Covid-19

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La vaccination ainsi que la survie à la maladie peuvent offrir une protection suffisante contre la maladie Covid-19, et surtout contre les évolutions sévères.

Auteur: Kai Dürfeld (für scienceRELATIONS - Wissenschaftskommunikation); Co-auteur: Michèle Weber (FNR)
Rédaction : Michèle Weber et Jean-Paul Bertemes (FNR)
Partenaire interviewé et avis d’expert : Prof. Dr Dirk Brenner

Lorsque notre organisme entre en contact avec un agent pathogène, il le combat et se souvient de parties très spécifiques de ce corps étranger. Ces antigènes lui permettent de reconnaître une nouvelle infection à un moment ultérieur et de l’éliminer. Le développement d'une telle protection immunitaire est un processus naturel dont nous pouvons tirer parti avec les vaccins. Plutôt que d’attendre une infection et de courir le risque de tomber gravement malade, nous présentons simplement l'antigène au système immunitaire. Dans la plupart des cas, il s’agit de l’option la moins risquée. Mais qu’en est-il de la protection immunitaire ? Combien de temps dure-t-elle après la vaccination et combien de temps opère-t-elle chez les personnes rétablies ? Et à quelle fréquence le SARS-CoV-2 parvient-il à se dérober à la protection dans les deux cas ? Ou pour aller droit au but : quelle protection immunitaire est la meilleure ? Nous avons regroupé ici les réponses à ces questions sur la base des connaissances scientifiques actuellement disponibles et des évaluations d’un expert.

Pour les plus pressés, voici les principaux points – que nous avons subdivisés entre ce que nous savons et ce que nous ignorons (encore) :

Ce que nous savons : 

  • Tant le vaccin que l’infection naturelle fournissent une bonne protection contre la Covid-19, notamment contre les formes graves.
  • La protection peut durer au moins six mois dans les deux cas – sur base des données des études présentées en vue de l’autorisation de mise sur le maché et des études sur le terrain, on ne peut pas en dire plus avec certitude pour le moment. Ce qui ne veut pas dire que la protection ne peut durer plus longtemps. Il ne manque actuellement que des données.
  • La protection peut varier considérablement d’une situation et d'une personne à l'autre. En particulier chez les personnes âgées et immunodéprimées, la protection peut être d’emblée plus faible et/ou diminuer plus rapidement, et ce, indépendamment du fait qu'elle ait été acquise par la vaccination ou une infection.
  • En l’état actuel des connaissances, une personne bénéficie de la meilleure protection après avoir contracté la maladie et reçu une dose de vaccin.
  • Outre les lymphocytes B qui produisent des anticorps, les lymphocytes T jouent aussi un rôle important dans la protection à long terme.

Ce que nous ignorons (encore) à ce jour :

  • À l’heure actuelle, de simples titrages (par exemple d’anticorps dans le sang de personnes vaccinées ou rétablies) ne permettent pas d’évaluer la protection immunitaire contre une (ré)infection.
  • Combien de temps dure la protection contre la Covid-19 chez les personnes vaccinées ou rétablies ? Il existe des indices, mais pas encore de preuves univoques, que la protection immunitaire peut durer plus de six mois après guérison de la maladie. La durée de la protection immunitaire chez les personnes vaccinées est actuellement encore à l'étude.
  • Dans quelle mesure le vaccin protège-t-il contre les nouveaux variants plus infectieux ? Il existe des données sur la protection contre le variant Delta, mais elles sont en partie contradictoires.
  • Quand est-on mieux protégé : après le vaccin ou après une infection naturelle ? De nouvelles données, qui n’ont toutefois pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, fournissent de premiers indices qu’une infection naturelle pourrait offrir une meilleure protection contre une nouvelle infection que le vaccin, surtout lorsqu’il s’agit du variant Delta.
  • Quel est le degré de protection immunitaire chez les personnes vaccinées qui tombent malades par la suite ?

Voici l'article complet avec plus de détails et de sources. Pour mettre les données et les faits en perspective, nous avons demandé l’avis d’expert du prof. Dr Dirk Brenner. Il est professeur conjointement nommé en immunologie et génétique au Luxembourg Institute of Health (LIH) et à l’Université de Luxembourg. Il dirige le département d’immunologie expérimentale et moléculaire du LIH et le département d’immunologie et de génétique du Luxembourg Center for System Biomedicine (LCSB) de l’Université de Luxembourg. En tant qu’immunologiste, il examine comment le système immunitaire est régulé dans différentes maladies. Il s’intéresse particulièrement aux maladies auto-immunes, aux infections et au développement du cancer.

Portrait Dirk Brenner

 Prof. Dirk Brenner (Foto: LIH)

Comment le système immunitaire combat-il le virus ?

Avant de parler en détail de la protection immunitaire, passons en revue les armes dont dispose notre système immunitaire. Pour combattre un agent pathogène et prévenir une maladie, le système immunitaire dispose de plusieurs angles d'attaque. Le premier, c'est le virus libre, une fois qu’il a pénétré dans l’organisme. Dans ce combat, l’arme, ce sont les anticorps neutralisants. Sécrétés par les lymphocytes B, ils se fixent à des récepteurs spécifiques présents à la surface du virus – dans le cas du SARS-CoV-2, il s’agit de la protéine Spike – et empêchent ainsi l'agent pathogène de pénétrer dans nos cellules. Aujourd’hui, presque tout le monde sait que les anticorps sont une arme du système immunitaire. Mais ils ne constituent qu'un volet de la réponse immunitaire. En effet, le système immunitaire doit également freiner la réplication virale ou, idéalement, l’empêcher complètement. Cela se produit au niveau de la réponse immunitaire basée sur les lymphocytes T.

L’arme ici, ce sont les lymphocytes T cytotoxiques. Ceux-ci visent à détruire le mécanisme de reproduction du virus. Voici comment : pour se reproduire, le virus doit pénétrer dans nos cellules. Certaines parties du virus sont alors présentées à la surface d’une cellule infectée. Les scientifiques appellent ces marqueurs distinctifs des épitopes. Les lymphocytes T cherchent ces épitopes. Une fois qu’ils ont trouvé une cellule qui produit des virus, ils la détruisent et empêchent ainsi la reproduction virale dans une cellule infectée.

La réponse immunitaire basée sur les lymphocytes T est une arme puissante de la défense immunitaire qui permet de bien maîtriser le virus. La bonne nouvelle, c’est que même si certaines mutations réduisent la réponse des anticorps, celle des lymphocytes T en est à peine affectée. Cela signifie que les lymphocytes T nous protègent réellement contre les formes graves.

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB.

Lorsque le système immunitaire est entré en contact avec un agent pathogène une première fois, que ce soit après une infection naturelle ou un vaccin, il se souvient de l'envahisseur. Des cellules mémoires spéciales sont produites à cet effet. Tant les lymphocytes T que les lymphocytes B font partie de cette mémoire immunologique. Ils peuvent réagir rapidement lors d’un nouveau contact avec le même agent pathogène et combattre le virus plus rapidement et de façon plus efficace – en évitant ou en atténuant les éventuels symptômes de la maladie. Cela signifie que tant le vaccin qu’une infection par le SARS-CoV-2 peuvent nous protéger contre la Covid-19 en cas de (ré)infection.

Quelle est la durée de la protection vaccinale ?

Il n’est pas encore possible de faire des affirmations précises sur la durée de la protection vaccinale. En effet, les études d’observation (phase IV) des vaccins approuvés n’ont été lancées qu’en décembre, et nous ne disposons donc pas encore de suffisamment de données fiables. Cependant, tant BioNTech/Pfizer que Moderna ont été en mesure de procéder à une première évaluation. Elle est basée sur les résultats de leurs études présentées en vue de l’autorisation de mise sur le marché, dans le cadre desquelles les sujets ont été soumis à des examens ultérieurs. Résultat : La protection contre la Covid-19 six mois après la deuxième dose de vaccin est encore supérieure à 90 % et la protection contre une forme grave est supérieure à 95 %. Cela signifie que chez les sujets vaccinés, le risque de contracter la Covid-19 était diminué de 91,2 % par rapport aux sujets du groupe témoin. En d’autres termes, plus de 90 % des personnes qui auraient contracté la Covid-19 sans le vaccin ne sont pas tombées malades.

AstraZeneca a mené des études similaires. Celles-ci ont montré, par exemple, qu’il est possible de renforcer encore davantage la protection vaccinale en prolongeant l’intervalle entre la première et la deuxième dose au-delà des douze semaines habituelles. Lorsque la première et la deuxième dose étaient espacées de 45 semaines, la réponse immunitaire était encore améliorée davantage. Et même chez les personnes qui n’avaient reçu qu’une seule dose d’AstraZeneca, les scientifiques ont encore décelé des anticorps après un an.

Une étude publiée récemment par des scientifiques dans la revue spécialisée Nature parle également d’une immunité plus persistante. Les scientifiques ont pu conclure que les lymphocytes B qui produisent des anticorps sont actifs pendant au moins trois mois après l’administration d'un vaccin à ARNm. Des études menées auprès de personnes rétablies, on sait que ces lymphocytes B qui produisent des anticorps s'installent dans la moelle osseuse. Ils peuvent y survivre très longtemps. On ignore à l’heure actuelle si c'est également le cas après la vaccination.

Cependant, le vaccin n’induit pas seulement la formation d’anticorps, elle active aussi la production de lymphocytes T. Une étude réalisée par l’Université de Fribourg en Allemagne, par exemple, a permis de constater que leur nombre augmente fortement quelques jours seulement après la première dose de vaccin à ARNm et qu'ils protègent efficacement les sujets contre les formes graves de la maladie.

Il existe actuellement des indices, mais pas encore de preuves claires, d’une immunité plus persistante après la vaccination.

Quelle est la fréquence des réinfections après la vaccination ?

Dans le cadre d’une étude de terrain aux États-Unis, c’est-à-dire une étude scientifique réalisée en dehors du laboratoire, menée auprès d’environ 101 millions de sujets ayant reçu deux doses de vaccin entre janvier et avril 2021, les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont recensé quelque 10 000 infections post-vaccinales. Cela signifie qu’environ 0,01 % des sujets se sont infectés malgré une immunisation complète (27 % étaient des cas asymptomatiques).

Parmi les 10 262 personnes qui avaient reçu deux doses de vaccin (soit seulement 0,01 % des personnes au schéma vaccinal complet) et avaient été testées positives au SARS-CoV-2, 2 725 (27 %) étaient asymptomatiques et 995 (10 %) avaient dû être hospitalisées. Mais parmi elles, 289 personnes (29 %) étaient asymptomatiques ou avaient été hospitalisées pour des raisons sans rapport avec leur infection au coronavirus. 160 des 10 262 personnes signalées (2 %) sont décédées, dont 28 (18 %) étaient asymptomatiques ou sont décédées de causes non liées à leur infection.

En Allemagne, depuis le début du mois de février 2021, au total, 18 333 infections post-vaccinales ont vraisemblablement été identifiées parmi près d’un million de cas de Covid-19 symptomatiques (1,8 %) (chiffres datant du 25/08/2021).

Toutefois, ces chiffres doivent être considérés avec prudence. En effet, dans les études de terrain, toutes les personnes ne sont pas soumises systématiquement à des tests de dépistage. Les scientifiques ne peuvent donc détecter une infection post-vaccinale que chez les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, se font tester. Un grand nombre de cas asymptomatiques ne sont donc pas enregistrés. Le nombre réel de réinfections après la vaccination est donc probablement plus élevé.

Les études contrôlées promettent des résultats plus précis. L’une d’entre elles a été publiée à la fin du mois de juin dans le New England Journal of Medicine. Quelque 4 000 employés de l’hôpital ont été examinés, dont certains ont reçu le vaccin à ARNm de la société pharmaceutique Moderna. Au total, 204 infections (5,1 %) sont survenues entre décembre 2020 et avril 2021. Cinq se sont produites chez des personnes entièrement vaccinées, onze chez des personnes partiellement vaccinées et le reste chez des personnes non vaccinées. Les chercheurs en ont déduit que la protection vaccinale contre une infection symptomatique ou asymptomatique est de 91 % chez les personnes totalement vaccinées et de 81 % chez les personnes partiellement vaccinées. Aucune forme grave de la maladie n'a été observée parmi les personnes vaccinées qui avaient contracté le virus. Les scientifiques l’expliquent également par le fait que la charge virale chez ces personnes était inférieure de 40 % à celle observée chez des personnes infectées non vaccinées. Toutefois, ces études sont basées sur un nombre relativement restreint de participants qui proviennent tous du même milieu professionnel. Pour des affirmations plus globales, les résultats de ces études contrôlées doivent être complétés par des examens supplémentaires.

Et dans ce domaine, il y a de nouveaux résultats dans l’intervalle. Des données recueillies au Canada dans le cadre d’une étude de terrain contrôlée menée de décembre à avril montrent que l’administration de deux doses d’un vaccin à ARNm offre une efficacité de plus de 80 % contre une forme symptomatique de la maladie. Une étude de terrain à grande échelle est également menée en Israël. Le pays partage les données de son programme de vaccination à des fins scientifiques avec les producteurs de vaccins BioNTech et Pfizer. Il confirme que le vaccin à ARNm offre une protection d’environ 95 %. Une autre étude israélienne datant de juillet 2021 a permis de détecter environ 300 infections post-vaccinales chez 5,2 millions de personnes vaccinées. Il a été constaté que la probabilité d’une infection post-vaccinale augmente avec l’âge et la morbidité d’une personne. Cependant, les cas asymptomatiques ou légers n’entraînant pas d'hospitalisation n’ont pas non plus été pris en compte dans cette étude. Et jusqu’à présent, ces études, elles aussi, n’ont fourni que peu d'informations sur la protection à long terme dans le monde réel.

Ou la protection contre de nouveaux variants plus infectieux. L’un d’entre eux, qui s’est actuellement imposé dans de nombreuses régions du monde, c’est le variant Delta. Il semble non seulement se propager plus rapidement, mais aussi déjouer une partie de la protection vaccinale. Dans une expérience de laboratoire, les scientifiques ont conclu que le variant Delta est moins sensible à certains types d'anticorps. Selon eux, seulement après une deuxième dose de vaccin, des anticorps neutralisants agiraient chez 95 % des sujets, mais dans une proportion trois à cinq fois moins élevée qu’avec le virus original.

Des données préliminaires provenant d’Israël révèlent également un effet protecteur moins marqué du vaccin de BioNTech/Pfizer contre le variant Delta. La protection contre la maladie aurait chuté de près de 95 % pour le virus original à 39 % pour ce qui est du variant Delta. La protection contre les formes graves, en revanche, n’aurait diminué que légèrement pour atteindre environ 91 %. Cette étude n’a toutefois pas encore été examinée par des pairs ni publiée.

Une étude britannique qui n’a pas non plus encore été publiée montre également que le vaccin d’AstraZeneca est moins efficace contre le variant Delta. L’efficacité du vaccin est passée d’environ 79 % pour le variant Alpha dominant à 67 % pour le variant Delta dominant. Cependant, cette même étude confirme que la substance active du vaccin de BioNTech/Pfizer est légèrement plus efficace contre le variant Delta que contre le variant Alpha (80 % contre 78 %), ce qui va à l’encontre des données d'Israël.

Une étude publiée au Royaume-Uni suggère que la protection diminue un à six mois environ après un schéma vaccinal complet : de 77 à 67 % pour le vaccin d’AstraZeneca et de 88 à 74 % pour le vaccin de BioNTech/Pfizer. Les informations sur les infections post-vaccinales ont été recueillies pour cette étude pendant une période où le variant Delta était dominant dans les îles britanniques.

Lors d’une infection par un virus respiratoire tel que le SARS-CoV-2, le virus entre d’abord en contact avec la muqueuse des voies respiratoires supérieures et s'y multiplie. En règle générale, il est difficile pour notre système immunitaire de stopper immédiatement une telle infection. Peu de temps après l’administration du vaccin, la protection de la muqueuse est la plus forte, mais elle diminue avec le temps. Il s’agit là d’un phénomène tout à fait normal. Par la suite, même les personnes vaccinées sont à nouveau plus susceptibles d’être infectées. C’est encore plus vrai pour les mutants tels que le variant Delta, contre lequel nos anticorps agissent moins bien. Mais les personnes vaccinées continueront à entrer en contact avec le virus, c'est inévitable. Parce que le SARS-CoV-2 ne va pas simplement disparaître, il va rester. Dans la plupart des cas, le système immunitaire des personnes vaccinées s'active rapidement et est capable d’éliminer le virus immédiatement. La majorité des personnes vaccinées ne remarqueront rien et ne développeront pas de symptômes. Celles qui développent des symptômes ne ressentent généralement que des symptômes légers ressemblant à ceux d’une grippe. Cela signifie que les infections post-vaccinales sont presque exclusivement associées à une évolution moins grave de la maladie. Ainsi, le vaccin offre une très bonne protection contre les formes plus graves, ce qui explique pourquoi les patients admis en soins intensifs sont presque exclusivement des personnes non vaccinées. 

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB

Combien de temps dure la protection immunitaire chez les personnes rétablies ?

Le système immunitaire ne se contente pas de combattre une infection, il développe aussi une certaine immunité contre une nouvelle infection par des agents pathogènes. La durée de cette protection immunitaire naturelle dans le cas du SARS-CoV-2 est encore à l'étude. Dans une étude, les scientifiques ont pu identifier des lymphocytes B mémoires dormants dans l’organisme de sujets rétablis pas moins de 11 mois après une infection légère. Ils en concluent que la mémoire immunitaire perdure plus longtemps, même après une infection légère. Toutefois, la question de savoir si ces cellules peuvent encore offrir une protection est encore à l’étude.

Une autre étude a révélé que ces lymphocytes B qui produisent des anticorps se sont installés dans la moelle osseuse des sujets. Ils peuvent y survivre très longtemps. Des études menées auprès de survivants de la grippe espagnole – une pandémie qui a éclaté au début du XXe siècle – ont montré que les lymphocytes B dans la moelle osseuse de ces personnes peuvent encore libérer des anticorps 90 ans plus tard.

Dans une étude publiée à titre préliminaire, des scientifiques de l’université de Lübeck partent du principe que la protection dure au moins dix mois. Pour arriver à cette conclusion, ils ont examiné les participants à leur étude dix mois après une infection légère ou modérée et ont constaté que 76 % d’entre eux possédaient encore des anticorps. En outre, deux tiers des participants produisaient également de l’interféron gamma, la substance messagère des lymphocytes T. C’est un signe que le deuxième pilier du système immunitaire est encore entraîné pour reconnaître le virus.

Une étude danoise, elle, a évalué les données de la stratégie de test du pays scandinave. En 2020, au Danemark, quelque quatre millions de personnes s’étaient soumises à au moins un test PCR. L’évaluation des 10,6 millions de tests a donné lieu aux estimations suivantes : chez les sujets plus jeunes, une protection de 80 % était toujours présente après six mois. Cependant, l'immunité diminue fortement avec l'âge. Dans le groupe d’âge des 65 ans et plus, la protection était de 47 % après six mois. L’une des faiblesses de cette étude toutefois est qu’elle ne s’intéresse qu’à l’infection en soi (test PCR positif). Malheureusement, on ignore si les personnes testées positives ont également développé des symptômes et sont tombées malades.

Quelle est la fréquence des réinfections chez les personnes rétablies ?

L’étude danoise que nous venons de mentionner s’est également penchée sur la question de la fréquence d’une nouvelle infection après guérison de la maladie. La réponse dépend à nouveau de l’âge. Dans le groupe d’âge allant jusqu’à 34 ans, 5,92 % des personnes en moyenne qui se sont infectées avant juin 2020 et qui ont surmonté la maladie ont à nouveau contracté le virus lors de la deuxième vague. Ce chiffre était de 5,16 % pour les 35-49 ans et de 4,25 % pour les 50-64 ans. Ce n’est que chez les personnes âgées de plus de 65 ans que le risque de réinfection est passé à 8,01 %.

Les chiffres du Danemark en particulier montrent que les jeunes, notamment, atteignent un niveau de protection assez élevé après une infection par le nouveau coronavirus. C'est la bonne nouvelle. La moins bonne, c’est que la protection n'est pas aussi prononcée chez les personnes âgées. En d’autres termes, plus le système immunitaire fonctionne bien lors de l’infection, plus la protection à long terme semble être bonne.

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB

L’influence du variant Delta sur l’immunité ou une éventuelle réinfection après guérison de la maladie fait actuellement encore l'objet de recherches intensives. Une étude réalisée en juillet a examiné l’efficacité des anticorps présents dans le sang des personnes rétablies pour combattre le variant Delta. Chez les sujets qui étaient tombés malades six mois plus tôt, ils étaient encore efficaces dans 88 % des cas, comme pour le variant Alpha. En revanche, lorsque l’infection remontait à un an déjà, l’efficacité n’était que de 47 % et pour le variant Alpha, elle était encore de 88 %. Cependant, il y a deux points à garder à l'esprit. Tout d'abord, l'étude est réalisée en laboratoire. Les valeurs en pourcentage ne peuvent donc pas être transposées telles quelles au monde réel. Et deuxièmement, l’étude est basée sur l’efficacité des anticorps, alors que les réponses des lymphocytes T n’ont pas été consignées.

D’ailleurs, une étude réalisée à Singapour suggère qu’une « superimmunité » contre différents variants du SARS-CoV-2 serait possible. Dans ce contexte, on a administré deux doses du vaccin de BioNTech/Pfizer aux sujets, qui s’étaient tous infectés au SARS-CoV-1 en Asie du Sud-Est au début du millénaire. Dans des tests sanguins ultérieurs, on a trouvé des anticorps neutralisants efficaces contre trois des variants actuellement en circulation, à savoir les variants Alpha, Bêta et Delta. On a également identifié des anticorps contre cinq autres coronavirus qui n’avaient été décelés que chez les animaux auparavant. Les chercheurs parlent ici d'immunité croisée. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour exploiter ce résultat, d’autant plus que le groupe test, qui comptait huit sujets, était très restreint.

Le corps réagit différemment à un vaccin qu’à une infection naturelle. En effet, le vaccin et le virus pénètrent généralement dans l'organisme par des voies différentes. Le SARS-CoV-2, par exemple, est un virus respiratoire. Cela signifie qu’il peut être inhalé. Les particules virales adhèrent aux aérosols et entrent d’abord en contact avec les voies respiratoires supérieures, qui sont recouvertes de muqueuses. C’est à cet endroit qu’a lieu non seulement le premier contact, mais aussi une réponse immunitaire spécifique. Un anticorps, à savoir l’immunoglobuline A (IgA), protège les muqueuses contre une nouvelle infection et combat l'agent pathogène. Si le virus parvient à contourner cette protection et à se propager davantage dans l’organisme, l’immunoglobuline G (IgG), censée protéger notamment les poumons, devient active à un stade ultérieur de la maladie.

Avec la vaccination, le mécanisme est un peu différent. En effet, les vaccins autorisés à ce jour sont injectés par voie intramusculaire. Il n’y a donc pas de contact avec les muqueuses. Cela signifie que la production d’IgA, qui sont censées combattre le virus lors du premier contact, est nettement inférieure. En contrepartie, un grand nombre d’IgG sont libérées d'emblée, ce qui permet de protéger les poumons. Ainsi, après un vaccin, nos voies respiratoires supérieures sont dans un premier temps plus exposées que dans le cas d’une infection naturelle. Mais lorsque le virus descend, les poumons sont mieux protégés contre les formes graves après la vaccination.

Une étude de l’université de Fribourg conclut que la réponse des lymphocytes T offre une protection efficace contre les formes sévères dix jours déjà après la première dose d'un vaccin à ARNm. Elle a constaté que la réponse par anticorps était encore à peine détectable à ce moment-là. Selon les chercheurs, ce n’est qu’à l’issue de la deuxième dose que la situation change. Ils pensent qu’à ce moment, les anticorps neutralisants sont également détectables en plus grande quantité, tandis que le nombre de lymphocytes T augmente aussi.

La durée de la protection immunitaire dépend, entre autres, de la manière dont l'antigène est présenté au système immunitaire. Nous parlons du « contexte de présentation de l’antigène ». L’antigène, c’est-à-dire la partie du virus ou de la bactérie contre laquelle le système immunitaire est entraîné, active nos défenses et le développement d’une mémoire immunologique. Il a été démontré qu’en cas d’administration de plusieurs doses d’un vaccin, la deuxième dose stimule très bien la mémoire immunologique. Pour simplifier , on peut dire que des vaccinations répétées sont préférables pour une protection à long terme. 

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB

Une autre différence entre la réponse immunitaire après le vaccin ou l’infection naturelle, c’est qu’avec le vaccin, le système immunitaire ne « voit » qu’une protéine de la surface du virus, la fameuse protéine Spike. Il n’apprend donc qu’à produire des anticorps et des lymphocytes T dirigés contre les composants de cette protéine. En cas d’infection naturelle, en revanche, le système immunitaire « voit » l’ensemble du virus et peut former un éventail plus large d’armes de défense immunitaire contre plusieurs composants du virus.

La protection immunitaire est-elle meilleure après un vaccin ou une infection naturelle ?

Tant le vaccin qu’une infection naturelle par le SARS-CoV-2 entraînent la production de cellules mémoires par le système immunitaire. Cependant, il n’est pas encore possible de dire avec certitude quelle protection immunitaire est la meilleure. 

Il est difficile de l’évaluer, parce que les infections naturelles ont des déroulements très différents et que ces derniers changent lorsque de nouveaux mutants apparaissent.  Selon des données provenant du Royaume-Uni, le variant Delta, par exemple, multiplie par deux le risque d’hospitalisation pour Covid-19. Même en ce qui concerne les mutants connus à ce jour, il a été démontré que le vaccin entraîne une immunité cohérente et très forte induite par les anticorps et les lymphocytes T. De nouvelles données provenant d’Israël, qui n’ont toutefois pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, fournissent de premiers indices selon lesquels une infection naturelle pourrait offrir une meilleure protection contre une nouvelle infection que le vaccin, surtout pour ce qui est du variant Delta.

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB

Infobox

Pourquoi le certificat CovidCheck des personnes vaccinées est-il valable un an, alors que celui des personnes rétablies n’est valable que six mois ?

Nombre de personnes rétablies trouvent injuste que leur certificat CovidCheck ne soit valable que six mois après leur infection, alors que pour les personnes vaccinées, la validité est d’un an. Une situation qui peut « ne pas sembler tout à fait logique d’un point de vue médical », a admis le directeur de la Santé, Jean-Claude Schmit, dans une interview accordée à RTL. Il a expliqué qu’il s’agissait d’un règlement européen issu de discussions entre les États et que nous devions nous y tenir.

Des discussions sont en cours concernant la détection d’anticorps comme quatrième cas de figure du CovidCheck, a déclaré le Premier ministre Xavier Bettel dans le même reportage RTL. Il a toutefois ajouté qu'une coordination au niveau européen était nécessaire et que le Luxembourg ne pouvait pas prendre de décision seul.

Faut-il tout de même se faire vacciner quand on a déjà eu la Covid-19 ?

Actuellement, il semblerait qu’une seule dose de vaccin permettrait d’acquérir une protection immunitaire très efficace à l’issue d’une infection naturelle. Les scientifiques parlent de vaccination booster. En l’état actuel des connaissances, cette méthode permettrait une activation plus forte tant des lymphocytes B que des lymphocytes T. Les éventuels effets à long terme d’une infection, communément appelés «  Covid long », pourraient également être atténués par la vaccination. Toutefois, ce n’est pas d’office le cas, comme l’a montré une étude menée au Royaume-Uni. Si environ 30 % des 345 participants à l’étude souffrant des symptômes d’un Covid long ont signalé une amélioration, le contraire s’est produit chez environ 20 % d'entre eux. Leurs symptômes se sont aggravés. Par ailleurs, chez la moitié des participants, la vaccination booster n’a eu aucun effet notable sur les symptômes du Covid long.

Mais lorsqu’on se décide en faveur d’une dose booster, combien de temps faut-il attendre ? Cela dépend, entre autres, de la gravité de la maladie.

Le déroulement des infections varie, bien sûr. Certaines infections sont asymptomatiques. D'autres s'accompagnent de divers symptômes, qu'il faut d'abord combattre. Six mois après l’infection semble constituer un bon intervalle de sécurité. Parce que l’idée est d’attendre que la réaction immunitaire se soit atténuée pour pouvoir la stimuler à nouveau. Pour les cas asymptomatiques et légers, on peut s’appuyer sur les intervalles de vaccination énoncés dans les études. Donc après environ quatre semaines. On peut donc dire que nous vaccinons dans un intervalle situé entre quatre semaines et six mois après une infection, ce qui correspond également aux recommandations de l'Institut Robert Koch. Cette manière de procéder est pertinente d’un point de vue immunologique. 

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB

Une autre possibilité serait d'identifier la quantité d'anticorps. C’est ce qu’on fait, par exemple, dans les études qui examinent la durée de la protection immunitaire. Pour l’expliquer en termes simples, les scientifiques partent du principe que le degré d'immunité dépend de la quantité d'anticorps. En réalité, c’est plus complexe : tous les anticorps produits par l'organisme n’offrent pas une protection contre le virus - c’est uniquement le cas des anticorps dits « neutralisants ». Et ceux-ci ne peuvent être déterminés que par des tests plus complexes que les laboratoires de diagnostic ne proposent pas actuellement. En outre, on fait souvent abstraction du deuxième pilier de la réponse immunitaire, les lymphocytes T, car leur titrage est également beaucoup plus compliqué et complexe que celui de l'ensemble des anticorps. Nous disposons donc d’un volume encore insuffisant de données pour le SARS-CoV-2.

Pour les vaccins contre d’autres maladies, comme l'hépatite, nous étudions depuis longtemps la concentration d'anticorps. Si elle passe en dessous d’un certain niveau, nous refaisons le vaccin. C’est ce qu’on appelle « équivalent de protection » et nous ne le connaissons pas encore pour le SARS-CoV-2. Nous pouvons dire que des anticorps sont présents. Cependant, nous ignorons encore quelle concentration est nécessaire pour une protection suffisante. La présence de variants du virus complique encore les choses. En effet, pour chaque variant, un taux d’anticorps différent serait nécessaire pour assurer une protection suffisante. 

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSB

La Covid-19 deviendra- t-elle une infection respiratoire virale ?

Lorsqu’il est question de protection vaccinale et d’immunité, l’accent est presque toujours mis sur les anticorps et la dissipation de l’effet pour les différents variants du virus. Mais il y a aussi le deuxième pilier de la réponse immunitaire – les lymphocytes T. Ceux-ci recherchent des épitopes. Il s’agit de marqueurs distinctifs à la surface des cellules du corps infectées par le virus. Si l’on compare les épitopes du variant historique du SARS-CoV-2 avec ceux des variants Alpha, Bêta et Gamma, 90 % d'entre eux sont également présents après les mutations. À l’heure actuelle, nous ne disposons pas encore de données concernant le variant Delta. L’immunité basée sur les lymphocytes T fonctionne donc tant pour les mutants que pour le virus original. En clair, cela signifie que des mutations dans le génome viral peuvent rendre plus difficile la fixation des anticorps. Nous pouvons être infectés par le virus. Mais à ce moment, les lymphocytes T deviennent actifs, protègent nos poumons et empêchent ainsi une forme grave – même pour ce qui est des différents mutants.

Grâce à la vaccination, une immunité de base s’installera désormais dans la population. Les réponses basées sur les anticorps diminueront lentement et les réponses des lymphocytes T persisteront un peu plus longtemps. Le virus continuera à nous infecter, mais il n’y aura plus guère de formes graves. La bonne nouvelle, c'est que ces infections renforcent notre système immunitaire. Cela signifie que chez les personnes vaccinées, une infection naturelle permet de « booster » le système immunitaire et de le rafraîchir et qu’elle renforce la mémoire immunologique et la production d’anticorps et de lymphocytes T protecteurs. Un équilibre dynamique s’installera donc entre la susceptibilité à l'infection d'un individu et son immunité, ce qui aura à terme pour conséquence que le SARS-CoV-2 se transformera en un virus grippal ordinaire.

Prof. Dirk Brenner, immunologiste au LIH et au LCSBS

Conclusion

Tant une infection naturelle que le vaccin offrent une bonne protection contre la maladie et, surtout, contre les formes graves. Cependant, à l'heure actuelle, il n'est pas encore possible de répondre clairement à la question de savoir quelle protection immunitaire est la plus fiable. La durée de la protection contre une (ré)infection n'est pas non plus tout à fait claire. Les résultats des études présentées en vue de l’autorisation de mise sur le marché et des études de terrain montrent qu’il existe une protection d’au moins six mois tant chez les personnes vaccinées que chez les personnes rétablies et que les personnes plus jeunes ont tendance à être mieux protégées.

Comme si souvent dans cette pandémie, il y a plus de questions sans réponse que de réponses. Les adultes vaccinés doivent-ils recevoir une dose booster, ou est-il acceptable qu’ils entrent en contact (de façon répétée) avec le virus (comme c’est le cas, par exemple, avec d’autres coronavirus plus inoffensifs) et qu’ils consolident ainsi leur protection immunitaire ? Les enfants doivent-ils être vaccinés ou est-il acceptable qu’ils entrent en contact naturellement avec le virus ?

Une question essentielle qui reste sans réponse dans ce contexte concerne la corrélation immunologique : quel taux sanguin d’anticorps correspond à une protection immunitaire et contre quel variant ? Si nous le savions, il serait plus facile de surveiller l’immunité et d’estimer quand procéder à d’éventuelles vaccinations booster.

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Sources

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