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Auteurs : Jean-Paul Bertemes (FNR) ; Kai Dürfeld (Science Relations)
Édition : Michèle Weber, Linda Wampach (FNR)
Traduction : Nadia Taouil (t9n.lu)
Le 28 janvier, deux pétitions sur les thématiques LGBTIQ+ seront débattues au parlement. L’une d’entre elles plaide en faveur de l’exclusion des thématiques LGBTIQ+ de l'enseignement scolaire. L'autre, en revanche, demande que ces thématiques soient abordées à l'école. Les discussions sur ces questions se déroulent souvent dans un climat chargé d’émotions et d’idéologie. Pendant les Jeux olympiques, par exemple, les débats se sont enflammés lorsque la boxeuse intersexe Imane Khelif a battu son adversaire en quelques dizaines de secondes seulement.
Dans cet article, nous vous livrons des informations scientifiques objectives et neutres sur le sujet : que signifie le sigle LGBTQI+ ? Quelle est la différence entre le sexe, l'identité de genre et l'orientation sexuelle ? Combien de personnes sont concernées ? Et combien y a-t-il de sexes ?
Voici les informations essentielles pour les lecteurs pressés :
- Le sigle LGBTIQ+ fait référence à différentes dimensions de genre, comme le sexe biologique, l’identité de genre et l’orientation sexuelle.
- De prime abord, on pourrait penser que le sexe biologique ne prête pas à confusion : un homme, c’est un homme et une femme, c’est une femme. En réalité, il existe des personnes intersexes pour qui l’attribution du sexe n’est pas claire.
- Les personnes intersexes peuvent présenter une diversité de caractéristiques en ce qui concerne les organes génitaux, les hormones ou les chromosomes. Certaines personnes peuvent avoir des chromosomes XY (masculins), mais posséder un vagin (féminin). D’autres peuvent avoir des chromosomes XX (féminins), mais présenter un taux très élevé de testostérone (masculin). Il y a aussi des personnes qui portent des chromosomes XXY ... et bien d'autres scénarios (vous trouverez plus d'informations sur les autres variantes et les explications biologiques plus bas dans l’article).
- Le fait de parler de trois sexes (masculin, féminin, intersexe), d'un spectre ou principalement de deux sexes – tout en admettant qu'il existe des divergences – est en fin de compte une question de définition ou de consensus social.
- Il peut aussi s'agir d'une question de contexte : dans le cadre du sport féminin ou des traitements médicamenteux, les hormones jouent un rôle important. Pour certaines maladies (cancer de l'utérus, cancer des testicules, etc.), une classification basée sur les organes sexuels est judicieuse. Sur le plan de la reproduction, la capacité à produire des spermatozoïdes ou des ovules est pertinente, etc.
- Les personnes intersexes se voient souvent attribuer un sexe à la naissance. Mais celui-ci ne reflète pas forcément ce qu’elles ressentent ou ce qu’elles sont en réalité (à savoir intersexes).
- Même une personne dont le sexe biologique est clairement masculin ou féminin peut s’identifier au sexe opposé (on parle alors d'une personne transsexuelle).
- Sur le plan sexuel aussi, différentes situations peuvent se présenter : certaines personnes sont attirées par le sexe opposé, d'autres sont attirées par le même sexe, d'autres encore par les deux ou par aucun...
- Les dimensions de genre peuvent donc se manifester sous une multitude de formes. Leur fréquence n’est pas facile à évaluer, car le sujet reste tabou et certaines personnes préfèrent ne pas dévoiler ce type d'informations, notamment dans des pays où l’homosexualité est illégale. Dans tous les cas, l’homosexualité est beaucoup plus répandue que l’intersexualité, qui est un phénomène relativement rare.
Dans cet article, nous n'abordons pas la question de savoir si les thématiques LGBTIQ+ doivent être ou non traitées dans l’enseignement. Nous avons abordé cette problématique avec un chercheur dans un autre article.
Les débats idéologiques ou moraux sur la manière dont la société devrait appréhender les thématiques LGBTIQ+ ne sont pas non plus abordés dans cet article. Le présent article se focalise uniquement sur les questions énoncées dans l'introduction et fournit des explications scientifiques. Ce faisant, nous explorons un peu plus en détail les origines biologiques de l'intersexualité.
Ne pas confondre : sexe, identité de genre et orientation sexuelle
Les êtres humains sont complexes. Cela concerne notre corps, notre psychisme et nos sentiments, mais aussi des aspects intimes, tels que le choix du partenaire, les relations sentimentales et les préférences sexuelles, et ne peut pas être réduit à un terme qui désigne un sexe. C’est pourquoi la recherche moderne parle de différentes dimensions de genre, qui sont souvent confondues dans la vie quotidienne. On distingue notamment :
- le sexe biologique, qui correspond aux caractéristiques physiques présentes à la naissance,
- l'identité de genre, qui reflète ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes,
- et l'orientation sexuelle, qui détermine vers qui nous ressentons une attirance sexuelle.
Alors que le sexe biologique relève principalement du domaine de recherche des sciences naturelles, notamment de la biologie et de la médecine, les deux autres dimensions de genre mentionnées ici sont entre autres des objets d'étude de la psychologie, la sociologie et la sexologie.
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On peut encore élargir les dimensions de genre, par exemple au genre social (les attentes et les normes que la société associe aux différents sexes) ou à l'expression de genre (la manière dont on se présente aux autres à travers son comportement, ses vêtements, etc.). Dans cet article, nous nous sommes limités aux dimensions du sexe biologique, de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle.
Que signifient les lettres du sigle LGBTIQ+ ?
Le sigle LGBTIQ+ vient de l'anglais et est utilisé pour désigner les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, intersexes, queer et les autres identités diverses. Elles relèvent de différentes dimensions de genre :
- lesbienne, gay, bisexuel => orientation sexuelle
- trans => identité de genre
- intersexe => sexe biologique
Le terme queer est plus difficile à définir (voir infobox). Le sigle LGBTIQ est complété par un +, qui désigne toutes les personnes qui ne se retrouvent pas dans les autres catégories.
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Les personnes homosexuelles ressentent une attirance physique, romantique et/ou émotionnelle pour des personnes du même sexe, contrairement aux personnes hétérosexuelles, qui sont attirées par le sexe opposé. Les femmes homosexuelles sont aussi appelées lesbiennes, tandis que les hommes homosexuels sont qualifiés de gays.
Les termes « transsexuel » et « transgenre » sont synonymes. Le contraire de transgenre est cisgenre, un terme qui décrit les personnes qui s'identifient au sexe qui leur a été assigné à la naissance.
Dans certains cas, ces caractéristiques sont visibles dès la naissance, dans d’autres, elles se révèlent à la puberté, voire plus tard, et parfois, aucune transformation physique n’est perceptible.
Le terme « queer » est plus difficile à saisir. Il n'existe pas vraiment de définition universelle. Les Nations unies, par exemple, utilisent celle-ci :
« Les femmes qui s’identifient comme queer ont généralement le sentiment de ne pas se conformer aux normes de genre, économiques, sociales, culturelles et politiques d’une société donnée, sur la base de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre et de leur expression de genre. »
(https://www.unfe.org/en/know-the-facts/challenges-solutions/lesbian-gay-bi-trans-intersex-and-queer-lgbtiq-women )
Combien y a-t-il de personnes dans les différentes catégories ?
Il n'est pas facile de répondre à cette question. D’une part, beaucoup de définitions, surtout dans le domaine de l’identité de genre, ne sont pas uniformes. D’autre part, le degré de transparence des personnes concernant cet aspect très intime de leur vie dépend du niveau d’ouverture de la société dans laquelle elles vivent. À titre d’exemple, dans 22 % des pays à travers le monde, les relations sexuelles consentantes entre deux femmes restent interdites.
Statistiques concernant l’orientation sexuelle
Selon la Pride 2021 Global Survey, une enquête mondiale sur l'orientation sexuelle réalisée par l'institut d'études de marché Ipsos :
- 80 % des personnes interrogées s’identifient comme hétérosexuelles
- 3 % comme gays, lesbiennes ou homosexuelles
- 4 % comme bisexuelles
- 1 % comme pansexuelles
- 1 % comme asexuelles
- 1 % comme appartenant à une catégorie non citée précédemment
Les 11 % restants n’ont pas pu ou voulu fournir de réponse.
On observe des différences entre les divers pays. Dans des pays comme la Malaisie, la Turquie ou l’Inde, un pourcentage significatif d’adultes interrogés n’a pas pu ou voulu se prononcer sur leur orientation sexuelle. Des différences sont aussi observées entre les générations. Le nombre de personnes qui s'identifient comme homosexuelles ou bisexuelles est presque deux fois plus élevé chez les générations Y et Z (personnes nées entre 1980 et 2009) que chez la génération X et les baby-boomers (personnes nées entre 1950 et 1979).
Fréquence de l’intersexualité
On dispose de peu de données exactes sur la proportion de personnes intersexes, notamment parce que ce terme couvre une multitude de variations du sexe biologique. Selon les Nations Unies, les experts indiquent une proportion moyenne comprise entre 0,05 et 1,7 % de la population. À titre indicatif, si l'on appliquait ces chiffres à la population luxembourgeoise, on arriverait à environ 330 à 11 400 résidents intersexes (population totale au 1er janvier 2024 : 672 050 habitants). Une réponse à une question parlementaire mentionne que le CHL enregistre en moyenne trois naissances de bébés intersexes par an.
Fréquence de la transsexualité
Là encore, il est difficile d'obtenir des chiffres précis. Aux États-Unis, le Williams Institute a mené des sondages représentatifs à l’échelle nationale en 2011, 2016 et 2021. D’après ces enquêtes, quelque 0,6 % de la population américaine s'identifie en moyenne comme transgenre. L'institut de sondages d'opinion Gallup, également basé aux États-Unis, a révélé que 0,9 % des personnes interrogées en 2023 s’identifiaient comme trans, contre 0,72 % en 2022 et 0,7 % en 2021. L'organisme national de statistique du Canada a rapporté un pourcentage de 0,33 % pour 2021. Nous n'avons pas pu identifier de chiffres fiables pour le Luxembourg.
Sexe biologique et intersexualité : combien y a-t-il de sexes ?
On pourrait penser que le sexe biologique ne prête pas à confusion : un homme, c'est un homme et une femme, c'est une femme. Mais est-ce si simple ? Non, la réalité est plus complexe. Le sexe biologique peut être défini à différents niveaux. Et, dans la grande majorité des cas, les choses se présentent ainsi :
- Au niveau de la reproduction ou des cellules reproductrices : les hommes produisent des spermatozoïdes, les femmes des ovules.
- Au niveau des organes sexuels internes et externes ainsi que d'autres caractéristiques physiques : les hommes ont un pénis, des testicules et un scrotum et les femmes ont une vulve, un vagin, un utérus et des ovaires. À la puberté, les femmes développent des seins et les hommes une barbe.
- Au niveau chromosomique : les hommes ont généralement des chromosomes XY et les femmes des chromosomes XX.
- Au niveau hormonal : les hommes produisent plus de testostérone, les femmes plus d'œstrogènes.
Sur le plan de la reproduction humaine, les rôles sont clairement répartis : il n’existe que deux types de gamètes : les spermatozoïdes et les ovules. Mais refuserions-nous vraiment à un homme qui ne produit pas de spermatozoïdes ou à une femme dépourvue d’ovaires le statut d’homme ou de femme ?
Le sexe biologique n’est clair que si toutes les caractéristiques vont dans le même sens. En d’autres termes, si une personne qui produit des spermatozoïdes présente aussi un pénis et des testicules, un taux de testostérone élevé et des chromosomes XY. Ou inversement, si une personne avec des chromosomes XX présente aussi une vulve, un utérus, des seins, un faible taux de testostérone et des ovules. C’est le cas d’une grande majorité de personnes, qui appartiennent soit à l’une, soit à l’autre catégorie. Mais ce n'est pas le cas des personnes intersexes. Chez ces personnes, certains aspects biologiques peuvent suggérer un sexe masculin, tandis que d’autres renvoient à un sexe féminin. De quel sexe parle-t-on dans ce cas ?
Examinons comment le sexe se forme chez l’être humain.
Mise en place de l’appareil génital chez l'être humain
Jusqu'à la sixième semaine de développement, un embryon humain n'est ni masculin ni féminin pour ce qui est des caractéristiques sexuelles. Les glandes sexuelles internes (gonades) et les organes externes se trouvent dans un stade indifférencié. La différenciation sexuelle se fait grâce à un gène spécifique nommé SRY. Ce gène se situe généralement sur le chromosome Y (pour rappel : XX = femme ; XY = homme). En d’autres termes, ce gène n’est généralement présent que chez l'homme.
La présence du gène SRY déclenche le développement des glandes sexuelles en testicules. En l’absence du gène SRY, les glandes sexuelles de l’embryon se transforment en ovaires.
Si des testicules se forment, le tissu testiculaire commence à produire de la testostérone. Cette hormone entraîne la formation du scrotum et du pénis. En l’absence de testostérone, une vulve avec des lèvres et un clitoris se développe.
Pour résumer :
Gène SRY : oui => tissu testiculaire => testostérone => scrotum et pénis => masculin
Gène SRY : non => absence de tissu testiculaire => absence de testostérone => vulve avec lèvres et clitoris => féminin
Voilà les deux processus standard. Mais des divergences peuvent se produire. Le gène SRY peut, par exemple, être présent sur un chromosome X. Dans ce cas, une personne avec des chromosomes féminins peut, par exemple, développer du tissu testiculaire et présenter une production accrue de testostérone, ce qui conduit à la formation d’organes génitaux masculins. Inversement, les hommes avec des chromosomes masculins peuvent développer des organes sexuels féminins, par exemple si le gène SRY est absent sur le chromosome Y. Il se peut aussi que des organes génitaux externes ou internes se développent de manière non clairement définie ou que des caractéristiques à la fois masculines et féminines apparaissent (par exemple, un testicule d’un côté et un ovaire de l’autre).
Variations des taux hormonaux
Les hormones sont des messagers chimiques qui régulent certains processus dans le corps, tels que la libido, la croissance des os, des muscles ou des poils faciaux, ou encore le cycle menstruel. Les œstrogènes et la testostérone sont des hormones sexuelles importantes, qui entraînent la formation des testicules, des seins et de la barbe.
Même si les œstrogènes sont considérés comme des hormones féminines et la testostérone comme une hormone masculine, les deux sont aussi produites en faibles quantités par l'autre sexe. Les œstrogènes sont, entre autres, responsables du développement des seins chez les femmes. Chez les personnes identifiées comme masculines, une anomalie des taux hormonaux peut provoquer une augmentation de la poitrine. Chez les personnes identifiées comme féminines, une production accrue de testostérone peut entraîner une croissance de poils qu'on associe généralement aux hommes.
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Lors des Jeux olympiques de 2024, le cas de la boxeuse Imane Khelif a suscité de vives réactions. Que s'est-il passé ?
Lors d’un combat qui a opposé Imane Khelif à une boxeuse italienne, cette dernière a jeté l’éponge après quelques secondes, affirmant qu’elle n’avait jamais reçu de coups aussi puissants et qu'elle avait eu peur pour sa vie. Elle a qualifié la participation de son adversaire comme injuste.
Des rumeurs ont rapidement circulé, affirmant qu’Imane Khelif était intersexe, qu’elle était trans ou qu’il s'agissait en réalité d'un homme. C'était une affaire complexe, car elle a été largement relayée dans les médias, mais la situation factuelle n’est (toujours) pas claire.
La boxeuse algérienne, qui a été identifiée comme une fille à sa naissance et qui a grandi en tant que telle, est devenue boxeuse professionnelle. Quelques années avant les Jeux olympiques, la fédération de boxe de l'époque l’avait toutefois disqualifiée lors d'un championnat mondial. La raison invoquée était qu’elle n’avait pas réussi un test. On ne sait pas avec certitude s'il s'agissait d'un test hormonal, d'un test chromosomique ou d'un autre type de test. Elle a cependant été admise dans la catégorie féminine lors des Jeux olympiques.
Nous ne souhaitons pas participer à la propagation de rumeurs. Mais ce cas montre, d'une part, à quel point le sujet est émotionnel, et d'autre part, il met aussi en évidence la difficulté de tracer une frontière nette entre les hommes et les femmes dans le sport. Faut-il se baser sur les hormones, sachant que la testostérone a des effets sur la performance ? Faut-il s'appuyer sur les chromosomes ? Ou faut-il tenir compte des caractéristiques sexuelles externes et internes ? Comment gérer les anomalies à ces divers niveaux ? Depuis toujours, des athlètes ont bénéficié d’avantages dus à des anomalies anatomiques particulièrement favorables (grande taille, tendons et muscles particulièrement forts, mains ou pieds anormalement grands, etc.). Jusqu'où peut-on accepter les anomalies aux différents niveaux, notamment dans le domaine du sport féminin ? Qu’est-ce qui est acceptable sur le plan éthique ? Quelle approche est la mieux fondée scientifiquement ? Quelles règles finiront par s’imposer dans le sport, où les approches peuvent changer selon le contexte ?
Variations au niveau des chromosomes
Les chromosomes sont les porteurs de notre patrimoine génétique, c’est-à-dire de nos gènes. En règle générale, chacun d'entre nous possède 23 paires de chromosomes, soit 46 au total, dans le noyau de ses cellules. Ils contiennent l'intégralité de notre code de synthèse. L’une de ces paires de chromosomes (la 23ᵉ paire), est composée des deux chromosomes sexuels X et Y. Si un individu possède deux chromosomes X (XX), son sexe biologique est en général féminin. Si un chromosome X et un chromosome Y (XY) sont présents, le sexe est généralement considéré comme masculin.
Les cellules reproductrices (les ovules et les spermatozoïdes) ne contiennent que 23 chromosomes (on n'y trouve donc pas 23 paires de chromosomes, mais une seule copie de chaque chromosome). L’ovule contient toujours un chromosome X. Chaque spermatozoïde contient soit un chromosome X, soit un chromosome Y. Si un spermatozoïde portant un chromosome X fusionne avec l’ovule, un embryon féminin se forme en règle générale. Si un spermatozoïde portant un chromosome Y fusionne avec l’ovule, un embryon masculin se forme en général.
Diversité des variations chromosomiques liées au sexe
Au-delà des combinaisons XX et XY, certaines personnes ne possèdent qu’un chromosome X (45,X) dans leurs gamètes et présentent une apparence féminine. Il y a des personnes avec deux chromosomes X et un chromosome Y (47,XXY), qui présentent des caractéristiques masculines. Il existe des cas de mosaïcisme, où une partie des gamètes comporte un seul chromosome X, et l’autre partie contient soit deux chromosomes X (mos45,X/46,XX), soit un chromosome X et un chromosome Y (mos45,X/46,XY). Et il existe des cas de chimérisme, où les gamètes comportent à la fois deux chromosomes X de même qu'un chromosome YX et un chromosome Y (chi46,XX/46,XY).
Multitude de variations résultant des interactions entre les différents niveaux
Les trois niveaux décrits (organes génitaux, gènes, hormones) ont donc une influence les uns sur les autres : si, par exemple, le plan chromosomique s’écarte du modèle typiquement féminin ou masculin, cela a également un impact sur le développement des glandes sexuelles, c’est-à-dire des testicules et des ovaires. Ils peuvent soit ne pas se développer, soit se développer de façon anormale. Il est aussi possible qu’une même personne développe à la fois du tissu testiculaire et des ovaires.
Approche envers les bébés intersexes
Par le passé, les bébés intersexes se voyaient fréquemment attribuer un sexe à la naissance, ce qui impliquait souvent une intervention chirurgicale. L'idée sous-jacente était qu’il suffisait d’orienter l’éducation d’une personne pour qu’elle s'identifie au sexe en question. Aujourd’hui, on sait que cette méthode est loin d’être efficace et que beaucoup de personnes intersexes se sentent mal dans leur corps et/ou sont marginalisées par la société. Une raison possible est qu’elles s’identifient à un autre sexe que celui que les médecins et/ou leurs parents leur ont attribué. Une autre raison est que durant la puberté, leur apparence se développe clairement dans l’autre direction. Mais il est aussi possible qu’elles se perçoivent véritablement comme étant intersexes, c’est-à-dire qu'elles se sentent ni entièrement hommes ni entièrement femmes.
L’apparence des personnes intersexes peut varier considérablement : elle peut être masculine, féminine ou encore androgyne.
Aujourd'hui, il est généralement admis qu’il vaut mieux éviter les interventions de réassignation sexuelle chez les personnes intersexes à la naissance et attendre. Toutefois, dans la pratique, les manières de procéder semblent varier d’un cas à l’autre.
Quelle est la différence avec la transsexualité ?
Il y a aussi des personnes dont le sexe biologique est évident à la naissance, mais qui, au cours de leur vie, ne s’y identifient pas (ou plus).
L'identité de genre reflète ce que nous ressentons intérieurement. Si notre perception de nous-mêmes correspond au sexe qui nous a été attribué à la naissance, nous sommes cisgenres. Si nous nous identifions au genre opposé, nous sommes trans. Si nous nous identifions aux deux genres ou à un troisième, on parle d’identité non binaire. En revanche, si nous n’appartenons à aucun genre, nous sommes agenres.
Il ne faut pas confondre la transsexualité avec la façon dont nous nous présentons vers l'extérieur. En effet, toutes les personnes qui ne s’identifient pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance ne le montrent pas forcément.
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Le terme « expression de genre » désigne la manière dont nous nous présentons vers l’extérieur. Elle est souvent perçue à travers le prisme des rôles traditionnels de la société dans laquelle nous vivons. En effet, dans chaque culture et à chaque époque, des attentes spécifiques concernant l’apparence, le comportement et le mode de vie ont été – et continuent d’être – imposées aux hommes et aux femmes. Les personnes peuvent ainsi être perçues comme féminines (femmes), masculines (hommes) ou androgynes (mélange des deux).
Comme mentionné précédemment, les chiffres sur la proportion de personnes trans varient. Le degré d’ouverture de ces personnes et de leur entourage influence directement leur disposition à dévoiler ce type d'informations et l’impact sur leur vie quotidienne.
Selon les études, les personnes trans, et en particulier les adolescents, sont exposées à un risque plus élevé de troubles psychiques, comme la dépression, les troubles alimentaires, voire les pensées suicidaires.
(Sources : e. a. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25379511/; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36151828/;https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36151828/; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25577670/)
Les interventions chirurgicales de réassignation sexuelle et les traitements hormonaux sont des sujets extrêmement délicats. Ces procédures posent le « problème de l’irréversibilité ». Tant l’intervention que le passage par la puberté entraînent des conséquences définitives.
Lorsqu’un enfant ou un adolescent exprime le sentiment d’appartenir à un autre sexe, on peut décider d’attendre, en partant de l’hypothèse qu’il pourrait encore changer d’avis. Pendant la puberté, le corps de l’enfant subit d’importantes transformations. Si, après cette période, l’enfant (ou l’adolescent ou le jeune adulte qu’il sera devenu) souhaite toujours procéder à une opération de changement de sexe, beaucoup de transformations corporelles seront déjà définitives (une voix grave ou plus aiguë, des épaules élargies, etc.). La personne risque de souffrir toute sa vie du fait que l’intervention n’ait pas été réalisée.
À l’inverse, si un enfant a le sentiment dès l’enfance d’être dans un corps qui ne lui correspond pas et que son entourage opte pour une opération de changement de sexe, cette décision est également définitive. Si la décision prise est la mauvaise, la personne en souffrira aussi toute sa vie.
Une étude montre que les adultes trans qui souhaitent se soumettre à une opération de réassignation sexuelle, mais qui ne l’ont pas encore subie, présentent davantage de pensées suicidaires et de détresse psychologique que ceux qui se sont soumis à une telle intervention. De même, les adolescents trans ayant suivi un traitement hormonal souffrent moins de dépression et de pensées suicidaires que ceux qui souhaitent en bénéficier, mais qui n’y ont pas accès. Il ne s’agit toutefois que d’une étude, et il est possible que d’autres facteurs entrent en jeu, comme le fait que les adolescents qui ont accès à un traitement hormonal ou à une intervention chirurgicale bénéficient aussi d'un meilleur soutien familial. Les résultats sont donc à prendre avec précaution.
Par ailleurs, même si, selon ces études, les personnes trans vont mieux psychologiquement après une opération de réassignation sexuelle ou un traitement hormonal, elles restent plus sujettes à des symptômes de dépression que la population générale.
Les personnes trans peuvent, entre autres, faire l’objet de discriminations, souffrir d’un manque d’acceptation ou éprouver un sentiment de honte.
Orientation sexuelle
L’orientation sexuelle se développe essentiellement durant la puberté. Elle détermine vers qui nous ressentons une attirance sexuelle. Une personne hétérosexuelle est attirée par le sexe opposé, tandis qu’une personne homosexuelle est attirée par le même sexe. Les femmes homosexuelles sont aussi appelées lesbiennes, tandis que les hommes homosexuels sont qualifiés de gays. Les personnes attirées par les deux sexes sont désignées comme bisexuelles. Les personnes pour qui ni le sexe biologique ni l’identité de genre ne jouent un rôle dans l’attirance sont considérées comme pansexuelles . Concrètement, il s'agit de personnes qui ressentent aussi une attirance pour des personnes trans, non binaires ou intersexes. Les personnes qui n’éprouvent aucune attirance sexuelle envers qui que ce soit sont qualifiées d’asexuelles. Il existe donc aussi des variations à ce niveau.
Conclusion
Cet article a permis de montrer que les thématiques LGBTIQ+ englobent à la fois le sexe biologique, l’identité de genre et l’orientation sexuelle. Il a également souligné la difficulté d’obtenir des chiffres fiables sur la fréquence de ces phénomènes. Et il a montré que le sexe biologique peut se développer de différentes formes, ce qui rend la distinction entre masculin et féminin bien plus complexe qu’il n’y paraît. Nous n’avons pas évoqué ici ce que les personnes concernées ressentent, ni la manière dont la société aborde ou devrait aborder ces thématiques ou ces personnes sur les plans linguistique, administratif, moral, sociétal ou interpersonnel. Il s'agit là de questions sociales, éthiques ou psychologiques. Avec cet article, nous cherchons simplement à apporter des éclairages scientifiques dans un climat de débat souvent tendu.
Évidemment, dans bien des situations quotidiennes, il est commode de se limiter à parler de deux sexes, car cela reflète la situation de la majorité des personnes. Mais cela ne doit pas nous empêcher de reconnaître que la réalité, aussi sur le plan biologique, est plus complexe. Dans certaines situations, il peut être judicieux d’examiner individuellement la situation, même s’ils sont rares. Après tout, pour les personnes concernées, le fait d’être nombreux ou non dans cette situation n’a que peu d’importance. Pour elles, il s’agit d’une réalité. Et, dans un monde idéal, nous devrions tous nous montrer respectueux les uns envers les autres.