© Michel Brumat / Université du Luxembourg
La confiance est primordiale dans la communication scientifique. L'inconduite d'un chercheur peut détruire la réputation de nombreux chercheurs.
Une étude menée par l’Université du Luxembourg et le Centre de recherche économique européenne (ZEW) de Mannheim indique que les scientifiques doivent choisir leurs collaborateurs avec soin, car toute conduite fautive de leurs collègues dans le futur pourrait entacher la réputation de leurs anciens collaborateurs de façon significative. Certes, des témoignages anecdotiques indiquent que cela a toujours été le cas, mais l’étude du Prof. Katrin Hussinger (Université du Luxembourg) et du Dr Maikel Pellens (ZEW, Mannheim et KU Leuven, Belgique) apporte désormais des preuves empiriques.
L’étude est basée sur les cas d’inconduite recensés par le Bureau américain de l’intégrité en recherche entre 1993 et 2008. Un groupe de 856 chercheurs, qui ont dans le passé collaboré avec des scientifiques coupables de fraude, a été identifié sur base de publications publiées jusqu’à cinq ans avant ces faits d’inconduite. Seuls les cas rassemblant les recherches qui ont fait l’objet d’une fraude avérée et pour lesquelles une rétractation ou une correction a été publiée ont été pris en compte.
La culpabilité par association peut remonter jusqu’à des projets ayant eu lieu avant la découverte de la fraude
Comparé au groupe de contrôle, les résultats montrent une baisse de 8 à 9 % des citations des scientifiques qui ont dans le passé collaboré avec des scientifiques coupables de fraude. Les citations jouent un rôle important en science, car elles sont un indicateur de l’impact d’une recherche dans la communauté scientifique. Les chercheurs qui sont fréquemment cités dans les travaux de leurs pairs ont plus de facilité à financer leurs recherches et ils se voient proposer des postes plus lucratifs. La baisse du nombre de citations peut donc avoir des conséquences significatives sur la carrière d’un chercheur.
« Les résultats de cette étude sont préoccupants », explique le Prof. Hussinger. « Nos recherches prouvent que la culpabilité par association peut remonter jusqu’à des projets ayant eu lieu avant la découverte de la fraude et peut donc concerner des collaborateurs non impliqués et qui ne se doutent de rien. »
Des institutions entières peuvent être à risque
Pour le Prof. Hussinger, bien que la stigmatisation par association ait été observée dans divers cadres et dans des contextes variés, les résultats de l’étude universitaire soulèvent des problèmes spécifiques : « La confiance est primordiale dans la communication scientifique et la divulgation des résultats d’une étude au grand public. Les retombées d’un cas unique d’inconduite peuvent entacher la réputation d’un groupe de chercheurs beaucoup plus large, voire d’une institution. »
Même si les chercheurs ne sont pas en mesure de fournir une solution simple à ce problème, la culpabilité par association est un domaine qui doit être traité sérieusement, plaident le Prof. Hussinger et le Dr Pellens. Une conséquence indésirable, selon le Prof. Hussinger, est que des cas de fraude avérés risquent d’être passés sous silence : « Les chercheurs risquent de réfléchir à deux fois avant de signaler un abus ou un cas de fraude, sachant qu’ils risquent d’être pénalisés pour une simple association avec la personne en question. »
Auteur: Université du Luxembourg
Photo © Michel Brumat / Université du Luxembourg