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Actuellement, dans le monde entier, les hommes suivent avec grande attention la course aux vaccins avec l’espoir de retrouver bientôt, ou du moins peu à peu, plus de normalité. Pourtant, nombreux sont ceux qui, dans le même temps, sont sceptiques. Comment est-ce possible que le développement d’un vaccin prenne habituellement si longtemps et que tout se déroule désormais si rapidement ?
Afin de comprendre le développement d’un vaccin et la vérification de sa sécurité, il faut comprendre certains termes tels que études précliniques, études cliniques, phases 1, 2, 3, 4… encore tout un tas de mots que la plupart d’entre nous n’ont encore jamais vus. Que signifient ces mots/concepts ? Comment fonctionnent les différentes phases de vérification de la sécurité de nouveaux vaccins ? Et surtout, comment cette phase 3, dont on parle beaucoup en ce moment, fonctionne-t-elle exactement ?
Un aperçu.
Les phases du développement d’un vaccin
Quand un nouvel agent pathogène apparaît, par exemple un virus, les chercheurs commencent tout d’abord par l’analyser. Ils cherchent de façon ciblée les composants des agents pathogènes qui mettent en alerte le système immunitaire. Ce savoir leur permet de concevoir leurs candidats-vaccins. Ils déterminent l’élément du virus que devra contenir le futur vaccin et qui devra entraîner le système immunitaire.
Ensuite, des tests seront effectués sur la sécurité du vaccin. Si tout est ok de ce côté-là, le vaccin est autorisé et la production ainsi que la distribution peuvent commencer.
Illustration © vfa (Verband Forschender Arzneimittelhersteller e.V.)
Ce sont surtout les étapes 2,3 et 4 qui veillent à la sécurité du vaccin. Nous allons exposer ci-dessous les différentes phases nécessaires à la vérification de la sécurité d’un vaccin.
Développement du vaccin et phases d‘études
Les vaccins doivent nous protéger d’une infection de manière fiable et ne pas provoquer d’effets secondaires qui nous rendraient malades. Afin d’exclure le plus possible les effets secondaires, il est nécessaire d’effectuer un grand nombre d’études. Ce n’est qu’à l’issue de celles-ci que le vaccin peut être autorisé et ensuite utilisé. Lors de ces essais, l’efficacité et la tolérance des principes actifs sont testés sur un nombre toujours croissant de sujets dans différentes phases. Voici un graphique résumant les différentes phases nécessaires à la vérification de la sécurité du vaccin :
Etudes précliniques
Lors des études précliniques, les candidats-vaccins doivent tout d’abord faire leurs preuves sur des cellules dans une boîte de Petri et sur des modèles animaux. Il s’agit de tester leur efficacité mais surtout de déterminer une toxicité éventuelle de la substance.
Etudes cliniques
Lors des études cliniques, tous les vaccins doivent faire leurs preuves avant d’obtenir l’autorisation d’être utilisés pour un traitement sur les humains. Il faut d’une part réduire les effets secondaires et d’autre part déterminer de façon sûre les effets désirés. Les études cliniques sont composées de trois phases avant autorisation et d’une quatrième phase après autorisation.
Phase 1
Lors de cette première phase, c’est la tolérance du vaccin qui est au premier plan. Les scientifiques la testent sur un nombre limité de sujets. Ce sont en général entre 10 et 30 volontaires sains âgés de 18 à 55 ans. Un deuxième groupe reçoit un placebo inefficace et sert de référence.
Phase 2
Lors de la phase suivante, la substance est donnée à un nombre plus important de volontaires, souvent entre 50 et 500. Il faut maintenant déterminer à partir de quelle dose le système immunitaire est activé. Pour ce faire, des analyses de sang sont effectuées régulièrement afin de rechercher les anticorps. Les effets secondaires indésirables sont eux-aussi examinés. La phase 2 comprend également un groupe comparatif qui reçoit un placebo. Lorsque cette étude est terminée, c’est au tour de la plus déterminante : la phase 3.
Phase 3
Plusieurs dizaines de milliers de sujets prennent part à la dernière phase d’étude avant autorisation. Cette phase étant actuellement sur toutes les lèvres, nous l’explorerons de manière plus approfondie dans le paragraphe suivant.
Phase 4
Les études ne s’achèvent pas avec l’autorisation de mise sur le marché et l’utilisation du vaccin. Lors d’une quatrième phase, une observation sur le long terme est mise en place afin d’assurer la détection d’effets secondaires minimes ou d’effets à long terme.
Dans le cas où un vaccin fait l’objet de doutes légitimes quant à sa sécurité lors de la phase préclinique ou lors d’une des 3 premières phases des études cliniques, il n’est pas autorisé sur le marché. Si des problèmes surviennent après l’autorisation, le vaccin peut être retiré ultérieurement.
Comment fonctionne la phase 3 ?
Plusieurs milliers voire plusieurs dizaines de milliers de sujets participent à la dernière phase d’essai avant autorisation. Le vaccin doit prouver que dans la vie quotidienne il protège d’une infection aux agents pathogènes. Là aussi, un groupe de patients reçoit la préparation tandis que l’autre reçoit un placebo ou un vaccin déjà autorisé contre l’agent pathogène. Cela permet une étude comparative et aide à mieux évaluer l’efficacité de la nouvelle préparation.
À l’heure actuelle, les scientifiques attendent et examinent leurs sujets régulièrement. Car ils veulent savoir combien ont été infectés par le virus dans leur quotidien. Ils mettent ensuite le nombre de personnes infectées du groupe vacciné en rapport avec le groupe ayant reçu un placebo. Ainsi, ils peuvent déterminer la probabilité avec laquelle le vaccin protège d’une infection.
Par exemple : un vaccin contre le Sars-CoV-2 est testé en phase 3. Imaginons que 10.0000 personnes reçoivent le vaccin et 10.000 un placebo. Il faut maintenant attendre jusqu’à ce que par ex. 100 personnes soient contaminées par la Covid-19. Ensuite, il faut surveiller la répartition.
Si sur les 100 personnes infectées, 50 appartiennent au groupe-placebo et 50 appartiennent au groupe ayant reçu le vaccin, alors l’efficacité du vaccin ne peut pas être prouvée. Toutefois, si le ratio est par ex. de 80/20, cela indique une certaine efficacité du vaccin. Si le ratio est de 95/5, cela laisse supposer une efficacité relativement grande du vaccin. Les producteurs de vaccin indiquent cette efficacité en pourcentage.
Ensuite, il faut encore attendre jusqu`à ce que par ex. les 100 prochaines personnes soient infectées. Une fois encore, la répartition de la maladie est observée. C’est pourquoi les premières indications concernant l’efficacité peuvent changer avec le temps.
Prenons l’exemple des candidats-vaccins avec le ratio 80/20 dans le premier rapport intermédiaire. Il est possible que dans le deuxième rapport intermédiaire, le ratio passe à 90/10. Cela nous indiquerait que le vaccin fonctionne bien mais que la réponse immunitaire du corps nécessite un certain temps.
Qu’en est-il des vaccins qui se trouvent jusqu’à présent en phase 3 ?
Dans le cas de Biontec/Pfitzer, l‘évaluation intermédiaire du 8 novembre se présente ainsi : elle comprend 43.538 participants. Parmi eux, 38.955 avaient, à ce moment-là, déjà reçu la deuxième dose du candidat-vaccin (respectivement le deuxième placebo). L’évaluation intermédiaire a été publiée suite à l’apparition de la 94ème maladie confirmée. Le producteur du vaccin a déclaré une efficacité de 90%. Des données plus précises n’ont pas été données. (À titre comparatif : l’efficacité de vaccins tels que rougeole, rubéole et oreillons se situe entre 93-99%. Celle de la grippe, nettement moins).
Dans le cas de Moderna, les chiffres semblent, d’après l’évaluation intermédiaire du producteur, encore meilleurs. Fin octobre, les derniers sujets sur les 30.000 participants ont reçu leur deuxième dose. Les résultats présentés se basent sur les 95 premiers cas d’une contamination à la Covid-19. 90 d’entre eux faisaient partie du groupe placebo (parmi eux, 11 patients ont développé une forme grave de la maladie), 5 d’entre eux faisaient partie du groupe qui avait reçu le vaccin (parmi eux, aucun n’a développé de forme grave). Suite à cela, l’entreprise a déclaré une efficacité de 94,5%.
Le facteur temps dans la phase 3…
On l’a vu, la phase 3 prend plus de temps puisqu’il faut attendre que suffisamment de personnes soient infectées pour avoir à sa disposition suffisamment de données significatives. C’est pourquoi, dans le cadre de la pandémie Covid-19, certains scientifiques mettent en jeu les Human Challenge Trials. Lors de cette étude, on n’attend pas que les sujets s’infectent naturellement dans leur quotidien mais, après avoir été vaccinés, les scientifiques les contaminent de façon ciblée. Alors que les chercheurs américains cherchent activement des volontaires pour une telle étude, pour d’autres pays, comme par exemple l’Allemagne, c’est le côté éthique qui prime.
Une fois les obstacles surmontés, les autorités compétentes évaluent les résultats et autorisent l’utilisation du vaccin.
En temps normal, ce processus dure des années. Pourquoi tout cela peut-il se dérouler si rapidement dans le cadre du Sars-Cov-2 ?
En règle générale, tout le processus de fabrication d’un vaccin dure plusieurs années. Mais comme en ce moment, le monde entier attend impatiemment un vaccin, tout est mis en œuvre pour avoir plusieurs vaccins à disposition. À l’heure actuelle, dans une opération sans précédent, un très grand nombre d’entreprises et d’universités travaillent en parallèle plus intensivement que jamais à la découverte d’un vaccin contre le Sars-Cov-2. Jamais encore cela ne fut le cas pour aucune autre maladie. Actuellement, l’OMS compte 212 projets de vaccins, parmi lesquels certains sont déjà très avancés dans leur développement. Plus le nombre de vaccins testés simultanément est important, plus la probabilité que l’on détecte rapidement une efficacité de l’un d’entre eux est élevée.
Afin de gagner du temps, l’Agence Européenne des Médicaments, a appelé des entreprises et des centres de recherche à effectuer des recherches communes. D’autres moyens consistent à raccourcir les délais des procédures de demandes. L’agence Européenne des Médicaments (AEM) effectue des contrôles sur les vaccins alors que les données sont encore collectées. Normalement, les tests doivent être terminés avant d’être présentés à l’AEM. C’est ce que l’on appelle Rolling Submission (d’ailleurs déjà une pratique courante aux USA avant la Covid-19). Cette procédure permet – si l’efficacité et l’innocuité sont avérés – d’autoriser un vaccin seulement quelques jours après la fin des tests.
Dans le cas du vaccin russe, la phase 3 des tests sur les vaccins a tout simplement été ignorée. Mais en Europe, cela n’est pas autorisé et a été la cible de nombreuses critiques à travers le monde. Les vaccins autorisés par l’UE doivent régulièrement passer par les différentes phases de développement du vaccin.
Auteurs : Kai Dürrfeld (Science Relations), Jean-Paul Bertemes (FNR)
Editrice : Melanie Reuter (FNR)