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Une de vos connaissances a survécu à un cancer du sein ? Vous vous faites vacciner tous les ans contre la grippe ? Vous prenez régulièrement la pilule contraceptive ou occasionnellement des comprimés contre les maux de tête ? Vous avez déjà subi une transfusion sanguine lors d’une opération ? Toutes ces avancées médicales ont fait l’objet d’essais sur des animaux avant de pouvoir être employées sur l’homme. Serions-nous prêts à renoncer à ces avancées ? Ou la recherche ne pourrait-elle pas se passer de l’expérimentation animale ?

L’expérimentation animale ne laisse personne indifférent. D’un côté, ses détracteurs font valoir les droits des animaux pour exiger l’arrêt complet de tous les essais. D’un autre côté, de nombreux chercheurs estiment que le progrès médical est impossible sans l’expérimentation animale. Entre les deux, le public fait face à un véritable dilemme moral.  Expérimentation animale, oui ou non ? Forgez-vous votre propre opinion. science.lu aborde plusieurs questions et points critiques concernant l’expérimentation animale et analyse de près la situation au Luxembourg.

Les patients ainsi que les participants volontaires aux études cliniques sont informés des détails et des risques dès le début de l’étude et doivent consentir par écrit à y participer. Les souris, en revanche, ne sont pas en mesure de donner leur consentement. Par conséquent, comment sont réglementés les essais sur les animaux réalisés dans le cadre de la recherche ?

Comment sont réglementés les essais sur les animaux ?

Les essais sur les animaux réalisés au sein de l’UE sont régis par la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil1. Cette directive a été transposée dans le droit national et protège le bien-être des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Elle détermine :

  • les animaux qui peuvent être utilisés
  • comment obtenir, conserver et traiter ces animaux
  • les procédures expérimentales autorisées
  • les conditions à remplir par l’organisme de recherche pour pouvoir mettre en œuvre ces procédures.

La directive exige également d’éviter, dans la mesure du possible, de réduire et d'améliorer les essais sur les animaux selon un principe reconnu à l’échelle internationale, celui des 3R : « Replace, Reduce, Refine » :

  • Replace - il est souhaitable de remplacer les essais sur les animaux par des procédures qui n’impliquent pas leur utilisation. S’il existe d’autres méthodes reconnues pour atteindre l’objectif de recherche, la directive impose leur utilisation2.
  • Reduce - les essais sur les animaux doivent être élaborés de manière à réduire le nombre d’animaux nécessaires.
  • Refine - les essais sur les animaux doivent être améliorés de manière à minimiser la douleur, la souffrance et le stress subis par les animaux ou à accroître leur bien-être.

Concrètement, cela signifie que certains animaux sont traités sous anesthésie ou après leur avoir administré des analgésiques de façon à leur offrir le meilleur confort possible durant l’essai - comme c’est le cas dans la pratique vétérinaire ou en médecine humaine. Si un animal souffre de façon excessive, il convient de mettre fin à l’essai par euthanasie. Les essais sur les animaux se répartissent en plusieurs classes de gravité (pour en savoir plus, reportez-vous à l’infobox).

La directive de l’UE accorde également une grande importance à la balance dommages-avantages. Elle stipule qu’il est « essentiel, tant pour des raisons morales que dans l’intérêt de la recherche scientifique, de veiller à ce que chaque utilisation d’animal soit soumise à une évaluation minutieuse de la validité scientifique ou éducative, de l’utilité et de la pertinence des résultats attendus de cette utilisation. Il y a lieu de mettre les dommages probables infligés aux animaux en regard des avantages escomptés du projet ».

Et au Luxembourg ?

Au Grand-Duché, la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques est garantie par un Règlement grand-ducal3. Ce Règlement se fonde sur une loi nationale de 1963 (« Vie et bien-être des animaux ») et intègre la directive UE susmentionnée.
 

  • Les organismes de recherche luxembourgeois qui souhaitent utiliser des animaux à des fins scientifiques doivent obtenir une autorisation du ministère de l’Agriculture. Pour ce faire, chaque institut doit notamment disposer d’un expert responsable du bien-être des animaux.
     
  • Chaque projet de recherche impliquant des essais sur des animaux doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès des ministères de l’Agriculture et de la Santé. L’Administration des services vétérinaires du ministère de l’Agriculture analyse les aspects relatifs à la protection des animaux ainsi que le respect des 3R (Replace – Reduce – Refine), tandis que le ministère de la Santé examine les objectifs scientifiques ainsi que le caractère indispensable de l’expérimentation animale.

En outre, chaque organisme de recherche possède un « Animal Welfare Body », c’est-à-dire un comité d’éthique. Celui-ci est composé de l’expert responsable du bien-être des animaux, d’autres scientifiques et d’un vétérinaire. Chaque projet de recherche est analysé par ce comité d’éthique interne avant que la demande d’autorisation ne soit adressée aux ministères.

Quelles sont les alternatives ?

Dès l'instant où des autorités dans le monde reconnaissent l’équivalence de nouvelles méthodes qui n’impliquent pas d’essais sur des animaux, la directive de l’UE impose de les privilégier à l’expérimentation animale.

Des progrès considérables ont déjà été accomplis dans le domaine des études sur la sécurité et la toxicité aiguë. Ces études analysent le niveau de tolérance à l’égard d’une substance ou d’un produit, par exemple un médicament. Dans ce cadre, les essais sur les animaux sont progressivement remplacés par des tests en laboratoire au moyen de cultures de cellules ou tissus.

De nombreuses recherches sont également en cours dans le domaine de ce que l’on appelle les « lab-on-a-chip ». Ces dispositifs consistent à créer un environnement simulant le tissu humain par adjonction de fluides, cellules et produits chimiques dans de petits appareils dotés de minuscules canaux et tuyaux.  Grâce à l’un de ces « laboratoires sur puce » répondant au nom de HuMix, des chercheurs du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine reproduisent par exemple les interactions complexes entre les cellules humaines et les bactéries de l’intestin. Ils peuvent également utiliser l’appareil pour tester l’effet de probiotiques et de médicaments sans recourir à l’expérimentation animale. Un appareil similaire a également été développé par les scientifiques de l’Université du Luxembourg pour tester des médicaments destinés aux maladies neurodégénératives.

Les simulations informatiques constituent un autre outil permettant aux chercheurs d’étudier l’évolution des maladies ou encore d’analyser de nouvelles substances pouvant déboucher sur de nouveaux médicaments. Ils évaluent la toxicité d’une substance en la comparant à des substances similaires. En outre, l’ordinateur permet de simuler de nombreuses hypothèses différentes et de ne donner suite qu'aux plus prometteuses en laboratoire. On peut ainsi réduire le nombre de cultures cellulaires et d’essais sur les animaux.

Les simulations informatiques aident également les étudiants en médecine à apprendre les méthodes chirurgicales. Des simulations de ce type ont notamment été développées par l’équipe de Stéphane Bordas à l’Université du Luxembourg.

Les études par « microdosage » sur l’être humain constituent une autre alternative pour tester des médicaments. Avec cette méthode, des doses minimes sont administrées à des volontaires afin de tester l’absorption et la tolérance (on parle également d’étude clinique – phase 0). On peut ainsi identifier plus tôt le potentiel d’efficacité de nouveaux médicaments et éviter des essais inutiles sur des animaux. Le microdosage est une nouvelle méthode qui, comme toutes les autres, a ses limites ; on ne peut pas garantir que le corps réagira de la même manière à une dose complète.

Certains détracteurs de l’expérimentation animale reprochent aux scientifiques de ne recourir aux essais sur les animaux que parce qu’ils sont plus rapides, moins onéreux et plus pratiques.  Mais ce n’est pas le cas. En effet, de nombreuses alternatives telles que les tubes à essai ou les simulations informatiques sont plus économiques, car elles prennent moins de temps et peuvent être automatisées4. Les essais sur les animaux sont chers – ces coûts élevés s’expliquent non seulement par la réalisation même des essais, mais également par l’acquisition et l’hébergement adapté des animaux, par la formation du personnel ainsi que par les procédures de demande et d’évaluation5.

Que peut-on encore améliorer ?

De nombreux efforts ont déjà été accomplis. Depuis 2013, l’UE interdit de tester les produits et ingrédients cosmétiques sur des animaux6. Les cosmétiques qui ont été testés sur des animaux dans d’autres pays sont également interdits à la vente sur le territoire de l’UE. Motivation de ce règlement européen : les essais sur les animaux ne sont plus nécessaires dans le domaine des cosmétiques parce que les entreprises disposent d’ingrédients autorisés pour le développement de nouveaux produits et de méthodes alternatives pour tester les nouveaux ingrédients et produits, par exemple de la peau humaine conçue artificiellement.

Mais on peut encore aller plus loin dans la promotion et la valorisation de ces alternatives. Parmi les initiatives d’envergure internationale lancées, citons le National Center for the 3Rs en Grande-Bretagne ainsi que l’European Union Reference Laboratory for Alternatives to Animal Testing. Ce dernier a également créé une banque de données (DB-ALM )7 reprenant les méthodes alternatives ainsi qu’un manuel8 pour les rechercher.

Une initiative mondiale appelle également à mieux rendre compte des essais sur les animaux dans la littérature scientifique spécialisée. Cette initiative émane de critiques formulées dans les rangs des chercheurs. Les quelques revues systématiques (« systematic reviews ») traitant d’études comportant des essais sur des animaux sèment le doute concernant la conception, la qualité et la pertinence des études considérées9. Ces examens systématiques sont généralement réalisés par des scientifiques indépendants afin d’évaluer la qualité et la pertinence de la littérature existante.

Les publications scientifiques contiennent souvent des informations lacunaires sur la réalisation et les résultats des essais sur les animaux9. Cela ne facilite pas la tâche de la communauté scientifique lorsqu’il s’agit de planifier de nouvelles études, d’améliorer les méthodes existantes ou d’interpréter les résultats. Pour favoriser un reporting transparent et standardisé des essais sur les animaux, des scientifiques ont élaboré les directives ARRIVE.

Celles-ci peuvent également aider à planifier les essais sur des animaux, car dans ce domaine, on déplore également de nombreuses études lacunaires et partiales10,11. Si le chercheur sait p. ex. quel animal a reçu quel traitement, des erreurs systématiques peuvent survenir dans l’analyse. Pour les études cliniques sur des sujets humains, certaines normes sont fortement recommandées ; l’instauration de normes similaires dans l’expérimentation animale aurait un effet globalement positif sur la qualité de celle-ci.

En plus de développer et d'homologuer des alternatives à l’expérimentation animale, il importe d'affiner les méthodes actuelles.  Pour autant, même si les lois, directives et systèmes pourraient encore être améliorés, un contrôle intégral garantissant que tout est respecté est probablement impossible, comme pour bon nombre d'autres systèmes. Que nous réserve l’avenir ? Peut-on répondre de manière arrêtée à la question : l’expérimentation animale, oui ou non ? Pour en savoir plus, reportez-vous à la partie 3 de cette édition spéciale de science.lu.

Autor: science.lu
Photo: Shutterstock

Quellen

1. http://ec.europa.eu/environment/chemicals/lab_animals/legislation_en.htm

2. http://ec.europa.eu/environment/chemicals/lab_animals/pdf/vivisection/de.pdf

3. http://www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2013/0014/2013A0260A.html

4. http://www.hsi.org/issues/chemical_product_testing/facts/time_and_cost.html?referrer=https://www.google.lu/

5. https://www.aerzte-gegen-tierversuche.de/de/infos/allgemein/269-was-kosten-tierversuche.html

6. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-210_de.htm

7. https://eurl-ecvam.jrc.ec.europa.eu/databases/database-on-alternative-methods-db-alm

8. http://bookshop.europa.eu/en/the-eurl-ecvam-search-guide-pbLBN124391/

9. http://www.bmj.com/content/348/bmj.g3387

10. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC351856/

11. http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1000245

 

Infobox

Combien d’animaux sont utilisés au Luxembourg à des fins scientifiques ?

 

D’après les statistiques de l’Administration des services vétérinaires du ministère de l’Agriculture, 3524 animaux ont été utilisés dans le cadre de procédures à caractère scientifique en 2015 au Luxembourg. 87 % d’entre eux étaient des souris, 2 % des rats et 11 % des poissons-zèbres. Au Luxembourg, l’expérimentation animale se limite à la recherche fondamentale (99 %) et à la recherche translationnelle (recherche qui tente d’appliquer les résultats de la recherche fondamentale à la pratique) dans des organismes de recherche publics qui disposent d’une autorisation des ministères de l’Agriculture et de la Santé.

 

Quels types d’essais sur des animaux réalise-t-on au Luxembourg ?

 

Aujourd’hui (situation au mois de septembre 2016), aucun nouveau médicament n’est testé sur des animaux au Luxembourg. En 2015, les animaux de laboratoire ont surtout été utilisés dans la recherche sur le cancer, le système nerveux, le système immunitaire et le système cardiovasculaire. 4 % des animaux ont été utilisés dans des procédures de la classe « sans réanimation », 47 % dans la classe « gravité légère », 48 % dans la classe « gravité modérée » et 1 % dans la classe « gravité sévère ». Le degré de gravité d’une procédure est fonction de l’intensité de la douleur, de la souffrance, de l’angoisse ou du dommage durable qu’un animal donné risque de subir au cours de la procédure. Pour de plus amples informations à ce sujet, cliquez ici.

 

Expérimentation animale : exemples par classe de gravité

 

« Légère » :

  • Une IRM sous anesthésie ou sous analgésiques.
  • Une étude dans le cadre de laquelle une dose unique d’une substance est injectée à l’animal et une petite quantité de sang lui est prélevée. La substance administrée ne peut pas avoir d’effets indésirables.

« Modérée »

  • Une transplantation d’organe sous anesthésie générale ou sous analgésiques.
  • Lorsqu’un rongeur adulte ne reçoit pas à manger pendant 48 heures.

« Sévère »

  • Croissance de tumeurs apparues spontanément ou provoquées artificiellement, qui entraînent progressivement une maladie douloureuse sur une période prolongée.

« Sans réanimation »

  • Procédures entièrement réalisées sous anesthésie générale de laquelle l’animal ne se réveillera pas.

 

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