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"La protection contre le coronavirus s'améliore à chaque dose de vaccin et dure plus longtemps", explique le professeur Claude Muller, virologue et immunologue au Luxembourg Institute of Health (LIH).

Cet article a été actualisé le 29.11.2021.

Actuellement, les nouvelles infections sont à nouveau en forte hausse au Luxembourg. Nous devons cette situation quasi exclusivement au variant Delta, qui est devenu prédominant depuis juin. A ceci s'ajoute le nouveau variant Omicron, qui inquiète les chercheurs du monde entier. Ne serait-il donc pas judicieux de mettre au point et d’administrer un vaccin spécifique contre le variant Delta, plutôt que de faire un rappel de l’ancien vaccin - ou contre le variant Omicron, s'il s'avère qu'il contourne la protection vaccinale?

Pas d’important échappement immunitaire dans le cas du variant Delta

Claude Muller, virologue et immunologiste au Luxembourg Institute of Health, se veut rassurant quant au variant Delta: « Les vaccins actuellement sur le marché offrent aussi une bonne protection contre le variant Delta. » Le variant Delta présente des modifications qui permettent au virus de mieux se fixer aux récepteurs cellulaires ACE2, ce qui le rend nettement plus contagieux. C’est pourquoi il faut plus d’anticorps ou des anticorps capables de bien se fixer au variant Delta pour neutraliser le virus. Le pouvoir neutralisant de ces anticorps contre le variant Delta est légèrement moins important que pour le virus original, mais il reste élevé, explique Claude Muller. Certes, le variant Delta présente aussi certaines mutations entraînant un échappement immunitaire. Celui-ci est toutefois beaucoup plus faible que ce n’est le cas, par exemple, pour le variant Bêta.

« On ignore donc à quel variant il faudrait adapter les vaccins », affirme Claude Muller – car le variant Bêta échappe mieux à la réponse immunitaire, mais ne circule pas actuellement et que la protection contre le variant Delta est élevée. De plus, il n’existe actuellement aucune donnée laissant entendre qu'une adaptation du vaccin serait bénéfique. Certes, tant Moderna que Pfizer/BioNTech développent des candidats-vaccins contre les variants Bêta et Delta, mais, des résultats ne sont pas encore disponibles.

Et qu'en est-il du variant Omicron ?

Une adaptation s’avère nécessaire lors de l’apparition d’un variant très contagieux qui s’accompagne d’un échappement immunitaire important, c’est-à-dire un variant très préoccupant contre lequel les vaccins actuels n’offrent pas de protection. En principe, une telle mutation – une combinaison en quelque sorte entre le variant Bêta et le variant Delta – pourrait apparaître, estime Claude Muller. Car, plus le virus se multiplie, plus il y a de mutations. L’évolution se fait autrement que pour les virus de la grippe par exemple. En effet, les virus de la grippe procèdent à ce qu’on appelle un réarrangement. C’est un procédé au cours duquel le matériel génétique de différentes lignées virales se combine. De tout nouveaux variants peuvent ainsi voir le jour d'un seul coup. Le SARS-CoV-2 ne procède pas à un réarrangement, mais il peut effectuer des recombinaisons entre le matériel génétique de deux variants différents qui infectent simultanément la même cellule. Mais c'est plutôt rare. C’est pourquoi le SARS-CoV-2 évolue plutôt à petits pas. Et jusqu’à présent, cette évolution allait surtout dans le sens d’une plus grande transmissibilité, qui permettait au virus d’infecter rapidement de nouveaux hôtes.

Claude Muller estime que le virus a atteint son plus haut niveau de transmissibilité avec le variant Delta. « L’accroître encore davantage n’est pas si simple », dit le virologue. Et, en évoluant vers un échappement immunitaire, le virus perdrait probablement son taux de transmissibilité élevé. Dans un tel scénario, le variant peut moins bien s’imposer sur le plan évolutif. « Mais on ne peut pas l’exclure », affirme Claude Muller.

Le professeur Claude P. Muller du Département d’infection et d’immunologie du Luxembourg Institute of Health travaille depuis vingt ans sur la surveillance et l’endiguement des virus en Europe, en Afrique et en Asie.

Et peut-être une telle variante est déjà sur le point de percer ? Le variant omicron inquiète les chercheurs du monde entier, car il présente au total 32 mutations de la protéine Spike, et une douzaine de mutations dans d’autres parties du virus – un nombre de mutations inhabituellement élevé qui fait que ce variant se distingue fortement des variants observés jusqu’à présent. Par conséquent, on craint qu’il soit potentiellement capable d’échapper à la protection immunitaire. Mais on ignore encore à quel point ce variant est dangereux – s’il échappe réellement à la protection immunitaire et s’il s’imposera face au variant Delta. Ce variant doit toutefois être surveillé et a le potentiel de donner une nouvelle tournure à la pandémie. 

Le fabricant de vaccins BioNTech/Pfizer étudie actuellement dans quelle mesure le vaccin est efficace contre ce variant lors de tests en laboratoire. Les résultats sont attendus dans environ deux semaines. Les données issues des tests de laboratoire permettraient de savoir si le vaccin doit éventuellement être adapté dans le cas où le variant se propagerait fortement à l’échelle mondiale. 

Pas d’inconnues concernant le procédé de fabrication: une adaptation à un nouveau variant pourrait être rapide

Le cas échéant, l’adaptation des vaccins à ARNm à un nouveau variant sera rapide. En une à deux semaines, les sociétés pharmaceutiques seraient en mesure de produire un nouveau vaccin, estime l’immunologiste et chercheur spécialisé dans les vaccins Steve Pascolo de l’Hôpital universitaire de Zurich. En effet, le processus de fabrication de l’ARNm ne compte que quatre étapes, qui ne prennent chacune que quelques heures. Et – point crucial - chaque étape se déroule en laboratoire et fonctionne de manière fiable pour tous les gènes imaginables. La deuxième étape du processus, appelée transcription, permet de le mettre en lumière. Ici, de très nombreuses copies de l'ARN du gène souhaité sont produites. C’est un peu comme si on mettait un livre dans une photocopieuse et qu’on appuyait sur le bouton Copier. On peut réaliser des copies, quelle que soit la page du livre que l'on ouvre ou le gène que l'on choisit. « Il n’y a donc aucune inconnue tout au long du processus de fabrication », explique M. Pascolo. Il est ainsi possible de produire en quelques heures et dans un pot de transcription d’une capacité de six litres suffisamment d’ARNm pour fabriquer un million de doses de vaccin. Tout ce dont on a besoin, c’est le code génétique exact du variant. Et ce dernier est facile à obtenir grâce au suivi mondial des variants du SARS-CoV-2.

Une fois les copies réalisées, on les injecte dans une enveloppe. Celle-ci se compose de quatre lipides qui forment ensemble une petite vésicule appelée liposome. Le développement de cette enveloppe a été un véritable casse-tête ces vingt dernières années dans la recherche sur les vaccins à ARNm, comme le sait Steve Pascolo par sa propre expérience dans la recherche scientifique. Il s’agit d’un casse-tête parce que le liposome combine deux propriétés contradictoires : l’enveloppe lipidique doit être stable à l’extérieur du corps, alors qu’à l'intérieur des cellules, elle doit s'ouvrir légèrement pour libérer l'ARN. Mais maintenant qu’elle a été développée, cette enveloppe peut être utilisée pour tout vaccin à ARN imaginable.

Autorisation de mise sur le marché simplifiée pour les vaccins contre les variants

Il reste ensuite un dernier obstacle à franchir : l’évaluation par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Les adaptations mineures d’un vaccin ne nécessitent pas d’études cliniques de grande envergure comme celles qui ont dû être menées pour l’autorisation de mise sur le marché des vaccins contre le coronavirus de première génération. Cette situation s’explique par le fait qu’un nouveau vaccin contre un variant s’appuie sur la même technologie que les vaccins qui ont déjà été autorisés. Il ne se distingue que par de petites modifications de la séquence de l'antigène sélectionné pour déclencher la réponse immunitaire dans l'organisme. Les fabricants doivent démontrer l’efficacité du vaccin contre le variant dans des études d’immunogénicité. L’EMA recommande qu’au moins une étude clinique soit menée sur des sujets qui n’ont pas été vaccinés et qui n’ont jamais été infectés par le SARS-CoV-2.

Mais le Dr Claude Müller n’est pas d’avis que nous devrons nous faire vacciner chaque année – quel que soit le vaccin utilisé – comme dans le cas de la grippe. « Le coronavirus ne semble pas se comporter de façon saisonnière », affirme Claude Muller. Il se distingue donc des virus de la grippe, qui se font rares pendant l’été pour ainsi dire se réinventer. En automne et en hiver, ils rencontrent suffisamment de personnes sans protection, ce qui a pour conséquence qu’il faut développer de nouveaux vaccins chaque saison. Le coronavirus, quant à lui, évolue lentement et n’a pas régressé jusqu’à présent. « Avec chaque dose de vaccin, la protection contre le coronavirus augmente », explique le virologue. Il estime qu’une troisième dose pourrait suffire à protéger la population générale pendant deux ans.

Auteure : Felicitas Erzinger (Scitec Media)
Rédaction : Jean-Paul Bertemes (FNR)

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