© Uwe Hentschel
Cela doit chauffer. Chauffer très fort même. Sinon, cela ne peut pas marcher. « La température doit monter à 1 500-1 600 °C, c’est pourquoi nous utilisons en plus un béton spécial de l’industrie qui peut résister à cela », explique Michel Feinen avant de pointer du doigt un bloc de graphite rond. « Au début, nous voulions essayer avec cela, mais nous avons appris depuis que le fer chaud mélangé à l’oxygène soufflé risquait de provoquer une usure du graphite ». Voilà pourquoi ce n’est pas du graphite, mais du béton. Ce projet est avant tout un processus d’apprentissage. Une expérience qui pourrait très bien échouer dès le premier tour. « Le matériau à l’intérieur ne doit pas se solidifier », poursuit Michel Feinen. « Parce que sinon, nous aurions un problème. »
Par « nous », l’artiste désigne une petite équipe composée d’artistes et d’ingénieurs de DKollektiv et de FerroForum, qui a commencé à concevoir et à construire un haut fourneau il y a un peu de plus de deux ans à l’Atelier D, un ancien hangar industriel de Dudelange. « L’expérience partagée d’anciens métallurgistes, d’artistes et d’autres participants avides d’expérimentation sera durablement ancrée dans le projet FerroForum, où le mini-haut fourneau servira régulièrement d’élément central pour des expériences de démonstration », explique-t-il. L’installation, haute de plus de six mètres, est pratiquement terminée et ressemble à un haut fourneau industriel classique à l’échelle réduite. La question qui se pose alors est de savoir s’il fonctionnera aussi de la même manière.
De l’air chaud et le bon mélange
Dans un haut fourneau, la fonte brute est produite à l’aide de la chaleur à partir du minerai de fer, un mélange de composés chimiques de fer et de roches non ferreuses. Le four est rempli en alternance par le haut avec du minerai de fer et du coke, de sorte que des couches de ces deux composants se forment à l’intérieur. Le coke obtenu à partir du charbon sert de combustible. Dans les grands hauts fourneaux, il est ventilé par l’apport d’air chaud à des températures pouvant atteindre 1 300 °C. Avec le gaz réducteur ainsi formé, les minerais de fer sont réduits et fondent sous l’effet des températures élevées. Le fer liquide et les scories s’égouttent dans le creuset, le compartiment situé tout en bas du haut fourneau. Le fer liquide est ensuite évacué puis transformé.
Certains facteurs doivent donc être contrôlés avec précision, comme le mélange avec lequel le fourneau est rempli ou la bonne répartition de l’air chaud. Dans le cas du mini-haut fourneau de DKollektiv et FerroForum, l’air admis sera probablement d’environ 500 °C. Il sera produit à l’aide d’une soufflante et d’un réchauffeur d’air, puis soufflé dans la partie basse du haut fourneau par quatre tuyères. Le haut fourneau lui-même est constitué de plusieurs éléments en acier de forme conique, pourvus à l’intérieur d’une épaisse enveloppe en béton et d’une couche isolante en fibre de céramique. C’est ce qui garantit également la résistance à la chaleur de la coque en acier du haut fourneau.
Les processus critiques sont masqués
Ce qui rend l’essai aussi difficile à prévoir est que les processus se déroulant à l’intérieur du haut fourneau sont en grande partie cachés. Les températures extrêmes qui règnent à l’intérieur doivent être contrôlées, mais il n’est pas aisé de les mesurer. Des capteurs de température sont bien présents au sommet de la cuve, mais ils ne mesurent et ne survivent qu’à des températures de 1 200 °C au maximum. Ces capteurs ne peuvent donc pas être utilisés dans la zone de fusion inférieure. « En bas, nous voulons mesurer la température à l’aide d’un pyromètre », explique l’installateur Patrick Koebeli. La prise de température s’effectue par voie optique à travers les regards des tuyères.
Dans le creuset, le processus de fusion a lieu
Étant donné qu’aucune expérience n’a encore été menée sur des hauts fourneaux de cette taille, les inventeurs ont conçu le haut fourneau pour qu’il puisse être démonté assez facilement. Si la fonte brute en fusion et les scories qui la recouvrent forment un morceau solide et que toute l’opération échoue parce que l’air chaud ne parvient pas partout, il sera possible de tirer simplement le creuset dans lequel se déroule le processus de fusion vers le bas, hors de la cuve, au moyen d’un mécanisme de levage et d’abaissement.
Ouvrir la sortie d’écoulement au bon moment
« C’est comme une recette dont on connaît les ingrédients, mais on ne sait pas exactement comment les mélanger », explique Marc Kühler, qui a travaillé pendant 20 ans comme serrurier-métallier au sein du groupe Arbed. « Nous pensons que nous avons besoin d’une recette légèrement différente de celle d’un grand haut fourneau », ajoute-t-il. Toutefois, il ne sera possible d’en être sûr que lorsque la construction sera terminée et que le premier test aura été effectué. L’équipe estime qu’il faudra une bonne journée rien que pour amener le fourneau à la température requise.
Le but du projet, qui est financé par FerroForum et Dkollektiv et a reçu une subvention du ministère de la culture, est de coordonner les processus dans le haut fourneau de façon à ce que du fer fondu sorte en bas. Pour ce faire, le creuset comporte une petite ouverture ronde de quelques centimètres, qui est simplement fermée par un bouchon en argile. « La grande difficulté », déclare Michel Feinen, « est de ne pas ouvrir la sortie d’écoulement trop tôt ni trop tard ». Le suspens continue.
Auteur : Uwe Hentschel
Photos : Uwe Hentschel
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