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Le SARS-CoV-2 a-t-il éradiqué les virus de la grippe ?

Certains indices laissent supposer que dans l'hémisphère sud, la saison grippale de 2020 a été moins virulente que les autres années. Pourquoi ? L'hypothèse la plus évidente est que les mesures strictes de protection contre le SARS-CoV-2 ont également un effet sur les infections dues aux virus de la grippe, qui provoquent chaque hiver des épidémies de grippe saisonnière en Europe. Mais cela signifie-t-il qu’il n’y aura pas de saison grippale 2020/2021 au Luxembourg ? Faut-il tout de même se faire vacciner contre la grippe ? Et la pandémie va-t-elle peut-être même éradiquer complètement les virus ? Voici des éléments de réponse à ces questions.

Chaque hiver, les virus de la grippe deviennent actifs en Europe. Ils sont à l'origine de la grippe saisonnière. Entre le mois d’octobre et celui d’avril de l'année suivante, les autorités sanitaires nationales recensent le nombre de cas de grippe. Une vague déferle généralement sur le continent début janvier, qui dure trois à quatre mois. Mais la saison 2019/2020 s'est déroulée un peu différemment.

Dans l'hémisphère nord, la saison grippale 2019/2020 a été plus courte d'environ six semaines que les saisons précédentes. C'est ce qu’indiquent les données du système mondial de surveillance de la grippe FluNet. À la SRF (Schweizer Radio und Fernsehen), des virologues ont signalé qu'au début 2020, « pendant trois à quatre semaines, la Covid-19 prédominait largement et que la grippe ne circulait quasiment plus ». Ils soupçonnent l’existence d’un lien avec la pandémie alors naissante de Covid-19.

Une étude menée à Singapour, qui a comparé le nombre de cas de grippe avant et après la mise en place des mesures de protection contre la Covid-19 avec les chiffres des trois dernières années, a également observé un faible nombre de patients atteints de la grippe ou présentant des symptômes de type grippal pendant la saison 2019/2020. Ici, les scientifiques avancent également les mesures mises en place, telles que la distanciation sociale et l'hygiène personnelle comme explications possibles.

Au Luxembourg, le Laboratoire national de santé (LNS) a observé une tendance similaire à celle constatée dans toute l'Europe pendant la saison grippale 2019/2020 dans le cadre de sa surveillance Sentinelle (vous trouverez plus d'informations à ce sujet ci-dessous) : « L'activité grippale dans le réseau Sentinelle s'est étendue de la semaine 3/2020 à la semaine 11/2020 avec un pic d’intensité à plus de 50 % de personnes positives entre les semaines 4 et 8/2020 », indique le rapport du LNS. Cependant, à partir de la mi-mars 2020, aucun test de dépistage de la grippe n’a été effectué, car toutes les capacités des laboratoires étaient mobilisées pour effectuer des tests de dépistage de la Covid-19. Cependant, depuis octobre 2020, avec le début de la nouvelle saison grippale, des cas de grippe ont à nouveau été recensés au Luxembourg – mais pas plus de neuf jusqu'à présent (vous trouverez plus d’informations sur la saison grippale 2020/2021 ci-dessous).  

graphique surveillance grippe Luxembourg 2019 2020

Fig. : nombre (axe Y gauche) ou pourcentage (axe Y droit) de tests de dépistage de la grippe positifs au Luxembourg (en haut) et en Europe (en bas) par semaine calendrier (axe X) de la saison grippale 2019/2020.

Dans l'hémisphère sud, les virus de la grippe sont actifs entre juin et septembre pendant l'hiver austral. En ce qui concerne la saison grippale 2020 dans l'hémisphère sud, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) signale beaucoup moins de cas de grippe recensés qu’à la même période l'année précédente. Par exemple, selon le système mondial de surveillance de la grippe FluNet, il n'y a eu que 57 résultats positifs pour le virus de la grippe sur 85 905 échantillons en Australie, au Chili et en Afrique du Sud entre début avril et fin juillet 2020. Selon FluNet, au cours des trois dernières années, plus de 13 000 résultats positifs ont été recensés en moyenne sur près de 83 000 échantillons par an.

diagram % positive influenza tests SA, AUS, Chile (2017-2020)

Fig. : pourcentage de tests de dépistage de la grippe positifs par semaine pour l'Australie, le Chili et l'Afrique du Sud en 2017-2020. Source : FluNet

En Nouvelle-Zélande, les scientifiques ont enregistré une baisse comparable des cas de grippe. Un système de surveillance des symptômes grippaux qui couvre plus de 30 000 personnes par an n’a recensé que 0,3 % de personnes atteintes de la grippe pour la saison 2020, soit dix fois moins que les années précédentes.

Actuellement, trois raisons sont mises en avant pour expliquer pourquoi la saison grippale a été bien moins virulente l'année dernière.

Mesures de protection contre la Covid-19

Les mesures de protection contre la Covid-19 sont avancées comme une explication possible. Les règles pour la réduction des contacts – distanciation, respect des mesures d'hygiène (règles d'hygiène en cas de toux et d'éternuement et hygiène des mains) et port du masque au quotidien – rendraient également plus difficile la transmission d'autres virus.

Cela semble assez logique, étant donné que les coronavirus et les virus de la grippe se transmettent par aérosols. Les agents pathogènes se trouvent dans de minuscules gouttelettes sécrétées par l’organisme, que nous expulsons en toussant, en éternuant ou en parlant. Une fois inhalées par l'autre personne, elles pénètrent dans le corps par les muqueuses et peuvent y causer une infection.

À ce propos, il est intéressant de savoir que les rhinovirus, qui provoquent le rhume, n’ont pas le même mode de propagation. Ceux-ci se transmettent moins par la projection d'aérosols – ils peuvent uniquement rester infectieux plus de 15 minutes dans l’air très humide – que par contact. Cela pourrait laisser entendre que les mesures d'hygiène actuellement recommandées telles que le lavage ou la désinfection des mains sont appliquées de façon moins stricte que la distanciation et le port de masque.

Causes immunologiques

Outre l'influence des mesures de protection contre la Covid-19, les causes immunologiques sont également évoquées pour expliquer la virulence moins marquée de la saison grippale.

Par exemple, une propagation du SARS-CoV-2 pourrait libérer des substances messagères qui rendent plus difficile la prolifération d'autres virus dans la région naso-pharyngée. Cependant, la question de savoir si le virus du SARS-CoV-2 repousse d'autres agents pathogènes n'a pas encore été tranchée définitivement. En effet, de premières indications montrent que les virus de la grippe dans l'organisme pourraient faciliter la transmission du SARS-CoV-2  (voir ci-dessous).

En outre, il apparaît que les personnes qui présentent une infection par un rhinovirus sont moins sensibles au virus de la grippe. Pendant la pandémie de grippe porcine de 2009, qui a été causée par un nouveau virus de la grippe A, les données recueillies dans plusieurs pays européens ont suggéré que la propagation du nouveau virus de la grippe pourrait avoir été interrompue par les épidémies annuelles de rhinovirus à l'automne. Les chercheurs supposent que l'interféron produit lors d'une infection par un rhinovirus joue un rôle dans ce contexte. Les interférons sont également des substances messagères produites par l’organisme pour inhiber la prolifération des virus.

Capacités des laboratoires

Une troisième raison pourrait être la charge extraordinaire que la Covid-19 fait peser sur les systèmes de santé. L'augmentation du nombre de tests de dépistage de la Covid-19 réalisés depuis mars 2020 pourrait également expliquer pourquoi on a recensé moins de cas de grippe. En effet, les tests de dépistage de la Covid-19 ont soudainement mobilisé une grande partie des capacités des laboratoires, au détriment des tests de détection des virus de la grippe. C'était, par exemple, le cas au Luxembourg, où le LNS n’a plus effectué de tests de dépistage de la grippe à partir de la mi-mars 2020, car les laboratoires se concentraient exclusivement sur la Covid-19

Ainsi, l'OMS appelle à la vigilance en ce qui concerne l'interprétation des données. Car lorsque les laboratoires s’emploient à effectuer des tests de dépistage de la Covid-19 24 heures sur 24, il ne reste que peu de capacités pour réaliser des tests de dépistage de la grippe.

Le faible nombre de cas de grippe recensés officiellement pourrait également s’expliquer par le fait que les personnes malades ont peur de se rendre chez le médecin ou à l'hôpital par crainte d’attraper le coronavirus.

La grippe saisonnière fait l'objet d'une évaluation chaque année dans le cadre de la surveillance Sentinelle. Il s'agit d'un outil issu du domaine de l'épidémiologie avec lequel les acteurs impliqués recueillent des données sur la présence d'une maladie particulière sur une base volontaire et pendant une période prolongée. Au Luxembourg, il s’agit d'une collaboration entre le département de microbiologie du LNS, la Direction de la Santé, ainsi qu’un réseau de pédiatres et de médecins généralistes. Les données recueillies permettent de déterminer le pourcentage de patients présentant des symptômes de type grippal et celui de personnes souffrant d'infections respiratoires aiguës. En outre, les prélèvements naso-pharyngés indiquent si des virus de la grippe sont présents chez les patients et de quel type il s’agit. Les données sont recueillies hebdomadairement pendant la saison grippale, d'octobre à avril.

L'avant-dernière semaine de 2020, le LNS a fait état d'une « activité grippale modérée ». Entre le 21 et le 27 décembre, quatre patients sur 185 suivis ont consulté leur médecin pour des symptômes de type grippal, soit 2 % au total. Vingt-huit patients (15 % des consultations) ont présenté des infections respiratoires aiguës telles qu’une inflammation des bronches (bronchite), des muqueuses nasales (rhinite) ou des poumons (pneumonie).

Des tests de dépistage pour huit virus différents ont été effectués chez 235 patients qui se sont rendus pendant la même période au Covid Consultation Center au Kirchberg avec des symptômes grippaux ou d'autres infections respiratoires. Sur ces 235 tests, un seul s’est avéré positif au virus de la grippe (B), 28 tests étaient positifs au rhinovirus humain (HRV) et 52 au nouveau coronavirus SARS-CoV-2.

Durant la première semaine de janvier, un seul patient présentant des symptômes de type grippal et 34 atteints d'autres infections respiratoires ont été recensés sur un total de 243 consultations. Pendant cette semaine, des tests de dépistage de différents virus ont été effectués sur 114 patients du Covid Consultation Center au Kirchberg. Aucun d'entre eux n'a été testé positif au virus de la grippe. C’est pourquoi l'activité grippale a été qualifiée de « faible » pour la première semaine de janvier.

Pendant la saison grippale 2020/2021, 35 patients présentant des symptômes de type grippal et deux cas de grippe positifs ont été recensés au total dans le cadre de 3005 tests (taux de positivité de 0,06 %) à l'issue de la semaine 1. À la même période de l'année dernière (semaine 1/2020), 33 patients présentant des symptômes de type grippal et six cas positifs avaient été recensés sur seulement 96 tests (taux de positivité de 6,25 %).

Dans une interview accordée à Radio 100.7, l'épidémiologiste Joël Mossong de l'Inspection Sanitaire a déclaré qu'au 15 janvier, neuf personnes avaient été testées positives au virus de la grippe. 

L'année dernière, une forte hausse du nombre de consultations pour des symptômes de type grippal avait été observée à partir de la troisième semaine de janvier. Cette tendance avait atteint un premier sommet trois semaines plus tard avec près de 9 % des visites chez le médecin, pour retomber à un peu plus de 2,5 % la dixième semaine calendrier. Elle a connu un deuxième pic correspondant à un peu plus de 10 % des visites pour des symptômes de type grippal au cours de la dernière semaine de mars 2020. La saison grippale de 2018/2019, en revanche, n'a pas connu ce deuxième pic.

Les derniers chiffres relatifs au Luxembourg reflètent une tendance dans toute l'Europe. Selon le Dr Guillaume Fournier du Laboratoire national de santé, il y a eu jusqu'à présent globalement peu de cas de grippe répertoriés pour la saison grippale 2020/2021 : moins de 400 sur 150 000 tests du réseau de surveillance.

L'épidémiologiste Joël Mossong s'attend à une saison grippale modérée au Luxembourg. Cette situation complique par contre la mise au point de vaccins pour la prochaine saison grippale. Si l'on ajoute à cela le fait que moins de personnes entreront en contact avec les virus de la grippe cette saison, il se pourrait que la prochaine saison grippale 2021/22 soit plus virulente. On aurait déjà observé à plusieurs reprises par le passé qu'une saison avec peu de cas de grippe est suivie d'une saison grippale plus virulente. 

Fig. : pourcentage de patients présentant des symptômes de type grippal. La courbe rouge représente les chiffres communiqués par le réseau Sentinelle jusqu'à la première semaine de 2021. La courbe grise en pointillés représente les chiffres des saisons précédentes. Il faut garder à l’esprit que tous les patients qui se présentent chez le médecin avec des symptômes de type grippal ne font pas l’objet de tests de dépistage de la grippe. Source : LNS.

Cet hiver aussi, la vaccination contre la grippe est recommandée pour les groupes de population à risque. Il s'agit, par exemple, des personnes âgées, des personnes souffrant d’affections chroniques, des femmes enceintes et du personnel médical. Afin de ne pas saturer le système de santé, certains experts, de même que la Direction de la Santé luxembourgeoise conseillent également aux personnes n'appartenant pas à ces groupes de population à risque de se faire vacciner. L'immunologiste américain Anthony Fauci recommande également la vaccination contre la grippe, tout comme le virologue allemand Hendrik Streeck. À la ZDF, il a affirmé : « L’avantage avec la vaccination contre la grippe, c’est que si beaucoup de gens se font vacciner et qu’une épidémie de grippe devait éclater, nous ne verrons au moins pas ces personnes-là à l'hôpital. » L’infectiologue Manuel Battegay de l'hôpital universitaire de Bâle a estimé en septembre 2020 qu'il fallait néanmoins s'attendre à une épidémie de grippe. À la SRF (Schweizer Radio und Fernsehen), il a déclaré : « C'est pour cette raison que la vaccination est si importante pour les indications correspondantes, c’est-à-dire pour les groupes de population à risque. Cela évitera qu’un problème de grippe vienne s’ajouter à la pandémie actuelle. »

Cependant, éviter la saturation du système de santé avec des cas de grippe supplémentaires ne semble pas être le seul argument en faveur de la vaccination contre la grippe. En effet, des chercheurs allemands et français ont trouvé des indices permettant de conclure que la présence de virus de la grippe dans l'organisme pouvait doubler la contagiosité du SARS-CoV-2. Toutefois, cette étude n'est pour l'instant disponible que sous la forme d’une publication préliminaire, c'est-à-dire qu'elle n'a pas encore été revue par des scientifiques indépendants dans le cadre d’une évaluation par les pairs. De plus, l’auteur principal de l'étude était assez proche de l'industrie pharmaceutique de 2017 à 2019. Il travaillait à l'époque avec les sociétés pharmaceutiques Pfizer et GSK. GSK produit, entre autres, des vaccins contre la grippe.

Chez les personnes âgées de plus de 65 ans, on constate que le taux de vaccination est passé de 42,8 % en 2001 à 53,7 % en 2008 dans ce groupe de population à risque au Luxembourg. Depuis lors, il n'a cessé de décroître, atteignant 39,8 % en 2018. Même si ce taux est supérieur à celui de la Lettonie (7,7 % des plus de 65 ans en 2018) ou de l'Allemagne (34,8 % des plus de 65 ans en 2017), par exemple, il est nettement inférieur à celui du Royaume-Uni (72 % des plus de 65 ans en 2018) ou celui de la Corée du Sud (85,1 % des plus de 65 ans).

Graphique de l’OCDE

Fig. : derniers chiffres disponibles concernant les taux de vaccination chez les personnes âgées de plus de 65 ans dans les pays de l'OCDE. Source : OCDE

Le nombre total de vaccins contre la grippe effectués au Luxembourg peut également être estimé à partir des chiffres de vente de vaccins. Ainsi, pendant la saison grippale 2014/2015, les grossistes ont fourni 45 137 doses de vaccin au total. Un an plus tard, ce chiffre s’élevait à 43 917 et pour la saison 2016/2017, 55 006 vaccins ont été livrés.

Quelque 70 000 doses de vaccin ont été commandées pour la saison en cours et près de 55 000 ont été livrées jusqu’en octobre 2020. Une très forte demande, même en dehors des groupes de population à risque, a généré des pénuries, de sorte que dans de nombreuses pharmacies, plus aucun vaccin n’était disponible. La situation s'est améliorée avec la livraison de nouveaux vaccins en décembre 2020.

Des indices semblent effectivement indiquer que les personnes qui se sont fait vacciner contre la grippe courent moins de risques de contracter la Covid-19. C'est la conclusion d'une étude préliminaire (prépublication) menée auprès du personnel hospitalier. Toutefois, les corrélations qui y sont présentées pourraient aussi s’expliquer par d’autres facteurs. Par exemple, les personnes qui sont plus enclines à se faire vacciner pourraient aussi avoir tendance à mener un mode de vie sain et à respecter scrupuleusement les mesures d’hygiène, ce qui réduirait également le risque d'infection au coronavirus. De plus, le personnel hospitalier se protège contre la Covid-19 en portant des vêtements de protection sur le lieu de travail. Comme l'étude n'a pas encore été passée en revue par des scientifiques indépendants, elle n'a qu'un caractère indicatif et ne prouve pas l'existence d'une telle corrélation.

Une autre étude a comparé la couverture vaccinale des personnes âgées dans différentes régions d’Italie avec le nombre de cas de Covid-19. Dans les régions où le taux de vaccination contre la grippe est élevé, ces cas sont moins fréquents et moins graves. Les auteurs estiment que les résultats de leur analyse de données justifient des études plus approfondies sur le rôle du virus de la grippe dans le contexte de la Covid-19.

Une étude également menée en Italie a conclu qu'une couverture vaccinale antigrippale élevée était associée à une diminution du nombre de décès dus à la Covid-19. Une étude de l'organisation à but non lucratif américaine Mayo Clinic a également constaté une corrélation similaire entre d'autres vaccins, par exemple celui contre la polio, la varicelle, la rougeole, la rubéole, les oreillons ou l'hépatite. Cette étude n'est également disponible que sous la forme d’une prépublication préliminaire et doit encore faire l'objet d'un examen par les pairs.

Conclusion : même si les études réalisées à ce jour donnent de premières indications permettant d’affirmer qu’il existe un lien entre le vaccin antigrippal et le risque de contracter la Covid-19, cette question n'a pas encore été définitivement clarifiée. Il convient donc d'examiner de plus près si le vaccin contre la grippe offre réellement une protection contre l'infection au coronavirus.

Les virus sont très résistants. En 2014, des chercheurs ont identifié un virus  en Sibérie qui a survécu pendant 30 000 ans dans le permafrost (source : voir infobox). Une fois décongelé, malgré les conditions défavorables et la longue période de temps écoulée, le virus était encore capable de contaminer et de tuer des amibes (protozoaires).

Cela n’empêche pas les scientifiques du monde entier d’essayer d'éradiquer définitivement les souches de virus les plus variées. Le virus de la fièvre aphteuse est l’un des agents pathogènes qui font actuellement l’objet d'une attention accrue (source : voir infobox). La maladie du même nom touche principalement les artiodactyles tels que les bovins, les porcs ou les chèvres, et cause d’énormes préjudices économiques. Dans de rares cas, elle peut également être transmise à l'homme.

Les scientifiques pensent que la vitesse et la nature des mutations du matériel génétique du virus affectent sa virulence et constituent la clé de son éradication. La virulence – c’est-à-dire la capacité d'un virus à se répliquer – peut être influencée par divers facteurs environnementaux. Les environnements où elle baisse fortement sont appelés des pièges écologiques. Ceux-ci peuvent apparaître naturellement. Mais ils peuvent aussi être constitués artificiellement en modifiant la surface des cellules hôtes de telle manière que le virus ne puisse plus se reproduire.

Lors d'expériences sur le virus de la fièvre aphteuse, les scientifiques ont combiné des inhibiteurs et des mutagènes, c'est-à-dire des modifications inhibitrices et des facteurs mutagènes. Lors d'expériences similaires, les chercheurs ont apporté un grand nombre de mutations au génome viral qui ont été fatales au virus.

Le premier virus que l'homme a pu éradiquer « dans la nature » a été l'Orthopoxvirus variolae, l'agent pathogène à l’origine de la variole. En raison de sa forte virulence et de son taux de mortalité pouvant atteindre 90 %, la variole était un virus redouté pendant des milliers d'années. Grâce à une campagne de vaccination menée de façon cohérente à l’échelle mondiale, le virus a pu être contenu. Le dernier décès a été enregistré en 1978. Deux ans plus tard, l'OMS a déclaré la variole éradiquée. Aujourd'hui, officiellement, seuls deux laboratoires de haute sécurité possèdent encore des échantillons du virus, l’un aux États-Unis et l’autre en Russie. Les souches qui y sont stockées sont considérées comme une sorte d'assurance-vie au cas où des échantillons dont on ignore l’existence seraient utilisés dans une attaque bioterroriste. Pendant longtemps, l’Orthopoxvirus variolae a été le seul virus considéré comme éradiqué. Ce n’est qu’en 2011 que s’y est ajouté le virus de la peste bovine (source : voir infobox), qui a entraîné de lourdes pertes de bétail pendant des siècles. Là aussi, la percée a été réalisée grâce à un vaccin et une campagne d'éradication mondiale.

Cependant, il existe aussi des virus qui disparaissent à nouveau après une brève et violente flambée épidémique, même sans campagne de vaccination – comme c'était le cas du SARS-CoV-1, le premier coronavirus (source : voir infobox). Il a provoqué le syndrome respiratoire aigu sévère (SARS en abrégé) en Chine en 2002. Contrairement à ce qui a été le cas avec son cousin, le virus du SARS-CoV-2, un jeune sur dix et une personne âgée atteinte sur deux mourraient en moyenne du SARS-CoV-1. Avant même que les scientifiques ne testent un premier vaccin sur un modèle animal moins de deux ans plus tard, les taux d’infection tendaient à nouveau vers zéro. Les mesures d’enrayement implémentées de façon cohérente seraient à l’origine de cette situation.

Pourquoi le SARS-CoV-1 a-t-il disparu et le SARS-CoV-2 est-il toujours là ?

Le SARS-CoV-1 s’est répandu très vite et a rendu les gens très malades, et la plupart d'entre eux n'étaient contagieux qu'à partir de ce moment-là. Cela a permis d'identifier et de mettre en quarantaine plus facilement les personnes infectées, avant qu'elles ne puissent contaminer d'autres personnes. Et c'est probablement cette recherche systématique des contacts, associée à des mesures de protection, des tests et des restrictions de voyage, qui a finalement permis de contenir le SARS-CoV-1.

Le SARS-CoV-2 est moins mortel que le SARS-CoV-1, mais plus contagieux. Et un fait non négligeable, c’est que les personnes infectées sont contagieuses avant même de présenter des symptômes. En outre, il existe aussi des porteurs asymptomatiques qui peuvent transmettre le virus. C'est ce qui rend le contrôle de la propagation du SARS-CoV-2 si difficile. 

 

Les experts sont d’avis que, malgré les mesures de protection actuellement en place, le virus continuera à circuler normalement dans de petits groupes de la population, qui pourront encore et toujours le transmettre à des tiers. Pourquoi ? Cela tient à deux raisons principales :

Beaucoup de virus de la grippe différents en constante mutation

Il n’y a pas qu’un virus de la grippe, il y en a plusieurs. Il existe trois types de virus qui peuvent infecter l'homme : les virus A, B et C. Les types A et B provoquent des épidémies saisonnières, mais le type A peut parfois provoquer des pandémies (cela s’est produit la dernière fois en 2009). Différentes variantes de virus circulent chaque année. Et les différentes variantes mutent régulièrement. C’est pourquoi nous ne sommes jamais complètement immunisés contre la grippe et de nouveaux vaccins antigrippaux doivent être mis au point et fabriqués chaque année. Des recherches sont menées sur un vaccin universel contre la grippe B. S'il s'avérait efficace et sûr, la grippe B pourrait au moins être éradiquée en théorie (en fonction du nombre de personnes qui se font vacciner).

Les êtres humains ne sont pas les seuls hôtes

Pour la grippe A, ce scénario est probablement impossible. En effet, les virus de la grippe A ne touchent pas seulement les êtres humains, mais circulent également chez les animaux, notamment les oiseaux. Les virus de la grippe B n'existent que chez les êtres humains et les phoques, et ne provoquent pas de pandémie. Même si ces types de grippes étaient éradiqués par des mesures de protection et/ou un vaccin, de nouvelles variantes pourraient  à nouveau passer de l'animal à l'homme.

Il est tout de même possible que la pandémie actuelle ait un impact sur les virus de la grippe. En effet, si le virus de la grippe circule, il devrait théoriquement aussi y avoir moins de mutations. Cela pourrait signifier que la prochaine saison grippale sera plus clémente.

Conclusion

À l'heure actuelle, rien ne prouve que le SARS-CoV-2 ou les mesures d'hygiène strictes adoptées à l’échelon mondial aient enrayé les virus de la grippe. Et il est aussi peu probable qu’on éradique complètement les virus de la grippe. Le fait que la saison grippale 2019/2020 a été clémente dans de nombreuses régions indique que les virus de la grippe ont été fortement contenus. Toutefois, d'autres causes, telles que la saturation des systèmes de soins de santé et les conséquences sur le système de surveillance de la grippe qui en résultent pourraient également jouer un rôle à cet égard.

Les experts continuent donc de considérer qu’il est utile de se faire vacciner. Il convient d'examiner de plus près les interactions entre les différents virus et d’évaluer si le vaccin contre la grippe offre réellement une protection contre une infection au coronavirus. Il reste à voir comment la saison grippale 2020/2021 se déroulera dans l'hémisphère nord.

 

Auteurs : scienceRELATIONS/Kai Dürfeld, Michèle Weber (FNR)
Rédaction : Jean-Paul Bertemes (FNR), Michèle Weber (FNR)
Illustrations : LNS, FNR, OCDE

Infobox

Sources supplémentaires :
  1. Virus qui survivent dans le permafrost : Marilyn J. Roossinck, Viren!, Springer-Verlag, 2018, p. 214
  2. Karl Wurm, A. M. Walter : Infektionskrankheiten. Dans : Ludwig Heilmeyer (éd.) : Lehrbuch der Inneren Medizin. Springer-Verlag, Berlin/Göttingen/Heidelberg 1955; 2e édition ebenda 1961, pp. 9-223, ici : p. 209 f.
  3. Éradication de la peste bovine : Marilyn J. Roossinck, Viren!, Springer-Verlag, 2018, p. 126
  4. SARS : Marilyn J. Roossinck, Viren!, Springer-Verlag, 2018, p. 84
  5. SARS-CoV-1 vs. SARS-CoV-2 : https://theconversation.com/the-original-sars-virus-disappeared-heres-why-coronavirus-wont-do-the-same-13817

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