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Comment notre système scolaire fonctionne-t-il ? Prépare-t-il suffisamment pour la vie ? Actuellement, la réponse est négative, des chercheurs de l’Université de Luxembourg ayant pu démontrer que de nombreux enfants ne parviennent pas à atteindre leur véritable potentiel dans le système scolaire actuel.
Ce constat est grave, car si l’on considère d’autres résultats, il s’avère qu‘au Luxembourg, à la différence de nombreux autres pays, le diplôme de fin d’études est déterminant pour la future carrière professionnelle. Et le Luxembourg, qui s’est transformé de nation industrielle en prestataire de services, a justement besoin maintenant de main d’œuvre qualifiée.
Le système scolaire luxembourgeois se trouve devant le grand défi représenté par la société très hétérogène dans laquelle nous vivons. L’inégalité linguistique et sociale en constitue le problème principal et dès lors aussi souvent la principale thématique des études entreprises à l‘Université.
Il faut trouver de nouvelles voies
Selon le Dr Romain Martin, dont l’unité de recherche s’occupe intensivement de cette thématique, il faut trouver de nouvelles voies afin de préparer la jeune génération pour le futur marché de l’emploi.
Pour ce faire, nous ne pouvons pas copier les voisins car les circonstances qui sont les nôtres sont trop spécifiques. Dans quel autre pays enseigne-t-on systématiquement dans plusieurs langues, dont aucune ne correspond parfois à la langue maternelle de l’élève ?
Les problèmes linguistiques peuvent-ils conditionner le fait qu’une personne obtienne de mauvais résultats en mathématiques ? Cela apporte-t-il véritablement quelque chose de faire redoubler un enfant parce qu’il éprouve des difficultés en langue allemande ? Et par ailleurs, existe-t-il dans l’absolu un système qui pourrait être équitable pour chacun ?
Une fois le problème identifié, il est plus aisé de trouver une solution
« Nos études ont mis en évidence des problèmes ; nous devons à présent continuer nos recherches et trouver des pistes de solution innovantes. Avec notre travail, nous avons défini un premier principe fondamental sur lequel nous pouvons maintenant construire. »
L’État luxembourgeois fait appel à l‘expertise des chercheurs : une deuxième unité de recherche basée à l’Université a travaillé à un bilan indépendant de la réforme de l’enseignement fondamental introduite en 2009. Vous trouvez les conclusions des chercheurs dans l'infobox. (Le bilan entier vous trouvez ici)
La recherche ne doit pas critiquer, elle doit bien davantage aider à identifier plus clairement les problèmes et à trouver des solutions de cette manière. L’objectif est la durée à long terme du système socioéconomique ou en d’autres termes une bonne qualité de vie durable au Luxembourg.
Auteur: Liza Glesener
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Infobox
Le rapport d’expertise de l’Université montre que la grande majorité des mesures de réforme sont approuvées dans les grandes lignes, mais pas dans leur intégralité. C’est surtout leur mise en pratique qui pose problème. Selon les auteurs du rapport, il est probable que bon nombre de ces questions se clarifient au fil du temps grâce à l’instauration de nouvelles routines et procédures de travail, ou qu’elles perdent tout au moins de leur acuité.
En se basant sur les données et prises de position recueillies auprès des acteurs scolaires et sur les résultats de la recherche internationale en sciences de l’éducation, l’équipe de chercheurs a formulé plusieurs conclusions et recommandations.
Ainsi, selon les auteurs du rapport, le ministère aurait dû:
- s’assurer un plus large appui du public et d’experts scientifiques dans la préparation et la mise en place de la réforme,
- mieux communiquer et défendre certaines décisions liées à la réforme,
- montrer plus de souplesse dans la mise en oeuvre et les procédures administratives.
Par ailleurs, sachant que le concept de la réforme est approuvé dans les grandes lignes par les acteurs, l’Université aurait souhaité que le travail du ministère soit mieux reconnu.
L’Université précise également que les effets des réformes scolaires de grande ampleur ne sont mesurables qu’au bout de nombreuses années (généralement 10 à 20 ans ou même plus). Il faut obligatoirement tenir compte de ce décalage dans la mesure où le mandat d’un ministre de l'Éducation est généralement plus court.
Le système scolaire n’est pas un système technique composé de vis que l’on tourne ou d’interrupteurs sur lesquels on appuie pour qu’il fonctionne autrement. Le système scolaire est un système culturel, issu de processus socio-historiques complexes. Une réforme de cette envergure exige de tous les acteurs de la patience. Elle est une oeuvre de longue haleine et implique l’adaptation régulière des objectifs et des mesures au vu de l’expérience et des résultats constatés.
Au-delà des difficultés concrètes de mise en pratique qui finiront par se résoudre avec le temps, il subsiste néanmoins, selon l’avis des chercheurs, quelques obstacles structurels qui ne pourront être surmontés que moyennant certaines adaptations.
Dans ce contexte, l’Université formule 3 recommandations :
Analyser l’opportunité de mettre en place des directions professionnelles (directeur d’école) pour faciliter le travail des comités d’école et pour promouvoir l’autonomie scolaire. Les candidats au poste de directeur d’école devraient être détenteurs d’un diplôme d’enseignant et avoir suivi une formation continue en administration scolaire (p.ex. master de l’Université du Luxembourg « Management und Coaching im Bildungs- und Sozialwesen »).
Simplification des procédures et renforcement des responsabilités localesAccorder aux écoles une plus grande autonomie d’organisation et de décision. Un tel renforcement des responsabilités locales engagerait aussi bien le ministère (simplification des procédures administratives et allègement des instruments de contrôle) que les acteurs de l’école (disposition à assumer plus activement leurs responsabilités dans le cadre de leurs domaines de compétence).
Bilans intermédiaires et compétencesRéexaminer les bilans intermédiaires: Sous leur forme actuelle, les bilan intermédiaires posent problème et doivent faire l’objet d’un réexamen approfondi. Comme cette question est étroitement liée à l’approche par compétences, il est recommandé de définir plus clairement le concept des compétences utilisé au Luxembourg. Il doit notamment être souligné que, contrairement au concept de compétence défendu de manière dominante par l’OCDE, le concept au Luxembourg défend l’importance du savoir. En conséquence, il est recommandé de lier l’objectif de l’enseignement et la définition des compétences encore plus concrètement à la pratique scolaire, pour contribuer à l’amélioration de la compréhensibilité des bilans intermédiaires.