(C) Michel Brumat / University of Luxembourg
Des scientifiques de l'Université du Luxembourg ont identifié un gène qui pourrait servir comme nouveau point de départ pour le développement de traitements contre la maladie d'Alzheimer.
La maladie d'Alzheimer se caractérise par la destruction progressive des cellules cérébrales et de leurs liaisons (neurones et synapses). Les cerveaux des patients atteints par la maladie d'Alzheimer présentent des dépôts protéiques connus sous le nom de plaques amyloïdes. Les symptômes de cette maladie sont les suivants : troubles de la mémoire, désorientation, troubles de la parole, altération des facultés de raisonnement et de jugement, et même changements de personnalité. La probabilité de développer la maladie d'Alzheimer augmente significativement avec l'âge. Le nombre de personnes touchées augmente donc en même temps que l'espérance de vie moyenne : on estime que 35 millions de personnes dans le monde sont aujourd'hui atteintes par la maladie d'Alzheimer. Ce chiffre pourrait atteindre 65 millions d'ici 2030 et plus de 100 millions d'ici 2050.
Le développement de la maladie n'est pas encore bien compris. Cependant, il est probable que des malformations moléculaires dans les cellules cérébrales, impliquant – entre autres molécules – les fameuses protéines tau, jouent un rôle crucial. Chez les patients atteints par la maladie d’Alzheimer, les protéines tau s'agrègent sous forme d'enchevêtrements filamenteux, appelés neurofibrilles, qui se déposent entre les cellules cérébrales et perturbent leur fonctionnement.
L’équipe a analysé des échantillons prélevés post-mortem sur les cerveaux de 650 personnes
« Le risque de développer la maladie d'Alzheimer à un âge avancé est bien plus élevé chez les femmes que chez les hommes – y compris lorsqu'on tient compte de l'espérance de vie moyenne plus longue des femmes », déclare le Dr Glaab, directeur du groupe de recherche Biomedical Data Science au sein du du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB). Le Dr Glaab est parti de ce constat pour explorer les différences moléculaires entre les sexes qui pourraient contribuer à ces écarts en termes de fréquence et de caractéristiques de la maladie. Pour ce faire, son équipe et lui ont analysé des milliers de séries de données obtenues à partir d'échantillons prélevés post-mortem sur les cerveaux de 650 personnes des deux sexes, dont certaines avaient contracté la maladie et d'autres non.
Les chercheurs ont découvert un gène qui pourrait avoir une importance déterminante dans les différences constatées entre hommes et femmes au regard de la maladie d'Alzheimer. Ce gène, appelé peptidase 9 spécifique de l'ubiquitine (USP9), influe sur l'expression d'un autre gène qui encode la protéine tau associée aux microtubules (MAPT). Le gène MAPT est lui déjà suspecté de jouer un rôle prépondérant dans le déclenchement de la maladie d'Alzheimer.
Pour étudier l'action de l'USP9, et le lien entre son rôle et celui de la protéine tau dans la maladie d'Alzheimer, Enrico Glaab et des confrères issus d'autres groupes de travail du LCSB ont examiné le gène en culture cellulaire et lors d'expériences sur des poissons-zèbres. Les scientifiques ont bloqué l'expression d'USP9 et ont mesuré les effets de cette régulation sur l'expression du gène MAPT dans les deux modèles.
Il reste encore cependant du chemin à parcourir avant de nouveaux médicaments
« Nous avons pu montrer que l’inactivation du gène USP9 avait significativement réduit l'expression du gène tau dans les deux modèles », explique le Dr Glaab. Par conséquent, le gène USP9 pourrait à terme être une cible de choix pour de petits composés moléculaires visant à réguler la protéine tau. Il reste encore cependant du chemin à parcourir avant que des médicaments contre la maladie d'Alzheimer puissent être développés sur ce principe.
Pour approfondir leur compréhension de la chaîne de signaux moléculaires qui relie USP9 et MAPT, les chercheurs du LCSB ont développé un modèle informatique qui combine les mesures effectuées avec des informations issues de la littérature. Ils ont découvert que des protéines déjà évoquées comme de potentielles cibles médicamenteuses sont également influencées par USP9. Du fait de son action parallèle sur plusieurs régulateurs de la protéine tau, USP9 pourrait donc avoir un plus grand effet en tant que cible des traitements pharmaceutiques que les cibles précédemment proposées.
Le projet de recherche a été financé grâce à un prix remporté par Enrico Glaab en 2013 lors d'un concours international d'extraction de données (data mining) organisé par la fondation américaine Geoffrey Beene, basée à New York. Les scientifiques ont récemment publié leurs résultats dans la revue Molecular Neurobiology.
Auteur: Université du Luxembourg
Photo © Michel Brumat / Université du Luxembourg