(C) Philip Birget
Monsieur Birget, chaque année, près d'un million de personnes meurent de la malaria, la maladie que vous étudiez. Développez-vous de nouveaux médicaments contre les agents pathogènes ?
Non, notre laboratoire suit une autre approche, environnementale. Nous examinons les parasites de la malaria en tant qu'organisme dans son espace de vie. Comme on le fait pour de plus gros animaux dans leur écosystème. Nous cherchons à comprendre comment la population de parasites interagit avec son environnement, l'hôte. Comment elle utilise des ressources ou se comporte face à d'autres agents pathogènes qui ont également infecté l'hôte. Une question essentielle de mon doctorat est la suivante : comment les agents pathogènes modifient-ils leur comportement quant à la transmission de la maladie en réaction à certaines conditions à l'intérieur de l'hôte ? Et comment les parasites parviennent-ils à se multiplier dans l'hôte sans le tuer ?
Quel est l'avantage de cette approche ?
Quand on se concentre uniquement sur de nouveaux médicaments, cela a un grand désavantage : la résistance aux médicaments se développe très rapidement. Dès qu'un nouveau produit est sur le marché, les premiers cas de résistance apparaissent également. Il est donc très important de comprendre comment les populations de parasites peuvent réagir aussi rapidement face aux médicaments. De plus, avec notre recherche, il est possible de trouver dans quelles circonstances la maladie est transmise rapidement.
Qu'avez-vous découvert et quelles en sont les conséquences ?
Ce sont surtout les patients anémiques qui transmettent la malaria de manière très efficace, ils sont très contagieux. Ces patients doivent être tenus éloignés des transmetteurs de la maladie, les moustiques.
Vous n'étudiez cependant pas directement sur les gens...
C'est exact. Notre organisme modèle est la souris. Nous les infectons avec des souches de malaria que des chercheurs ont isolées au Congo dans les années cinquante. Les rongeurs sont un bon modèle pour cela, car il est facile de suivre les différents stades du développement des parasites. L'expérimentation sur animaux est nécessaire car nous étudions le développement des parasites dans tous les organismes. Ce n'est pas comme pour les tests de médicaments, pour lesquels on peut utiliser des cultures de cellules pour la recherche. Mais nous travaillons également sur des cultures de cellules, afin de peut-être trouver une alternative à la recherche sur animaux pour l'avenir.
Cela semble être un travail en laboratoire dangereux avec du matériel très contagieux...
Non, il n'y a pas de danger pour les scientifiques, car les souches avec lesquelles nous travaillons ne sont dangereuses que pour les souris. Le plus grand risque serait d'être piqué par un moustique, mais on ne tomberait pas malade.
Avant votre doctorat, vous avez étudié les oiseaux.
En effet. Pour ma licence, j'ai étudié la malaria chez les moineaux et aussi les oiseaux de la forêt tropicale péruvienne. Les différences ne sont pas aussi grandes qu'elles en ont l'air : j'étudie toujours comment des populations fonctionnent dans leur environnement. Auparavant dans la jungle, maintenant au laboratoire.
Autor: Tim Haarmann
Foto: Philip Birget
Infobox
Philip Birget écrit son doctorat à l'université d'Édimbourg dans le groupe du Professeur Sarah Reece et perçoit une bourse du FNR. Dans le cadre de sa licence, le biologiste a étudié la malaria chez les oiseaux de la forêt tropicale péruvienne et dans le cadre de son master, il a conçu des modèles mathématiques grâce auxquels il a pu calculer comment la résistance à la malaria se développe.