(C) Liza Glesener
« Pour moi, il s'agit d'étudier la manière dont notre alimentation influe sur la santé humaine, ainsi que la manière dont les deux interagissent », explique Ines Thiele, bio-informaticienne au Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) et ATTRACT Fellow du Fonds National de la Recherche.
Dans quelle mesure le corps réagit-il différemment lorsqu'on suit un régime purement végétarien ou lorsqu'on mange de la viande, lorsqu'on ne peut pas se passer de fast food ou lorsqu'on consomme des produits frais tous les jours ? Est-ce qu'une personne atteinte d'une maladie en particulier doit adapter son alimentation et si oui, comment et pourquoi ?
Modélisation informatique du métabolisme
Pour répondre un jour à ces questions et à de nombreuses autres sans passer par de longs essais cliniques, le groupe qui entoure Ines Thiele à l'université du Luxembourg travaille à la conception d'un modèle informatique avec lequel elle souhaite reproduire le métabolisme humain, c'est-à-dire l'ensemble des processus chimiques qui se déroulent dans notre corps.
Pour ce faire, il faut non seulement connaître précisément les processus métaboliques, mais aussi le métabolisme de toutes les bactéries qui vivent dans notre estomac ou notre intestin, car ces bactéries sont justement les premières à préparer un grand nombre des nutriments que nous absorbons. Sans bactéries, nous n'absorberions pas les nutriments.
Le modèle final permettra de programmer une erreur et d'effectuer une simulation afin d'étudier la manière dont les différents processus chimiques influent sur notre corps en fonction de notre alimentation. Plus le modèle sera réaliste, plus les réponses seront fiables.
La reconnaissance d'un travail de titan
Dans la pratique, ce groupe n'est cependant pas encore parvenu à ce niveau. La conception du modèle informatique est un travail de titan : un seul modèle microbien, soit une infime partie du modèle informatique complet, peut facilement exiger six mois à un an de travail. Il a fallu six chercheurs et deux années de travail pour réaliser la première version du modèle humain. Ce travail a été publié en 2007 et depuis, le groupe ne cesse de l'améliorer.
La particularité de ce projet réside dans le fait que le modèle final n'aura pas de limites : pratiquement n'importe quelles questions pourront lui être posées. Voilà précisément ce qui le rend également très intéressant pour le travail de nombreux autres chercheurs. Ines Thiele a récemment été honorée du titre d'EMBO Young Investigator pour son travail remarquable.
Quelle est l'importance du titre d'EMBO Young Investigator ?
Parmi les 300 candidats, chaque année, environ 20 obtiennent le « label de qualité » qui prouve que votre travail est reconnu dans le monde entier. Ines Thiele a donc de quoi être fière. Toutefois, elle mise également beaucoup sur le réseau qui s'ouvre à elle grâce au titre qu'elle a reçu.
Le contact avec les autres chercheurs est très important à ses yeux et c'est également un facteur qui lui plaît énormément à l'université du Luxembourg : « C'est super de faire de la recherche ici ! L'environnement scientifique s'y adapte parfaitement. De plus, notre travail et celui d'autres groupes du LCSB et de l'université du Luxembourg se complètent à merveille. Ensemble, nous pouvons tester notre modèle et découvrir s'il est réellement utile. »
Comment Ines Thiele est-elle devenue chercheuse ?
Elle aime poser des questions et elle est curieuse : voilà les traits de caractère qui définissent le mieux les chercheurs. « Mais à vrai dire, j'étais tout simplement au bon endroit au bon moment ; et j'ai travaillé sur le bon sujet », déclare-t-elle. Aujourd'hui, Ines Thiele ne peut plus s'imaginer travailler ailleurs que dans la recherche.
Auteur : Liza Glesener
Crédit photographique : Liza Glesener
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Dans un premier temps, il s'agit de rechercher des informations concrètes sur le métabolisme de l'Homme et sur les bactéries gastriques et intestinales dans la littérature scientifique. Il faut connaître avec précision quelque 9 000 réactions du métabolisme humain à lui seul et les programmer dans le modèle informatisé.
Ce modèle peut actuellement générer une réponse à une question sur le métabolisme en quelques minutes. Le contrôle qui sera ensuite effectué vise à déterminer si le modèle fonctionne et si la bonne réponse a été donnée. Il peut en revanche encore prendre plusieurs mois.