mème parfait.

Et c’est précisément pour cette raison que l’on continue – comme avec une machine à sous. .

Les chercheurs savent que le cerveau des adolescents est plus réactif à ces mécanismes de récompense.

Leur cerveau est encore en développement, notamment le cortex préfrontal, qui joue un rôle important dans l’esprit critique et la prise de décision.

S’ajoute aussi la peur de rater quelque chose (Fear of missing out, FOMO), qui nous pousse à rester connectés en permanence. 

Conclusion

Faire des recherches sur ce sujet a été un véritable défi ! La littérature scientifique est très hétérogène, et nombre d’études n’abordent pas exclusivement les réseaux sociaux, mais aussi l’utilisation d’Internet, des médias numériques ou des smartphones. Il existe très peu d’études qui démontrent que les réseaux sociaux sont à eux seuls responsables d’une diminution des capacités cognitives. Et les chercheurs en savent encore relativement peu sur les mécanismes déclenchés dans notre cerveau quand nous utilisons les réseaux sociaux.

Notre conclusion : tout dépend probablement de TA MANIÈRE d’utiliser les réseaux sociaux et de TA PERSONNE !  Les chercheurs étudient actuellement plus en détail pourquoi certains s’en sortent bien avec les réseaux, tandis que d’autres, malgré un usage identique, en subissent des effets négatifs. Ils examinent aussi s’il y a une différence entre une utilisation active – c’est-à-dire quand on publie et commente des contenus – et une utilisation passive où on se contente de scroller.

Des recherches mettent aussi en évidence des liens clairs entre une consommation problématique des réseaux sociaux et des troubles comme la dépression, l’anxiété, l’insomnie ou une faible estime de soi. Il existe donc bien d’autres raisons de surveiller notre usage des réseaux que la simple peur du fameux « brain rot ».

Mais si tu utilises les réseaux sociaux de manière consciente, pour t’informer, te former ou échanger de façon constructive, ils peuvent aussi t’apporter du positif.

Et n’oublie pas : notre système de récompense s’est développé pour récompenser de grands exploits… par exemple, la mise à mort d’un mammouth. Mais aujourd’hui, il s’active quand nous voyons un chat qui porte des lunettes de soleil.

Et ça, l’évolution ne nous y a pas préparés !

Sur ce, fais une petite pause et laisse tout ça infuser tranquillement.

Auteure : Michèle Weber (FNR)
Coauteure : Lucie Zeches (FNR)
Éditeurs : Jean-Paul Bertemes, Linda Wampach, Melanie Reuter (FNR)
Conseils : Claire van Duin (CePAS), Dr Anette Schumacher (Université du Luxembourg), Prof. Helmut Willems (Junior Uni Daun)

Infobox

Sources

https://corp.oup.com/news/brain-rot-named-oxford-word-of-the-year-2024/

Catunda, C., Mendes, F.C., & Lopes Ferreira, J. (2024). Comportements à risque des enfants et adolescents en âge scolaire au Luxembourg – Rapport de l’enquête HBSC 2022 menée au Luxembourg. Esch-sur-Alzette. https://hbsc.uni.lu/

https://www.bee-secure.lu/wp-content/uploads/2025/02/166_bee-secure-radar-2025.pdf

Marciano L, Camerini A-L and Morese R (2021) The Developing Brain in the Digital Era: A Scoping Review of Structural and Functional Correlates of Screen Time in Adolescence. Front. Psychol. 12:671817. doi: 10.3389/fpsyg.2021.671817

Hu, B.; Cui, Y.-L.; Yu, Y.; Li, Y.-T.; Yan, L.-F.; Sun, J.-T.; Sun, Q.; Zhang, J.; Wang, W.; Cui, G.-B. Combining Dynamic Network Analysis and Cerebral Carryover Effect to Evaluate the Impacts of Reading Social Media Posts and Science Fiction in the Natural State on the Human Brain. Front. Neurosci. 2022, 16, 66. https://doi.org/10.3389/fnins.2022.827396

Hu, B.; Yu, Y.; Yan, L.F.; Qi, G.Q.; Wu, D.; Li, Y.T.; Shi, A.P.; Liu, C.X.; Shang, Y.X.; Li, Z.Y. Intersubject correlation analysis reveals the plasticity of cerebral functional connectivity in the long-term use of social media. Hum. Brain Mapp. 2022, 43, 2262–2275. https://doi.org/10.1002/hbm.25786

Takeuchi, H., Taki, Y., Asano, K., Asano, M., Sassa, Y., Yokota, S., et al. (2018). Impact of frequency of internet use on development of brain structures and verbal intelligence: Longitudinal analyses. Hum. Brain Mapp. 39, 4471–4479. https://doi.org/10.1002/hbm.24286

Cheng, L., Fang, G., Zhang, X., Lv, Y. and Liu, L. (2024), "Impact of social media use on critical thinking ability of university students", Library Hi Tech, Vol. 42 No. 2, pp. 642-669. https://doi.org/10.1108/LHT-11-2021-039

Galindo-Domínguez, H., Bezanilla, M.J. & Campo, L. Relationship between social media use and critical thinking in university students. Educ Inf Technol (2024). https://doi.org/10.1007/s10639-024-12953-z

M. Cinelli, G. De Francisci Morales, A. Galeazzi, W. Quattrociocchi, & M. Starnini, The echo chamber effect on social media, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 118 (9) e2023301118, https://doi.org/10.1073/pnas.2023301118 (2021).

Adnan, N. I., Ramli, S., & Ismail, I. N. (2021). Investigating the usefulness of TikTok as an educational tool. International Journal of Practices in Teaching and Learning (IJPTL), 1(2), 1-5. https://ir.uitm.edu.my/id/eprint/52140/1/52140.pdf

West, M., Rice, S., & Vella-Brodrick, D. (2023). Adolescent social media use: cultivating and constraining competence. International Journal of Qualitative Studies on Health and Well-Being, 18(1). https://doi.org/10.1080/17482631.2023.2277623

Montag, C., Lachmann, B., Herrlich, M., & Zweig, K. (2019). Addictive features of social media/messenger platforms and freemium games against the background of psychological and economic theories. International Journal of Environmental Research and Public Health, 16(14), Article 14. https://doi.org/10.3390/ijerph16142612

Christian Montag, Laura Marciano, Peter J. Schulz, Benjamin Becker, Unlocking the brain secrets of social media through neuroscience, Trends in Cognitive Sciences, Volume 27, Issue 12, 2023, Pages 1102-1104, ISSN 1364-6613, https://doi.org/10.1016/j.tics.2023.09.005

Marciano L, Camerini A-L and Morese R (2021) The Developing Brain in the Digital Era: A Scoping Review of Structural and Functional Correlates of Screen Time in Adolescence. Front. Psychol. 12:671817. doi: 10.3389/fpsyg.2021.671817

Blakemore, S.-J., & Choudhury, S. (2006). Development of the adolescent brain: Implications for executive function and social cognition. Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines, 47(3–4), 296–312. https://doi.org/10.1111/j.1469-7610.2006.01611.x

Auswirkungen sozialer Medien auf mentale Gesundheit. Press Briefing Science Media Center  Germany (2023) https://www.sciencemediacenter.de/angebote/23213

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