Adobe Stock
Un épidémiologiste et un infectiologue nous livrent des réponses.
- Les prépublications brossent un portrait cohérent du nouveau variant. Elles suggèrent qu’Omicron entraîne des formes moins graves chez les personnes infectées.
- Actuellement, le nombre élevé de nouveaux cas et la forte contagiosité d’Omicron constituent les principaux défis pour le système de santé.
- À l’issue de cette vague, Omicron pourrait porter l’espoir d’une sortie de la pandémie – mais rien n'est encore sûr. De mauvaises surprises dues à de nouveaux variants ne peuvent pas être exclues.
Le variant Omicron du coronavirus s’est propagé dans le monde entier en un temps record. Dans de nombreux pays, il a supplanté Delta et provoque un nombre de cas sans précédent. Actuellement, le nombre d’infections est deux fois plus élevé que le nombre maximum de cas recensés précédemment dans cette pandémie.
Et pourtant, les chercheurs ne tirent pas la sonnette d’alarme comme lors des vagues précédentes. Au contraire, cette fois, les mises en garde des scientifiques semblent plus modérées. Mais sur quelles informations le monde scientifique s’appuie-t-il pour un variant aussi nouveau ? Ces connaissances sont-elles fiables et quelles conclusions permettent-elles de tirer sur l’évolution de la pandémie ?
Une opinion majoritaire claire à propos d’Omicron
Étant donné que le variant Omicron n’est connu que depuis environ deux mois, de nombreuses études à ce sujet en sont encore au stade de la prépublication, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas encore été examinées et vérifiées par d’autres chercheurs. Les résultats d’une seule étude en prépublication n'ont donc pas encore valeur de preuve. Malgré tout, la situation dépeinte par les études les plus récentes, par exemple celles qui proviennent d’Angleterre et des États-Unis, est claire, explique l’épidémiologiste luxembourgeois Joël Mossong : « Les données disponibles à ce jour vont toutes dans le même sens. » Ainsi, la probabilité de tomber gravement malade après une contamination à Omicron est plus faible qu’avec le variant Delta. C’est d’ores et déjà l’opinion qui prévaut clairement à propos d’Omicron. De même, il a déjà été démontré que le nouveau variant est nettement plus contagieux.
D’un point de vue qualitatif – c’est-à-dire lorsqu’on décrit la différence entre Omicron et Delta – cette affirmation sur la dangerosité du nouveau variant peut déjà être avancée. Sur le plan quantitatif – c’est-à-dire en termes de chiffres précis, par exemple sur la contagiosité accrue du variant – une évaluation devrait toutefois rester délicate pendant un certain temps.
Ce que l’on ignore encore : dans quelle mesure Omicron est plus contagieux et provoque des symptômes moins graves
« Il n’est guère possible de comparer la situation liée au variant Delta à celle engendrée par Omicron », explique l'infectiologue suisse Hansjakob Furrer. En effet, pour chaque vague, la situation de départ est différente : le statut vaccinal, les mesures de protection et le comportement de la population sont en constante évolution. Pour opérer une comparaison directe, on peut donc tout au plus essayer de confronter des groupes de population identiques dans différentes vagues. « Mais en procédant de la sorte, on perd tout de suite en précision, car il faut exclure une grande partie des données, ce qui augmente l’incertitude », fait remarquer Hansjakob Furrer. Il apparaît toutefois de plus en plus clairement que le risque d’hospitalisation avec Omicron est réduit de près de deux tiers par rapport à Delta, comme le montre notamment une étude réalisée en Écosse.
Pourquoi Omicron provoque-t-il moins de formes graves de la maladie ?
« Les données issues des observations épidémiologiques sont confirmées par des analyses en laboratoire qui expliquent le changement de comportement du virus par des causes biologiques », a déclaré l’épidémiologiste Joël Mossong.
L’infectiologue Hansjakob Furrer confirme : « Les prélèvements effectués sur nos patients révèlent un nombre nettement plus élevé de virus dans la partie supérieure du pharynx. Cela signifie qu’en respirant, en toussant ou en parlant, un plus grand nombre de virus sont projetés dans l’air. » C’est ce qui explique la contagiosité nettement accrue du variant Omicron. En revanche, il semblerait que la charge virale dans les poumons ait diminué. Cela pourrait expliquer les formes plus légères, car c’est dans les poumons que le coronavirus provoque les plus grands de problèmes de santé.
Les semaines à venir seront difficiles
Par rapport à Omicron, tous les variants précédents provoquaient plus de formes graves de la maladie – le renversement de tendance est donc a priori une bonne nouvelle. Mais il est encore bien trop tôt pour se réjouir, prévient Joël Mossong : « Omicron devient dangereux parce qu’il provoque moins de symptômes graves chez un nombre plus important de personnes. » En d’autres termes, même si, proportionnellement, moins de personnes infectées sont admises en soins intensifs, elles pourraient à un moment être trop nombreuses en raison du nombre élevé d'infections.
La situation de départ a toutefois changé : par rapport à l’hiver dernier, un nombre bien plus élevé de personnes sont mieux protégées contre les formes graves de la maladie grâce à la vaccination. « Nous sommes arrivés à un point où l’immunité au sein de la population pourrait être suffisante pour que le système de santé ne s’effondre pas complètement dans les prochaines semaines », explique Joël Mossong. On l’a déjà observé en Afrique du Sud, au Danemark ou encore en Grande-Bretagne.
Néanmoins, rien que le nombre de cas constitue un défi de taille. Le 4 janvier, plus de 2 000 cas ont été recensés au Luxembourg, soit plus de deux fois plus d’infections que lors du pic infectieux de l'hiver précédent. Concrètement, le nombre élevé d’infections se traduit donc avant tout par un pourcentage élevé de salariés absents pour des raisons de maladie. Cela nuit tant aux hôpitaux qu'au reste du monde du travail.
« Les goulots d’étranglement dans le monde du travail peuvent aussi représenter un risque », fait remarquer Joël Mossong. Alors que jusqu’à présent, le principal problème était le taux d’occupation en soins intensifs, c’est désormais le manque de personnel en soins normaux qui pose problème. « Nous devons nous préparer à ce que tout ne se passe pas comme habituellement. »
L’endémie est-elle la solution ?
Une fois de plus, la pandémie se transforme en défi – « Mais c’est une question de quelques semaines, peut-être deux mois », affirme l’épidémiologiste Joël Mossong. Les prévisions pour la suite des événements s’annoncent toutefois meilleures qu'il y a deux mois.
Hansjakob Furrer avait déjà anticipé que des variants de plus en plus contagieux deviendraient dominants : « Le virus qui se transmet le plus facilement s’imposera toujours. » Mais il n’était pas forcément prévisible que cela rendrait le virus plus inoffensif : comme la plupart des malades ne décédaient que lorsque la phase d’infectiosité maximale était déjà passée, la mortalité plus élevée ne constituait pas un obstacle à la propagation du virus. Une telle caractéristique, qui ne constitue pas un inconvénient évolutif pour la multiplication du virus, ne s’estompe pas nécessairement. « Le fait que le variant le plus contagieux soit un variant qui provoque moins de symptômes était un coup de chance », déclare Hansjakob Furrer.
Cette situation ouvre la voie pour que la pandémie de Covid-19 se transforme en endémie, c'est-à-dire une situation dans laquelle une maladie circule continuellement dans une région. En effet, de nombreux spécialistes s’accordent à dire qu’après la vague Omicron, il ne restera que peu de personnes qui ne seront ni guéries ni vaccinées. Si les futurs variants provoquent eux aussi des symptômes moins sévères, à l’instar d’Omicron, le coronavirus pourrait effectivement rejoindre les rangs des virus provoquant une grippe banale qui circulent en permanence, sans que le système de santé menace à nouveau de s’effondrer comme lors de la pandémie.
D’autres surprises avec de nouveaux variants ne sont pas exclues
« Mais environ tous les six mois, un nouveau variant fait son apparition, comme nous avons pu le constater jusqu’à présent », fait remarquer Joël Mossong. « C’est pourquoi il ne faut pas annoncer trop tôt la fin de la pandémie et que nous devons nous préparer à d’autres surprises. » Un nouveau variant pourrait à nouveau provoquer des symptômes plus graves ou au contraire, des formes encore moins sévères. Il pourrait aussi contourner la protection immunitaire ou non. On l’ignore.
L’épidémiologiste n’exclut pas que la situation requière à nouveau des mesures supplémentaires l'hiver prochain. L’infectiologue Hansjakob Furrer ajoute : « Il existe aussi des maladies telles que la dengue, qui est endémique dans certains pays tropicaux. C’est une maladie grave, qui peut rendre les gens gravement malades et faire des milliers de victimes. » Mais même s'il s'agit tout d’abord de surmonter la vague Omicron, les premiers signes de sortie de la pandémie sont plus nombreux que jamais.
Auteur : Jochen Tempelmann (Scitec Media)
Rédaction : Jean-Paul Bertemes (FNR), Michèle Weber (FNR)
Traductrice: Nadia Taouil (t9n)