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L'annonce de 44 nouveaux cas d'infection samedi a été un choc pour beaucoup d'entre nous. Le week-end, les chiffres étaient un peu moins alarmants. Mais voilà qu'avant-hier encore, 43 nouvelles infections ont été détectées. Hier, il y a eu 46 nouveaux cas. Est-ce que tout recommence à zéro ? La deuxième vague est-elle arrivée ?

Réponse : il n'existe pas encore de certitude, mais les chiffres semblent le suggérer. Cependant, il n'y a aucune raison de céder à la panique. Tout ce qu'il faut faire, c'est donner au virus moins d'occasions de se propager. Hier, lors de la conférence de presse, les fêtes privées en particulier ont été pointées du doigt, si bien qu'elles devraient à nouveau faire l'objet d'une réglementation plus stricte.

Dans cet article, nous allons nous intéresser plus en détail à la problématique de la deuxième vague. Mais pour ceux qui sont pressés, voici déjà les points essentiels :

Qu'entend-on exactement par « deuxième vague » ? Et comment pouvons-nous maîtriser la situation ?

Il n'existe pas de définition précise du terme « deuxième vague ». Et ce n'est pas là l'essentiel de la question. La vraie question, c'est de savoir si nous serons en mesure de maîtriser le virus au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Pour cela, il est crucial de savoir où les nouvelles infections se produisent. Nous sommes en mesure de maîtriser les foyers de contamination (c'est-à-dire les groupes de personnes qui ont été contaminées dans le même environnement ou lors du même événement). Mais une fois que le virus commence à se propager, cette tâche s'avère plus difficile.

Notre capacité à contenir la propagation du virus dépend non seulement des mesures d'hygiène prises et de la volonté de coopération de la population, mais aussi dans une large mesure des tests réalisés et de la recherche des contacts. Tant que nous sommes en mesure d'identifier (au moyen de tests) et d'isoler les cas individuels ainsi que leurs contacts (recherche des contacts), nous pouvons contrôler la propagation. Il s'agit là de la phase 1 de la lutte contre la pandémie (atténuation). Dès qu'il n'est plus possible d'identifier et d'isoler les cas individuels et leurs contacts, nous passons à la phase 2, le confinement. À ce stade, ce ne sont pas des individus, mais des groupes entiers de personnes qui doivent être mis en quarantaine (confinement régional ou national) afin d'endiguer la propagation du virus.

Au cours des derniers jours, un nombre accru de nouvelles infections a été signalé. Cette situation s'explique-t-elle exclusivement par le nombre plus élevé de tests réalisés ?

Non. Cette augmentation n'est pas uniquement due au nombre plus élevé de tests de dépistage effectués. Il a été prouvé qu'indépendamment du nombre de tests réalisés, la prévalence du virus dans la population est en train d'augmenter.

Bien entendu, en réalisant plus de tests, nous sommes en mesure de déceler un nombre plus important de cas d'infections. Cependant, les chercheurs luxembourgeois ont pris en compte cet effet en rapportant le nombre de cas positifs au nombre de tests effectués (nombre de cas positifs divisé par le nombre de tests). Résultat : le nombre de cas positifs grimpe indépendamment de l'augmentation du nombre de tests effectués. La présence accrue de traces de virus dans les eaux usées luxembourgeoises vient corroborer ce fait.

Lorsque le Luxembourg est entré en quarantaine le 16 mars, le pays ne comptait officiellement que 81 infections au total. Au cours des derniers jours, nous avons enregistré à trois occasions plus que 40 nouveaux cas. Devons-nous procéder à un nouveau confinement ?

On ne peut pas comparer directement la situation de mars à celle que nous vivons actuellement. D'une part, en mars, le nombre de personnes contaminées était bien inférieur au nombre de cas officiellement confirmés. Le nombre d'infections non détectées n'était pas encore connu. D'autre part, on ignorait tout de ce virus à l'époque. Les pays du monde entier n'avaient pas d'autre solution que de confiner, et c'était la bonne décision au vu de la situation. Mais entre-temps, nous connaissons mieux le virus et nous nous sommes préparés, ce qui nous laisse une plus grande marge de manœuvre. Nous avons acquis une certaine expérience dans la lutte contre le virus et nous pouvons nous reposer sur cette expérience. Le système de santé s'est également doté de moyens supplémentaires. Par ailleurs, les habitants au Luxembourg ont appris à contenir le virus. Nous savons que nous pouvons y parvenir grâce à un effort collectif. En outre, nous connaissons la marche à suivre et savons que des mesures comme le port de masque et la distanciation physique portent leurs fruits. Nous savons également que les « super-contaminateurs » jouent un rôle plus important dans la propagation du virus qu'on ne le pensait initialement. Cela signifie que des mesures comme réduire le nombre de fêtes ou de grands événements ou les annuler peut avoir un impact fort sur l'endiguement du virus. Grâce à l'étude CON-VINCE, entre autres, nous avons une meilleure idée du nombre de cas non détectés et nous sommes également en mesure de les identifier à l'aide du test à grande échelle. En outre, nous nous sommes dotés de moyens supplémentaires pour effectuer la recherche des contacts, un volet qui joue un rôle très important pour contenir la circulation du virus. Le fait que le Luxembourg soit en mesure de réaliser un si grand nombre de tests contribue aussi dans une large mesure à une meilleure maîtrise du virus, par rapport au début de la pandémie, quand il n'y avait pratiquement pas de masques ni de tests disponibles et que nous ignorions tout de ce virus. Il existe beaucoup plus de moyens de lutter contre la propagation du virus, sans avoir à procéder tout de suite à un nouveau confinement. En définitive, tout dépend du niveau de responsabilité dont les gens font preuve à l'égard d'initiatives telles que le test de dépistage à large échelle ou le respect des mesures de mise en quarantaine.

Quoi qu'il en soit, les chiffres actuels laissent entendre que la situation est grave. Le virus est toujours là. Sans mesures d'hygiène adéquates, nous pourrions rapidement revenir à une propagation exponentielle, une situation que nous souhaitons tous éviter. Une chose est sûre, personne ne souhaite la mise en place d'un nouveau confinement. La situation actuelle montre que l'évolution de la pandémie dépendra de notre comportement durant les mois à venir.

Que puis-je faire pour contribuer à apaiser la situation ?

Il est important d'être conscient du fait qu'en situation de pandémie, on ne peut pas penser qu'à soi. Une pandémie est une question de santé publique. Avec son propre comportement, on a un impact sur les valeurs moyennes de l'ensemble de la population. On peut faire évoluer les valeurs moyennes dans un sens et donner plus de chances au virus ou dans l'autre, pour lui en laisser moins.

Au bout du compte, c'est une question de probabilités. Il ne s'agit pas d'une certitude absolue dont une personne individuelle peut se prévaloir.

Cela signifie que chaque fois qu'on renonce à une fête, qu'on porte son masque, qu'on observe une distance physique, qu'on se lave les mains, etc., on contribue à réduire la probabilité d'une infection. Un confinement n'est rien d'autre qu'une mesure radicale visant à réduire au maximum cette probabilité par la contrainte. Il serait bien sûr préférable de trouver le juste milieu, où l'on autoriserait le plus de choses possible, mais où l'on s'abstiendrait de faire autant de choses que nécessaire – jusqu'à ce qu'un vaccin ou un traitement efficace soit disponible.

À présent, nous vous livrerons des informations et des analyses un peu plus détaillées à propos de la deuxième vague au Luxembourg et dans le monde.

Qu'est-ce qu'une deuxième vague ? Comment peut-on définir ce concept ?

La définition de la deuxième vague est presque la même que celle des vagues en pleine mer – en effet, « la » vague n'existe pas. Il serait erroné de parler de deuxième vague, alors que le nombre de nouveaux cas n'augmente que faiblement. Il n'y a pas de définition précise et la raison réside dans la nature même du concept : la hausse du nombre de nouvelles infections n'est-elle qu'un petit pic supplémentaire de la première vague d'infection ? Peut-on réellement qualifier de deuxième vague les foyers locaux qui entraînent une augmentation des nouveaux cas d'infection, mais qui sont limités au niveau régional ? Ou peut-on uniquement parler de deuxième vague lorsqu'une grande partie de la population est touchée ?

En particulier au début d'une recrudescence, il est difficile d'identifier si on est face à une anomalie passagère ou au début d'une deuxième vague. Surtout au Luxembourg, car ici, le nombre absolu de cas est faible et les écarts stochastiques (c'est-à-dire les écarts aléatoires) jouent un rôle d'autant plus important que les chiffres sont faibles. 

Les craintes d'une deuxième vague de COVID-19 sont en partie dues au déroulement de la pandémie de grippe espagnole que l'Europe a connue en 1918 et 1919. Pendant cette pandémie, près de 500 millions de personnes ont été contaminées à l'échelle mondiale et 20 à 50 millions de personnes sont décédées. Le virus est apparu pour la première fois au printemps 1918, puis il a frappé une deuxième fois à l'automne de la même année, après avoir muté en une forme beaucoup plus meurtrière. Cette deuxième vague était bien plus intense que la première. Et il y a même eu une troisième vague. Bien entendu, on ne peut pas faire de parallèle direct entre la grippe espagnole et la pandémie de Covid-19. Néanmoins, il est utile de tirer des leçons des pandémies antérieures. Et la grippe espagnole montre qu'une pandémie peut se dérouler en plusieurs vagues. Toutefois, il y a aussi eu des pandémies sans deuxième vague, comme la grippe porcine.

Source : Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3291398/, dans le domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6916289

Nous ignorons encore de quelle façon la pandémie de SARS-Cov-2 va évoluer. À l'échelle mondiale, nous sommes toujours dans la première vague de l'actuelle pandémie de SARS-CoV-2 !

Toutefois, dans les différents pays, on observe un mouvement de fluctuation typique de la pandémie, ce qui laisse conclure à une deuxième vague. On constate entre autres cette tendance en Iran, en Israël, au Costa Rica, en Bulgarie et en Suède, mais aussi dans certains États américains de plus petite taille et dans la capitale portugaise, Lisbonne. (Vous trouverez plus d'informations sur l'évolution de la pandémie dans les différents pays plus loin dans l'article.)

Au Luxembourg aussi, la courbe suit un mouvement ascendant et descendant, mais le mouvement vers le bas n'en est qu'à ses débuts et on ignore encore s'il s'agit d'un petit pic ou d'une vague plus ou moins importante. L'avenir nous le dira et tout dépendra de notre comportement. Voici un graphique de l'université Johns Hopkins qui reprend le nombre de nouvelles infections par jour.

Sommes-nous actuellement aux prises avec une deuxième vague au Luxembourg ?

Analysons désormais le nombre de nouvelles infections au Luxembourg et l'augmentation quotidienne du nombre de cas actifs sur la base d'une moyenne sur sept jours. On constate que cette valeur a dépassé les 10 % depuis le 13 juin. Les 46 cas d'hier , qui laissent conclure à une tendance à la hausse du nombre de cas, ne sont pas encore comptabilisés dans le tableau.

Droits d'auteur : Tom Goedert

Ce tableau montre qu'en calculant le taux de croissance uniquement par rapport à la veille, celui-ci connaît trop de fluctuations et n'a donc guère de pertinence en tant que valeur. Enfin, on peut constater que depuis le 4 juin, la hausse est relativement constante. Le graphique suivant l'illustre bien :

Copyright : Tom Goedert

Ces chiffres semblent indiquer que nous sommes actuellement au début d'une deuxième vague. Voici la conclusion des chercheurs de la Task Force COVID-19 (Stefano Magni, Daniele Proverbio, Paul Wilmes, Jorge Goncalves et Alexander Skupin), qui ont rédigé un rapport au sujet d'une deuxième vague dans lequel ils analysent la situation actuelle et discutent des éventuels facteurs indicateurs d'un tel phénomène : « Après la baisse constante du nombre de nouveaux cas de Covid-19 au cours des deux derniers mois et la stabilisation à un niveau faible de moins de dix nouveaux cas par jour de la mi-mai à la mi-juin, les chiffres de la semaine dernière sont alarmants et pourraient laisser présager une deuxième vague. »

Toutefois, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Nous ne pouvons pas encore évaluer avec certitude comment les choses vont évoluer. Les chercheurs ont également ajouté : « Pour contextualiser la hausse de la semaine dernière, il est essentiel d'identifier l'origine des nouveaux cas. »

Pourquoi est-il crucial de savoir où les nouvelles infections se produisent ?

Alexander Skupin, responsable du groupe de modélisation de la Task Force Research Luxembourg a expliqué : « En ce moment, on dirait que nous sommes face à une deuxième vague. Mais en réalité, la vraie question n'est pas là. Ce qui importe, c'est que nous maîtrisions la situation à tout moment. Pour cela, il est important de se pencher sur les détails. Si les nouvelles infections se produisent toutes sous la forme de foyers de contamination, il est plus facile de les contrôler que si le virus se répand de façon diffuse dans la population

Pourquoi ?

Prenons l'exemple d'une fête, où un super-contaminateur infecte 20 personnes. Un foyer de contamination se forme. Grâce au test de dépistage à large échelle et aux importantes capacités de dépistage, la probabilité est relativement grande au Luxembourg qu'une des 21 personnes infectées soit testée positive peu de temps après. Grâce à la recherche des contacts, les contacts de la personne contaminée seront identifiés, mis en quarantaine et également testés. Comme ce cas individuel a permis d'identifier tout un foyer, le nombre de nouvelles infections sur une période de un à trois jours sera élevé, mais la situation sera relativement bien maîtrisée, si l'on part du principe que toutes les personnes infectées, ou du moins la majorité d'entre elles, ont été identifiées et mises en quarantaine et qu'elles ne peuvent donc contaminer personne d'autre.

La situation est différente lorsque le virus commence à se propager de façon diffuse. Quand tout d'un coup, on ignore où et par qui les personnes infectées ont contracté le virus. Ou lorsque les gens ne se souviennent plus des personnes qu'ils ont rencontrées, à quel moment et à quel endroit. Il devient alors plus difficile de retracer les contacts et de déterminer la source de l'infection. Le nombre de nouvelles infections à lui seul n'est donc guère significatif. Au bout du compte, la vraie question, c'est de savoir si nous sommes en mesure d'identifier et d'isoler les cas individuels à l'aide de la recherche des contacts. Une fois que nous n'en sommes plus en mesure, la situation risque d'échapper à tout contrôle.

Actuellement, la recherche des contacts se fait manuellement au Luxembourg. Cependant, l'on envisage aussi d'utiliser une application de recherche de contacts, parallèlement à la recherche manuelle des contacts. Voici un article comprenant des informations d'ordre général sur les applications de recherche de contacts :

Comme nous l'avons déjà mentionné, l'objectif est de maîtriser à tout moment la situation actuelle. Connaissons-nous la marche à suivre ? Paul Wilmes, vice-porte-parole de la Task Force COVID-19 a expliqué : « Nous pensons qu'il faut être pragmatique. À l'heure actuelle, nous avons une certaine expérience du virus, ce qui n'était pas le cas au mois de mars. Nous savons, par exemple, qu'au plus fort de la pandémie au Luxembourg, nous comptions près de 2 300 cas officiels actifs. Ces 2 300 cas ont mis le système de santé sous pression, mais nous avons réussi à maîtriser la situation, et nous n'avons pas connu de pénurie de lits de soins intensifs. Nous devons essayer de ne pas dépasser cette valeur afin de garantir aux patients non Covid un accès aux soins intensifs. On savait qu'avec toutes les mesures d'assouplissement, le nombre de cas actifs allait augmenter après une longue période où il était resté relativement faible. Nous l'avions calculé dans toutes nos simulations. Ce qui importe, c'est que nous maîtrisions cette hausse et que nous ne dépassions pas ce seuil des 2 300 cas actifs. C'est pourquoi le nombre de nouveaux cas ne doit pas monter en flèche. »

Nous avons parlé ici, entre autres, de l'effet du grand nombre de tests réalisés. D'aucuns se demandent, à juste titre, si la hausse du nombre de nouvelles infections officielles est due à la multiplication des tests de dépistage. Examinons cette question de façon plus approfondie.

L'augmentation du nombre de tests effectués explique-t-elle, à elle seule, la hausse du nombre de nouveaux cas ?

Les chercheurs mentionnés ci-dessus ont écrit ce qui suit dans leur rapport : « L'analyse montre en outre que l'augmentation du nombre de cas n'a pas été induite par une augmentation des tests effectués. »

Comment les chercheurs peuvent-ils le savoir ? Depuis le début du mois de juin, le Luxembourg a lancé le test de dépistage à grande échelle, une initiative qui prend de l'ampleur. Comment les chercheurs peuvent-ils être sûrs que l'augmentation du nombre de nouvelles infections n'est pas uniquement due au test de dépistage à grande échelle ?

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont représenté le nombre relatif de cas positifs par jour et par nombre de tests (en bleu les valeurs quotidiennes et en gris les valeurs moyennes sur sept jours).  Ils ont affirmé à ce propos : « Cette courbe normalisée montre, d'une part, la baisse du nombre de cas par jour jusqu'à la mi-mai, où il s'est stabilisé (peut-être dans le cadre des premières mesures d'assouplissement), avant de chuter à nouveau fin mai et de se stabiliser à un niveau faible en juin. À partir du 19 juin, cependant, on a observé une augmentation marquée, les valeurs moyennes sur sept jours affichant une tendance exponentielle. Ceci montre clairement que la hausse du nombre de cas n'a pas été induite par l'augmentation du nombre de tests réalisés et que le début d'une deuxième vague pourrait se profiler. Pour procéder à une analyse plus approfondie, l'étape suivante consisterait à identifier l'origine des nouveaux cas, c'est-à-dire à déterminer notamment si l'augmentation s'explique par des foyers de contamination et la recherche des contacts ou si nous sommes face à une propagation généralisée du virus dans la population. »

Graphique de la Task Force COVID-19 : Nombre relatif de cas de Covid-19 normalisé en fonction du nombre de tests effectués. Le nombre de cas quotidiens (en bleu) et la moyenne sur sept jours (en gris) illustrent d'une part le recul de l'épidémie et une très faible prévalence au cours des deux premières semaines de juin, mais aussi une première augmentation significative au cours de la dernière semaine.

Si nous sommes au début d'une deuxième vague, cela devrait se refléter dans la valeur R. Qu'en est-il ?

Taux de reproduction effectif Reff

Les chercheurs ont affirmé : « Le taux de reproduction effectif Reff, qui indique le nombre moyen de personnes qu'un individu infecté va contaminer, doit être inférieur à 1 à long terme pour que nous soyons en mesure de maîtriser l'épidémie à l'aide de la recherche des contacts. Si la valeur Reff est supérieure à 1 pendant une période prolongée, même un nombre de cas peu élevé entraînera une augmentation constante (voire exponentielle) du nombre de cas, qui excèdera la capacité de recherche de contacts. Avec la hausse du nombre de cas, il faut également s'attendre à une augmentation du taux d'occupation de lits d'hôpitaux et de lits de soins intensifs par les patients Covid-19, une tendance qui sera perceptible deux à trois semaines après l'augmentation du nombre de cas. »

Pour l'exprimer en des termes simples : lorsque le nombre de nouvelles infections augmente, la valeur Reff est supérieure à 1 et quand le nombre de nouvelles infections diminue, la valeur Reff est inférieure à 1. Il n'est donc guère surprenant que la valeur Reff ait grimpé au-dessus de 1 ces derniers jours. Voici les explications des chercheurs : « Comme le montre ce graphique, le taux de reproduction effectif au Luxembourg était stable pendant tout un temps en mai, où il se situait autour de 0,8, mais il a augmenté de façon continue depuis début juin, de sorte que nous devons à nouveau nous attendre à ce qu'il passe au-delà de 1 après le 15 juin. Le degré relativement élevé d'incertitude, illustré par l'intervalle de confiance de 50 % représenté en gris, est dû au nombre relativement faible de cas, ce qui rend l'estimation difficile, mais l'évolution constante suggère une stabilité des valeurs. »   

Graphique : évolution du taux de reproduction effectif au Luxembourg.

Hier (01/07/2020), la valeur Reff a été évaluée à 1,37. L'objectif de maintenir la valeur R en dessous de 1 n'est donc pas atteint pour le moment.

Problème : Le taux de reproduction à lui seul ne permet pas de tirer des conclusions sur les foyers locaux

Le taux de reproduction fournit des informations fiables sur la prévalence de l'infection dans une population. Toutefois, il faut au moins une valeur supplémentaire pour pouvoir se prononcer sur les foyers locaux.

La « valeur R » équivaut au taux de reproduction. C'est un paramètre épidémiologique important qui indique combien de personnes un individu infecté va contaminer en moyenne. Au début d'une pandémie, il y a la valeur de départ R0, aussi appelée taux de reproduction de base. Cette valeur R0 décrit un état d'exception d'un point de vue épidémiologique : le virus frappe une population au sein de laquelle personne n'est immunisé. Dans cette population, personne n'a été vacciné et aucune mesure pour contenir le virus n'a encore été prise. Pour le SARS-CoV-2, cette valeur R0 se situe entre 2,4 et 3,3, ce qui signifie que chaque personne infectée va contaminer en moyenne un peu plus de deux à un peu plus de trois personnes. Sans contre-mesures, le nombre d'infections augmenterait rapidement et de façon exponentielle. Cependant, avec le temps, de plus en plus de personnes s'immunisent ou modifient leur comportement, par exemple en portant des masques ou en respectant la distanciation physique. Ceci a pour conséquence de modifier le taux de reproduction. On l'appelle alors Reff. En moyenne, une personne infectée va contaminer moins de personnes grâce à la mise en place de ces mesures.  Des mesures telles que l'augmentation du nombre de tests de dépistage et la recherche efficace des contacts contribuent également à réduire le taux Reff. Dans de nombreux pays, l'objectif déclaré est de réduire le taux de reproduction à un niveau inférieur à 1, ce chiffre étant considéré comme une valeur indicative pour maîtriser la situation.

Parce que la valeur R a ses limites, elle n'est plus pertinente si le nombre de cas devient trop faible. C'est pourquoi les épidémiologues aiment se servir du nombre de nouvelles infections rapporté à un nombre déterminé d'habitants dans certaines régions comme valeur indicative supplémentaire, généralement la valeur moyenne sur sept jours. Cette valeur a également l'avantage de permettre de déterminer où se trouvent les nouveaux foyers d'infection.

La limite de 50 nouvelles infections pour 100 000 habitants est controversée

L'Allemagne a décidé d'introduire une valeur limite au début du mois de juin. Si dans une région, plus de 50 habitants sur 100 000 contractent le virus sur une période de sept jours, cette région est déclarée zone à risque. De nombreux scientifiques s'accordent à dire qu'il existe une valeur limite : « Après tout, la réglementation doit permettre aux autorités sanitaires locales de réagir rapidement et efficacement aux foyers locaux », Gérard Krause, responsable du département d'épidémiologie au Helmholtz-Zentrum für Infektionsforschung à Braunschweig a-t-il par exemple expliqué. Cependant, ce chiffre absolu qui a été fixé au niveau politique est controversé. Certains scientifiques le jugent trop faible, alors que d'autres auraient préféré qu'il n'y ait pas de valeur limite et que les autorités sanitaires locales déterminent elles-mêmes les valeurs acceptables en fonction des capacités de leur personnel.

Le Luxembourg sera-t-il déclaré zone à risque ?

Cela dépend, bien sûr, de l'évolution des chiffres. Sur la base de cette limite de 50 nouvelles infections pour 100 000 habitants, le Luxembourg serait classé zone à risque si 45 nouvelles infections ou plus par jour se déclaraient parmi les résidents luxembourgeois (à l'exclusion des travailleurs frontaliers) pendant une période de sept jours. Toutefois, il n'est pas possible de donner une réponse générale à cette question, car tout dépend des événements politiques et, bien sûr, de l'évolution du nombre de cas au Luxembourg.

Comme l'a annoncé le Premier ministre Xavier Bettel lors de la conférence de presse hier, si d'autres pays devaient la déclarer zone à risque, des négociations seraient entamées. Après tout, en raison du nombre élevé de tests que nous réalisons, nous détectons relativement plus de personnes positives que les pays qui en effectuent moins. 

Qui décide de déclarer une zone à risque et pour quelle raison ?

À la mi-mai, la Commission européenne a publié des recommandations sur la manière de lever progressivement les restrictions de voyage en Europe. Le critère le plus important était le suivant : « Dans un premier temps, les restrictions doivent être levées entre les zones ou les États membres dont les situations épidémiologiques convergent de façon suffisante. » Cela signifie que les pays et régions où la pandémie a atteint un stade comparable devraient lever les restrictions de voyage entre eux. Mais de tels principes ne fonctionnent pas si - comme en Europe - les systèmes de santé et de détection ne sont pas du tout les mêmes et que les intérêts nationaux diffèrent également.

Le foyer épidémiologique de SARS-CoV-2 qui s'est déclaré à la mi-juin en Rhénanie-du-Nord-Westphalie illustre bien les problèmes que pose ce puzzle hétéroclite. Dans un abattoir, un nombre important d'employés ont contracté le virus, si bien que la limite récemment fixée de 50 nouvelles infections pour 100 000 habitants a été dépassée en une semaine dans deux cantons, Gütersloh et Warendorf, et que ces deux cantons ont été dans un premier temps déclarés zone à risque.

Conséquence : tous les autres Länder ont décidé que les personnes originaires de ces régions n'étaient pas autorisées à entrer sur leur territoire, sauf si elles pouvaient présenter un test de dépistage du coronavirus négatif. L'Autriche a émis pour une courte durée un avertissement aux voyageurs pour l'ensemble du Land, ce qui a provoqué un tollé en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Après de nombreuses discussions au plus haut niveau politique, le chancelier autrichien Sebastian Kurz a finalement cédé et a limité son avertissement aux seuls voyageurs issus du canton concerné à ce moment.

Il y a un autre pays européen - la Suède - qui ressent les effets des limites strictes imposées par les Allemands. La Suède affiche actuellement des chiffres bien au-delà de la limite avec plus de 80 nouvelles infections pour 100 000 habitants par semaine. Cette situation a des conséquences de grande envergure, car les personnes en provenance de Suède qui entrent en Allemagne doivent rester en quarantaine pendant deux semaines, à moins qu'elles ne puissent présenter un certificat médical attestant d'un test au SARS-CoV-2 négatif effectué au maximum deux jours plus tôt. Et cela bien que la situation de la Suède soit tout aussi hétérogène que celle de l'Allemagne, malgré des chiffres globaux élevés. Le nombre de nouveaux cas varie fortement à l'intérieur du pays, de sorte qu'il est légitime de se demander comment définir les « zones dont les situations épidémiologiques convergent de façon suffisante » en Europe, comme le préconise la Commission européenne.

Les critères d'évaluation sont tout aussi hétérogènes. En France, par exemple, les régions sont classées en trois zones à risque, auxquelles on attribue une couleur : vert, orange ou rouge. Il existe deux facteurs permettant de déterminer dans quelle zone à risque une région peut être classée. Tout d'abord, le nombre de personnes qui se présentent à l'hôpital avec une suspicion d'infection à SARS-CoV-2 et ensuite, la capacité des unités de soins intensifs de la région.

Un site web de la Commission européenne fournit des informations sur les règles relatives aux voyages dans les différents pays https://reopen.europa.eu/en.

Dans quels autres pays assiste-t-on actuellement à une deuxième vague ?

La section suivante n'a pas pour ambition d'être exhaustive. Voici quelques exemples :

Certains pays ou régions connaissent actuellement une deuxième vague. À titre d'exemple, le 25 juin, l'Iran a enregistré une augmentation de 6,6 % du nombre d'infections par rapport à la semaine précédente et la Suède a connu une hausse de 11,2 % sur la même période selon les calculs du journal britannique The Guardian. En Allemagne, la hausse est encore plus fulgurante : le nombre de nouvelles infections a progressé de 36,7 % en une semaine, principalement en raison d'un foyer local qui s'est déclaré dans un abattoir (voir « Qui décide de déclarer une zone à risque et pour quelle raison ? »).

Plusieurs gouvernements européens ont à nouveau déclaré le Portugal zone à risque ces derniers jours, alors que le pays a recensé une moyenne de 289 nouveaux cas d'infection au coronavirus toutes les 24 heures pendant une période de sept jours, selon les statistiques du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Trois quarts des cas ont été signalés dans la région de Lisbonne.

Le 28 juin, le ministre israélien de la santé, Yuli Edelstein, a annoncé qu'Israël avait probablement été frappé par une deuxième vague et que des mesures étaient à nouveau prises pour endiguer la pandémie. La Corée du Sud, qui était considérée comme un pays modèle en termes de maîtrise de la pandémie, a annoncé une deuxième vague et à Lisbonne également, les mesures de lutte contre la pandémie ont été renforcées après que le nombre d'infections y a augmenté pendant plusieurs jours d'affilée. Aux États-Unis, dans les premiers États ayant assoupli ou levé les mesures de confinement, on voit apparaître des foyers avec des taux d'infection élevés ayant le potentiel de déclencher une deuxième vague.

Voici un aperçu de la hausse (en pourcentage) du nombre total de cas dans certains pays (source : Guardian/ https://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2020/jun/25/revealed-data-shows-10-countries-risking-coronavirus-second-wave-as-lockdown-relaxed).

Il est possible de suivre la propagation de l'épidémie dans les différents pays grâce aux tableaux de bord fournis par l'université Johns Hopkins https://www.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html.

L'analyse de toutes ces données permet d'affirmer que la deuxième hausse est toujours la conséquence d'un assouplissement des mesures après un confinement.

Voici quelques exemples :

Hier einige Beispiele:

Comme vous pouvez le constater, il n'existe pas d'« évolution type ». Chaque situation est différente. Espérons que le Luxembourg ne connaîtra pas de deuxième vague trop forte. 

Auteur : Jean-Paul Bertemes (FNR), Annick Eimer (Science Relations)
Rédaction : Michele Weber (FNR), Joseph Rodesch (FNR), Sabine Schmitz (LCSB)

Plus d'infos sur l'auteur principal : 

Tous nos articles sur le nouveau coronavirus :

Analyse des chercheurs de la Task Force COVID-19 (researchluxembourg.lu) :

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