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La discussion sur l'assouplissement des mesures prises dans le cadre de la pandémie de SARS-CoV-2 soulève de nombreuses questions. Comment savoir si nous sommes sur la bonne voie ? Un retour plus rapide à une certaine normalité serait-il possible ? Ou faut-il à nouveau durcir les mesures ? Le scénario d'un deuxième confinement pourrait-il devenir réalité à un moment donné ? Le taux de reproduction joue un rôle particulièrement important pour trouver des réponses à ces questions et guider les décisions de grande envergure.
Dans cet article, nous expliquons ce qu'est le taux de reproduction, comment le mesurer et pourquoi il s'agit d'un bon indicateur pour accompagner les mesures d'assouplissement.
Vous n'avez pas le temps ? Vous trouverez un résumé avec tout ce qu'il faut savoir à la fin de l'article.
Qu'est-ce que le taux de reproduction ?
Le taux de reproduction est un chiffre-clé de l'épidémiologie, la science qui étudie la propagation des maladies. Il correspond au nombre d'individus que chaque personne infectée contamine pendant qu'elle est contagieuse. Quand le taux de reproduction affiche une valeur de 1, une personne infectée contamine en moyenne une autre personne avant de surmonter l'infection ou d'en décéder. Si le taux de reproduction est de 2, un contaminé infecte en moyenne deux autres personnes, et ainsi de suite.
Taux de reproduction de base R0 et taux de reproduction net Rt
Les scientifiques font la distinction entre le taux de reproduction de base R0 et le taux de reproduction net Rt.
Le R0 : le taux de reproduction de base R0 indique combien de personnes un individu infecté contamine lorsque personne d'autre n'est encore infecté – en d'autres termes, il indique le degré de contagiosité du virus au « moment zéro ».
Le calcul du R0 repose sur l'hypothèse que personne n'a encore acquis d'immunité contre l'agent pathogène et qu'il n'existe pas de mesures de protection contre la contagion, telles que les vaccins ou la limitation des contacts sociaux. A priori, le R0 indique le potentiel épidémique d'un agent infectieux.
Le Rt : le taux de reproduction net Rt désigne le taux de reproduction à un moment t donné.
Si de plus en plus de personnes dans la population sont immunisées ou si des mesures restrictives sont prises (par exemple, distanciation sociale ou confinement), le taux de reproduction diminue. Une personne infectée contamine en moyenne moins de personnes en raison des facteurs mentionnés ci-dessus.
Le Rt décrit donc le déroulement de l'épidémie à partir d'un moment t déterminé dans les circonstances données. Si les circonstances changent au fil du temps, le Rt évolue également. Dans ce contexte, une valeur précise représente toujours une situation spécifique à un moment donné. Cette représentation est toutefois d'une importance cruciale pour le système de santé (voir la question « Que signifie une augmentation du Rt pour le système de santé ? »)
Au début d'une épidémie, le taux de reproduction de base R0 permet donc d'évaluer le potentiel épidémique d'un agent pathogène. Il intervient également dans le calcul de divers scénarios épidémiologiques.
Le grand public s'intéresse par contre au taux de reproduction net Rt, qui évolue dans le temps en raison des facteurs décrits ci-dessus et permet de tirer des conclusions actualisées sur la propagation du virus et l'efficacité des mesures prises. Dans le contexte des stratégies de sortie du confinement, cette valeur revêt donc une importance particulière pour éclairer la prise de décisions.
Pourquoi le taux de reproduction constitue-t-il un bon indicateur pour illustrer et prédire la propagation du virus ?
L'un des grands avantages du taux de reproduction, c'est qu'il s'agit d'un indicateur facile à communiquer, qui permet de vérifier de façon simple si nous sommes sur la bonne voie ou non.
- Si le taux de reproduction est supérieur à 1, chaque personne infectée contamine en moyenne plus d'une personne. Le virus se propage et de plus en plus de personnes tombent malades. (Plus la valeur est élevée, plus la propagation est rapide)
- Si le taux de reproduction est inférieur à 1, chaque personne infectée contamine en moyenne moins d'une personne et la propagation du virus ralentit.
- Quand le taux de reproduction affiche une valeur de 1, une personne infectée contamine une autre personne avant de surmonter l'infection ou d'en décéder. Ce scénario permet de maîtriser la propagation.
Ainsi, lorsque les scientifiques connaissent la valeur Rt, ils peuvent aisément prédire comment le virus se propagera à court ou moyen terme. Et ils peuvent également déterminer le moment où le système de santé s'effondra. Cette valeur est donc aussi un indicateur important pour les décideurs. Elle aide les politiciens à décider si les mesures peuvent être assouplies ou s'il faut à nouveau les durcir. Il permet également, avec un certain retard, de déterminer l'effet de mesures après leur mise en œuvre.
Que signifie une augmentation du Rt pour le système de santé ?
Lors d'une conférence de presse tenue le 15 avril, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé que de petites variations du taux de reproduction net Rt avaient de grandes répercussions sur les systèmes de santé nationaux. À ce moment, le Rt affichait une valeur de 1 en Allemagne. Si la valeur passait à 1,1, « le système de santé atteindrait ses limites en termes de nombre estimé de lits de soins intensifs en octobre », Madame Merkel a-t-elle affirmé. Avec une augmentation supplémentaire d'un dixième à 1,2, cette situation se produirait dès juillet, et avec une valeur de 1,3, elle interviendrait dès juin.
Où se situe la valeur du Rt au Luxembourg ?
Selon le ministère de la Santé luxembourgeois, le Rt se situe actuellement à une valeur voisine de 1. Cela signifie que la propagation du virus semble être maîtrisée.
Quels sont les autres chiffres-clés ? Et quel est l'avantage du taux de reproduction par rapport au nombre de nouvelles personnes infectées ou au temps de doublement ?
Le taux de reproduction n'est pas le seul indicateur qui permet d'analyser le déroulement d'une épidémie ou d'une pandémie. Un autre chiffre-clé fréquemment utilisé ces derniers mois est le temps de doublement. Il indique en nombre de jours le temps nécessaire pour que le nombre de personnes qui tombent malades double. En période d'augmentation exponentielle du nombre de cas, cette valeur constitue un bon moyen de mesurer la propagation de la maladie. Toutefois, son calcul présente lui aussi des incertitudes, car toutes les nouvelles infections ne sont pas tout de suite décelées et répertoriées.
Un autre inconvénient lié à l'utilisation du temps de doublement concerne le déroulement de l'infection elle-même. Tant que les infections progressent de manière exponentielle, cette valeur est significative. Cependant, lorsque le nombre de nouvelles infections diminue, le temps de doublement est de plus en plus long et tend vers l'infini. Dans ce contexte, il devient difficile de tirer des conclusions sur l'efficacité des mesures prises.
Le nombre de nouvelles infections par jour est également utilisé comme chiffre-clé. Il dépend du taux de détection. Mais le nombre d'infections non détectées joue également un rôle dans ce contexte. Une étude menée en Islande, où des tests à grande échelle sont également effectués en dehors des cas suspects, part du principe que quelque 50 % des cas testés positifs sont asymptomatiques. Ce nombre cas non diagnostiqués influence non seulement le nombre de nouvelles infections par jour, mais aussi le temps de doublement.
Un autre problème lié à l'indication du nombre de nouvelles infections est qu'il n'est pas possible d'en dégager une tendance. Pour ce faire, il faut calculer le taux de croissance des nouvelles infections, c'est-à-dire le nombre de nouvelles infections le jour J par rapport au jour J-1.
Quel est le taux de reproduction de base R0 de l'agent pathogène du SARS-CoV-2 ?
Le Robert Koch-Institut en Allemagne a évalué différentes études sur le taux de reproduction de base R0 et l'estime à une valeur située entre 2,4 et 3,3. Cela signifie que d'un point de vue statistique, un individu infecté contamine entre 2,4 et 3,3 autres personnes. Les experts n'ont pas tenu compte d'estimations divergentes beaucoup plus élevées. Dans son rapport de la mission conjointe pour la Chine, l'OMS part d'un R0 compris entre 2 et 2,5. Une étude menée par les centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains affirme que le R0 se situe dans une fourchette allant de 2,2 à 2,7. Une étude comparative estime la valeur moyenne à 3,28, mais parle d'un biais dû au manque de données. Les erreurs d'estimation devraient diminuer au fil du temps.
À quel niveau se situent les taux de reproduction de base des autres virus ?
Pour les virus de l'influenza, les agents pathogènes de la grippe saisonnière ou virale, les scientifiques parlent d'un taux de reproduction de base R0 compris entre 0,9 et 2,1.
Avec un R0 oscillant entre 3,5 et 6, le taux de reproduction de base du virus de la variole est bien plus élevé. La variole, l'une des maladies infectieuses les plus dangereuses de l'histoire de l'humanité, a été combattue par un programme mondial de vaccination de l'OMS et son éradication a été annoncée en 1980.
Les épidémiologistes parlent d'un taux de reproduction de base très élevé, qui se situe entre 12 et 18 pour la rougeole. L'OMS entend également éradiquer cette maladie infectieuse à l'aide de campagnes de vaccination menées à l'échelle mondiale.
Comment calcule-t-on le taux de reproduction ?
Le taux de reproduction de base R0 dépend de trois questions : durant combien de temps un individu infecté est-il contagieux ; quelle est la fréquence de ses contacts sociaux et quelle est la probabilité qu'il contamine d'autres personnes ? Même si à première vue, les questions peuvent sembler simples, y trouver des réponses n'a rien de banal.
Un traçage intégral des contacts pourrait contribuer à comprendre la façon dont la maladie se propage. Cette procédure influence cependant aussi le résultat. Ainsi, si les personnes infectées sont identifiées et mises en quarantaine, cela fausse les conclusions relatives à la propagation naturelle d'une infection du fait de son ralentissement.
Les modèles mathématiques offrent une possibilité supplémentaire pour calculer le R0. Ceux-ci reposent sur différentes données sur la population et diverses hypothèses – par exemple, le nombre de personnes infectées ou le moment à partir duquel une personne infectée est contagieuse. Pour résoudre les équations différentielles et les simulations statistiques, les scientifiques utilisent des logiciels tels que MATHLAB, SAS ou R. Les calculs sont effectués sur des ordinateurs à haute performance. Cependant, étant donné qu'ils reposent sur des hypothèses et des estimations et qu'ils s'appuient sur différents modèles, les calculs des différents groupes de chercheurs diffèrent. Par exemple, la question de savoir à partir de quand une personne qui contracte le SARS-CoV-2 est elle-même contagieuse fait toujours l'objet de recherches.
Le taux de reproduction net Rt est le produit du taux de reproduction de base R0 et du pourcentage de la population qui n'a pas encore été vaccinée, qui est immunisée après avoir surmonté l'infection ou qui est protégée d'une autre façon (par exemple, distanciation sociale).
De quels facteurs le taux de reproduction dépend-il ?
Le degré de « contagiosité » d'un agent pathogène dépend, entre autres, de l'endroit où celui-ci se multiplie dans l'organisme. Dans le cas du SARS-CoV-2, des études indiquent par exemple que le virus touche davantage les voies respiratoires supérieures par rapport aux agents pathogènes apparentés, à savoir le SARS-CoV-1 et le MERS-CoV. Le virus du SARS-CoV-2 peut donc mieux se propager grâce aux gouttelettes propulsées par la toux ou les éternuements, et est à l'origine d'un taux de reproduction de base R0 plus élevé. Et sa persistance sur les surfaces joue également un rôle. En effet, plus un virus peut survivre longtemps à l'extérieur du corps, plus il est susceptible d'être transmis par contact indirect. Le Robert Koch-Institut n'exclut pas cette voie de transmission pour le SARS-CoV-2, notamment dans l'environnement direct des personnes infectées.
Comme décrit ci-dessus, « la probabilité de transmission en cas de contact avéré, le nombre de contacts par unité de temps et la durée de la transmission » jouent un rôle important dans la propagation. On peut en déduire d'une part que le R0 dépend également dans une certaine mesure du milieu culturel dans lequel l'agent pathogène est présent. Par exemple, un hochement de tête poli de loin pour saluer quelqu'un a un autre effet qu'une poignée de main ou des baisers sur la joue. D'autre part, ce constat fournit déjà des pistes pour la mise en œuvre de mesures capables de contrecarrer la propagation de la maladie en l'absence de vaccin. Le Robert Koch-Institut énumère les mesures suivantes qui peuvent réduire la probabilité de transmission : les règles relatives à l'hygiène des mains, le respect des gestes barrières (éternuer et tousser dans le coude), la distanciation physique ou l'équipement de protection individuel. La distanciation sociale, la mise en quarantaine des cas suspects ou l'isolement des personnes malades peuvent limiter le nombre de contacts et, partant, réduire le R0.
Étant donné que le taux de reproduction net Rt est calculé à partir du chiffre de reproduction de base R0, les facteurs mentionnés ici viennent également l'influencer. En outre, le Rt dépend également du nombre de personnes qui ont déjà acquis une immunité contre l'agent pathogène. À ce jour, aucun vaccin contre le SARS-CoV-2 n'est disponible. Bien qu'actuellement, il existe une théorie contraire à un stade encore précoce, une éventuelle immunité de base était jusqu'à présent exclue. Par « immunité de base », on entend qu'il existait déjà des personnes immunisées contre le virus avant l'apparition du Covid-19 sans qu'elles aient été en contact avec le SARS-CoV-2. Il n'a actuellement pas non plus été prouvé (selon l'OMS) que les personnes qui ont déjà été contaminées et qui ont fabriqué des anticorps sont protégées contre une deuxième infection.
En outre, on dispose de très peu d'informations en ce qui concerne la proportion de personnes immunisées au sein de la population. L'étude CON-VINCE doit permettre d'étoffer les données disponibles au Luxembourg. Dans le cadre de cette étude, on recherche des anticorps dans le sang des personnes testées, c'est-à-dire des traces indiquant que le système immunitaire a combattu l'infection. Les premiers résultats sont attendus dans les semaines à venir. Les échantillons représentatifs obtenus permettront d'estimer le pourcentage de personnes ayant déjà contracté le Covid-19. Ces résultats nous fourniront plus d'informations sur le nombre d'infections non détectées. En saura-t-on aussi davantage sur l'immunité de la population ? On l'ignore encore à ce jour...
Résumé : Ce qu'il faut savoir
Le taux de reproduction indique combien d'individus une personne infectée contamine pendant qu'elle est contagieuse. Le R0 spécifie cette valeur au moment 0, c'est-à-dire lorsqu'une seule personne est infectée, et qu'aucune mesure de protection n'a encore été prise. Ce chiffre de reproduction de base indique donc le potentiel pandémique du virus. Le taux de reproduction évolue au fil du temps, raison pour laquelle on utilise le taux de reproduction net Rt.
Dans les stratégies de sortie du confinement liées à la pandémie de Covid-19, le taux de reproduction joue un rôle important. Car – une fois qu'on a compris le concept qui le sous-tend – il s'agit d'un indicateur parlant qui permet de constater si la propagation du virus est maîtrisée ou non.
- Si le Rt est supérieur à 1, le virus se propage.
- Si le Rt est inférieur à 1, la circulation du virus ralentit.
Actuellement, le Rt est d'environ 1 au Luxembourg.
Le virus semble être maîtrisé. Si des mesures d'assouplissement sont introduites, il faudra surveiller de près la valeur Rt. S'il augmente de façon trop rapide, il est possible que des mesures restrictives s'avèrent à nouveau nécessaires. S'il se situe à un niveau bien inférieur à 1, les mesures peuvent éventuellement être assoupies plus rapidement. À côté d'autres mesures telles que le nombre de nouvelles infections, le nombre de lits d'hôpitaux libres, le personnel hospitalier disponible, etc., il permet de guider les prises de décisions.
Auteur : Kai Dürfeld (scienceRELATIONS - Communication scientifique), Jean-Paul Bertemes (FNR)
Rédaction : Michèle Weber