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Lors d'une crise d’épilepsie, les cellules nerveuses augmentent soudainement et simultanément leur activité pendant une courte durée.

Au Luxembourg, entre 3600 et 4800 personnes sont atteintes d’une épilepsie. Cette affection chronique du cerveau dispose en effet d’une prévalence mondiale élevée avec 5 à 10 cas pour 1000 personnes. Si elle est l’une des maladies neurologiques les plus anciennement connues avec des mentions datant d’avant J-C, l’épilepsie n’en reste pas moins une maladie complexe. Les avancées scientifiques ont montré qu’il n’existe pas une mais de multiples épilepsies aux causes souvent méconnues. Quelles sont ces formes et comment les traiter ? Pour certaines, la génétique semble jouer un rôle clef. Que nous disent les recherches luxembourgeoises sur ce sujet ?  

La crise d’épilepsie : une excitabilité excessive du cerveau

Les cellules nerveuses (ou neurones) cérébrales échangent sans cesse des informations et convertissent la moindre stimulation en un message électrique nommé influx nerveux. De par cette propriété, elles sont dites excitables. En cas de crise d’épilepsie (CE), ces mêmes cellules augmentent soudainement et simultanément leur activité pendant une courte durée. Cette augmentation de leur excitabilité créée, en quelque sorte, un court-circuit qui peut toucher l’ensemble (crises généralisées) ou une région spécifique du cerveau (crises focales). « Les raisons de cette augmentation ne sont malheureusement pas claires. Beaucoup de mécanismes peuvent rentrer en jeux, comme p.ex. des troubles métaboliques ou ioniques. », précise Dr Stefan Beyenburg, médecin spécialiste en neurologie et médecin chef du département Neurosciences au Centre Hospitalier de Luxembourg

De la crise épileptique à l’épilepsie

Environ 5 à 10% de la population mondiale serait touchée par une CE. Si un cerveau sain est stimulé de façon répétitive par des facteurs externes, tels que la consommation de drogue, l’abus d’alcool ou un manque de sommeil, il peut réagir par une CE. Cependant, le fait d’avoir une crise ne signifie pas que la personne est atteinte d’une épilepsie. « Nous parlons d’épilepsie si un individu a eu 2 crises espacées de plus de 24H et non provoquées par des facteurs externes. », décrit Dr Beyenburg. 

Les manifestations cliniques des épilepsies sont très variables et dépendent de la région du cerveau touchée. Ainsi, certaines personnes n’auront pas de convulsions ou contractions musculaires, mais pourront être désorientées, avoir des absences ou troubles de l’humeur. En cas de CE prolongée - état de mal - ou de crises en série, des séquelles peuvent subsister (p.ex. troubles neuropsychologiques, de la mémoire) chez l’individu. 

Non pas une mais des épilepsies

Une maladie neurologique hétérogène

L’épilepsie est une maladie neurologique très hétérogène pour laquelle de multiples formes ont été mises en évidence. En 2017, la Ligue Internationale contre l’Épilepsie a publié une nouvelle classification à destination de tous. Bien que la diversité des épilepsies soit particulièrement importante, il est possible de les définir en suivant les trois grands groupes de la précédente classification : symptomatique, idiopathique et cryptogénique. Chacun d’entre eux représente environ 1/3 des personnes concernées par une épilepsie. 

« Les épilepsies symptomatiques ont une cause prédéfinie et circonscrite qui est généralement facilement identifiable. », explique Dr Beyenburg. Elles surviennent à la suite de lésions cérébrales. Par exemple, elle peuvent se manifester suite à un infarctus cérébral, une malformation congénitale, une infection ou tout autre maladie touchant le cerveau. Si la cause ne peut être mise en évidence avec les méthodes d’exploration actuelles (p.ex. électroencéphalogramme, IRM), les épilepsies sont dites cryptogéniques. 

Enfin, les personnes ayant une épilepsie idiopathique n’ont pas de lésions mais une probable prédisposition génétique. En d’autres termes, elles seraient nées avec des neurones un peu plus excitables que ceux d’une personne saine. « Leur cerveau est donc plus excitable que la normale et les crises vont très souvent se manifester durant l’enfance ou l’adolescence. », détaille Dr Beyenburg. La prédisposition génétique ne signifie cependant pas qu’il s’agit d’une forme familiale. 

Comprendre le rôle de la génétique dans les formes idiopathiques

« De nos jours, il est possible de séquencer l'ADN des personnes, ce qui signifie que l'on peut voir toutes les mutations et variants génétiques rares ou communs présents chez un individu. Nous pouvons ainsi rechercher les mutations spécifiques les plus répandues dans le cadre de l’épilepsie par rapport aux personnes saines. », explique Dr Patrick May, biologiste computationnel et généticien au Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) de l’Université du Luxembourg. 

Les épilepsies génétiques idiopathiques, plus récemment nommées épilepsies génétiques généralisées, sont souvent des formes sévères. De nombreuses recherches sont faites en vue de comprendre les causes génétiques sous-jacentes, mais peu ont été jusqu’alors fructueuses. Au sein d’une très large collaboration européenne, Dr May et ses partenaires ont pu montrer pour la première fois que certaines mutations constituaient un facteur de risque important dans le cadre de ces épilepsies. « Ces mutations provoquent un changement rare d’acides aminés des gènes qui contrôlent les récepteurs GABAergiques. », détaille Dr May. Ces récepteurs sont précisément impliqués dans la régulation de l’activité des neurones. Dans de prochaines étapes, les scientifiques souhaitent affiner leur recherche pour comprendre le rôle des différents groupes de gènes à risque dans l’architecture complexe de l’épilepsie génétique généralisée et d’autres formes sévères

Les traitements de l’épilepsie : l’apport des recherches en pharmacogénétique

Plus d’une trentaine de médicaments existent pour traiter les épilepsies et environ 2/3 des personnes atteintes sont réceptives aux antiépileptiques. Chacun d’eux peut avoir 5 à 6 mécanismes d’action différents pour lutter contre l’épilepsie. Par exemple, le médicament peut agir à la fois sur les zones de contacts entre les neurones nommées synapses, et les valves responsables de l’excitabilité des cellules nerveuses appelées canaux ioniques. Néanmoins, environ 1/3 des personnes concernées ne répondent pas aux divers traitements. Leur épilepsie est qualifiée de réfractaire. Dans des cas très précis où le profil du patient correspond, une chirurgie pour l’épilepsie peut être pratiquée. Il existe également des techniques de stimulation du cerveau, dont celle du nerf vague. Ce dernier est le plus long nerf crânien et assure un lien entre le cerveau et le reste du corps. 

Au LCSB, des recherches interdisciplinaires alliant bio-informatique, génomique et pharmacogénétique sont conduites dans l’espoir d’identifier et comprendre les causes de ces épilepsies réfractaires, tout comme d’autres questions irrésolues des épilepsies. « Grâce au cadre qu’offrent les collaborations européennes, nous avons pu collecter des données sur plus de 10 000 cas d’épilepsie pour répondre à plusieurs questions comme : quels médicaments sont utilisés dans le cadre d’épilepsies du lobe temporal ? Il s’agit en effet de l’une des épilepsies les plus communes chez l’adolescent et l’adulte. », illustre Dr Roland Krause, chercheur en bio-informatique et génomique au LCSB, et spécialisé dans les épilepsies génétiques. 

De même, les chercheurs s’intéressent à l’identification de mutations communes ou rares sur des gènes qui seraient responsables de réponses allergiques graves (p.ex. Syndrome Stevens Johnson) à certains médicaments.Pour ce faire, les scientifiques procèdent à une large collecte de données provenant du monde entier. Elle peuvent être issues du séquençage de l’ADN de patients ou encore être relatives aux traitements existants sur le marché. « Nous procédons à des tests statistiques qui permettent de comparer, par exemple, la fréquence d’une mutation ou d’un variant particulier d’un gène entre deux groupes. L’idée est vraiment de comparer les ratios et ensuite de transposer ces résultats pour prouver la pertinence des signaux trouvés. », détaille Dr Krause. Ces recherches menées au Luxembourg permettent d’avancer dans la quête à des traitements personnalisés, mais aussi dans la compréhension génétique des épilepsies.

Auteur : Constance Lausecker
Photo : (C) Pixabay

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